Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 8 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...C...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 8 avril 2016 rapportant le décret du 5 novembre 2012 qui lui avait accordé la nationalité française ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre de réexaminer sa situation, sous astreinte de 1 000 euros par mois de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- la décision n° 400519 du 19 juillet 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Clément Malverti, auditeur,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public.
1. Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude. " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., ressortissant comorien, a déposé le 3 janvier 2012 une demande de naturalisation par laquelle il a indiqué vivre maritalement en France avec MmeB..., de nationalité française, avec laquelle il a eu trois enfants, nés en 2007, 2010 et 2011, et s'est engagé sur l'honneur à signaler tout changement qui viendrait à survenir dans sa situation personnelle et familiale ; qu'au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par décret du 5 novembre 2012 ; que, toutefois, par bordereau reçu le 11 avril 2014, le ministre des affaires étrangères a informé le ministre chargé des naturalisations de ce que M. C...avait épousé le 28 novembre 2000 à Mkazi (Union des Comores) une ressortissante comorienne et que cinq enfants, dont deux jumeaux, étaient nés de cette union en 1997, 2001, 2004 et 2012 ; que, par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret prononçant la naturalisation de M. C...au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... n'a pas mentionné, dans sa demande de naturalisation faite le 3 janvier 2012, qu'il s'était marié aux Comores avec une ressortissante comorienne résidant à l'étranger, avec laquelle il a eu cinq enfants nés entre 1997 et 2012 ; que l'intéressé, qui maîtrise la langue française ainsi qu'il ressort du procès-verbal d'assimilation établi le 25 juillet 2012, ne pouvait se méprendre sur la portée des déclarations qu'il a faites en déposant sa demande de naturalisation ; qu'il doit être regardé comme ayant sciemment dissimulé sa situation familiale au cours de l'instruction de sa demande de naturalisation ; que, par suite, en rapportant sa naturalisation dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, le Premier ministre a fait une exacte application de l'article 27-2 du code civil ;
4. Considérant, en second lieu, qu'une décision de retrait de la nationalité française est, par elle-même, dépourvue d'effet sur la présence sur le territoire français ou sur les liens de la personne concernée avec les membres de sa famille ; qu'ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives à la protection du droit au respect de la vie familiale de l'intéressé ne peuvent être utilement invoquées à l'appui des conclusions dirigées contre le décret attaqué, non plus que celles des articles 3-1 et 3-2 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 8 avril 2016 rapportant le décret du 5 novembre 2012 qui lui avait accordé la nationalité française ; que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.