La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/07/2016 | FRANCE | N°386493

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 27 juillet 2016, 386493


Vu la procédure suivante :

La société Storagetek a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le titre de recettes n° 20342, le titre de recettes n° 24212 et le titre de recettes n° 11865 émis à son encontre par la commune de Toulouse respectivement le 20 juillet 2007 pour un montant de 2 666 333,31 euros, le 28 septembre 2007 pour un montant de 2 666 333,31 euros et le 2 juin 2008 pour un montant de 1 211 969,69 euros. Par un jugement n°s 0704096, 0704810, 0803295 du 1er juin 2012, le tribunal administratif de Toulouse a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer

sur les conclusions de la requête dirigées contre le titre exécu...

Vu la procédure suivante :

La société Storagetek a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le titre de recettes n° 20342, le titre de recettes n° 24212 et le titre de recettes n° 11865 émis à son encontre par la commune de Toulouse respectivement le 20 juillet 2007 pour un montant de 2 666 333,31 euros, le 28 septembre 2007 pour un montant de 2 666 333,31 euros et le 2 juin 2008 pour un montant de 1 211 969,69 euros. Par un jugement n°s 0704096, 0704810, 0803295 du 1er juin 2012, le tribunal administratif de Toulouse a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre le titre exécutoire du 20 juillet 2007, a annulé la délibération du 6 juillet 2007 en tant qu'elle infligeait à la société une pénalité d'un montant de 2 666 333,31 euros et a annulé les titres de recettes émis le 28 septembre 2007 et le 2 juin 2008.

Par un arrêt n° 12BX01855 du 14 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de la commune de Toulouse, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant que, par son article 3, il a annulé le titre de recettes n° 24212 du 28 septembre 2007 et en tant que, par son article 5, il a mis à la charge de la commune le versement à la société Sun Microsystems venant aux droits de la société Storagetek de la somme de 3 000 euros, et, d'autre part, rejeté les conclusions de la société Storagetek tendant à l'annulation du titre exécutoire du 28 septembre 2007.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 décembre 2014, 13 mars 2015 et 19 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Oracle France, venant aux droits de la Sun Microsystems, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel et de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Odinot, auditeur,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Oracle France et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Toulouse ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un contrat signé le 25 février 1993 avec la commune de Toulouse, le département de la Haute-Garonne et la région Midi-Pyrénées, l'entreprise Storage Technology Corporation, qui a par la suite cédé ses droits à sa filiale française, la société Storagetek, s'engageait, en contrepartie de diverses aides des collectivités, à exploiter sur le site de Basso Combo à Toulouse une activité de fabrication de périphériques et de mémoires informatiques et à créer un nombre minimum d'emplois définis à l'annexe 4 du contrat ; que cette annexe, modifiée par avenants du 10 juin 2002 et du 16 décembre 2003, prévoyait qu'une " pénalité d'emploi " serait versée par la société à la commune de Toulouse en cas de non respect des engagements de création d'emplois au 31 décembre 2004 ; qu'à la suite d'un différend entre la ville de Toulouse et la société Storagetek sur le nombre d'emplois créés et les pénalités d'emploi applicables, la société Storagetek a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à l'annulation des trois titres exécutoires des 20 juillet, 28 septembre 2007 et 2 juin 2008 émis à son encontre par la ville de Toulouse en application de la délibération du conseil municipal de Toulouse du 6 juillet 2007 autorisant le maire à recouvrer les sommes correspondant aux pénalités prévues par le contrat ; que, par un jugement du 1er juin 2012, le tribunal administratif de Toulouse a fait partiellement droit à sa demande ; que par un arrêt du 14 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de la commune de Toulouse, annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant que, par son article 3, il avait annulé le titre de recettes n° 24212 du 28 septembre 2007 ; que la société Oracle France, venant aux droits de la société Storagetek, se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'en application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, il incombe au juge administratif de viser et d'analyser les conclusions et les mémoires produits devant lui ; que, toutefois, cet article n'a ni pour objet ni pour effet d'obliger le juge d'appel, statuant par l'effet dévolutif, à viser et analyser les moyens et conclusions présentés devant le juge de première instance sur lesquels il est, dans ce cadre, amené à se prononcer ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas visé et analysé le moyen soulevé par la société requérante devant le tribunal administratif de Toulouse tiré de l'illégalité du titre exécutoire du 28 septembre 2007 en raison de l'absence d'abrogation du titre du 20 juillet 2007, doit être écarté ; qu'il ne saurait davantage être reproché à la cour de ne pas avoir répondu à ce moyen dans le cadre de l'effet dévolutif, dès lors que le tribunal administratif avait explicitement jugé que le premier titre avait été rapporté par le second titre et que cette appréciation n'était pas contestée en appel ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'annexe 4 du contrat modifié prévoyait que le calcul de la pénalité d'emploi serait basé sur le nombre d'emplois créés non seulement par la société Storagetek sur le site de Basso Combo, mais également par des entreprises " amenées " par Storagetek sur les territoires des communes de la communauté d'agglomération de Toulouse, " dès l'instant que la ville de Toulouse aura pu vérifier que ces entreprises ne seraient pas venues sans l'intervention de Storagetek " ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a pas entaché celui-ci de dénaturation en estimant que la lettre du 24 janvier 2005 par laquelle le maire de Toulouse a indiqué à la société Storagetek, en réponse à une lettre de celle-ci faisant état de ce qu'elle avait rempli ses obligations en matière d'emploi, qu'il n'y avait pas lieu de lui appliquer de pénalité, ne pouvait être interprétée comme une renonciation à vérifier le respect de la condition stipulée à l'annexe 4 ; que, dès lors, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a, en tout état de cause, pas entaché son arrêt d'erreur de qualification juridique en jugeant que cette lettre ne pouvait être regardée comme ayant créé des droits au profit de la société Storgetek ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, dans sa version alors applicable : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond, que, devant le tribunal administratif de Toulouse, la société requérante faisait valoir que le titre de recettes émis le 28 septembre 2007 était illisible en raison de la " surimpression " du sceau et de la signature de son auteur ; que l'irrégularité dont serait entachée l'ampliation du titre de recettes notifiée à son destinataire en raison du caractère illisible de ses mentions, est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de celui-ci ; que par conséquent, en jugeant que la circonstance que l'avis des sommes à payer adressé à la société, qui ne constituait pas l'original du titre exécutoire contesté, ne comportait pas les mentions prévues par les dispositions précitées était sans influence sur la légalité de ce titre exécutoire, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que si la société Oracle soutient que la cour aurait commis une erreur de droit en écartant les moyens tirés de ce que la ville de Toulouse ne pouvait être l'unique créancière des pénalités, de l'incompétence de son maire pour émettre le titre exécutoire litigieux et de l'interdiction pour une collectivité territoriale d'exercer une tutelle sur une autre collectivité territoriale, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

6. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société T-System, qui était sous-locataire de la société Storagetek, a adressé un courrier au maire de Toulouse le 14 décembre 2006 dans lequel elle a expliqué que son implantation avait été uniquement liée aux demandes formulées par certains de ses clients ; que, dès lors, en jugeant qu'il résultait notamment de cette lettre que l'implantation par cette société d'une partie de son activité à Toulouse n'avait eu aucunement pour origine l'intervention de la société Storagetek et que, dans ces conditions, le maire de Toulouse n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que les emplois créés par la société T Systems ne devaient pas être pris en compte pour le calcul de la pénalité d'emplois prévue par l'annexe 4 au contrat du 25 février 1993, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Oracle France doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Oracle France le versement de la somme de 3 000 euros à la commune de Toulouse au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Oracle France est rejeté.

Article 2 : La société Oracle France versera à la commune de Toulouse une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Oracle France et à la commune de Toulouse.

Copie en sera adressée au département de Haute-Garonne et à la région Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 386493
Date de la décision : 27/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2016, n° 386493
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Odinot
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:386493.20160727
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award