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23/03/2017 | FRANCE | N°402959

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 23 mars 2017, 402959


Vu la procédure suivante :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 23 janvier 2013 par laquelle l'association syndicale autorisée du canal de Manosque a rejeté leur demande de distraire du périmètre de celle-ci leur parcelle cadastrée BI n° 0153 située sur le territoire de la commune de Manosque (Alpes de Haute-Provence), de prononcer l'exclusion de leur parcelle de ce périmètre et d'annuler par voie de conséquence les rôles émis au titre des redevances syndicales dues pour les années 2012, 2013 et 2014. Par un j

ugement n° 1302598 du 9 mars 2015, le tribunal administratif a rejeté ...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 23 janvier 2013 par laquelle l'association syndicale autorisée du canal de Manosque a rejeté leur demande de distraire du périmètre de celle-ci leur parcelle cadastrée BI n° 0153 située sur le territoire de la commune de Manosque (Alpes de Haute-Provence), de prononcer l'exclusion de leur parcelle de ce périmètre et d'annuler par voie de conséquence les rôles émis au titre des redevances syndicales dues pour les années 2012, 2013 et 2014. Par un jugement n° 1302598 du 9 mars 2015, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15MA02214 du 27 juin 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. et Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août 2016 et 29 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'association syndicale autorisée du canal de Manosque la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 29 décembre 2016, M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur pourvoi en cassation, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 38 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, ratifiée par l'article 78 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;

- la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 ;

- le décret du 12 octobre 1892 relatif à la constitution de l'Association syndicale dite du Canal de Manosque ;

- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. et Mme A...;

Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. M. et Mme A...soutiennent que l'article 38 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, ratifiée par l'article 78 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, méconnaît le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

3. Aux termes de l'article 38 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " L'immeuble qui, pour quelque cause que ce soit, n'a plus de façon définitive d'intérêt à être compris dans le périmètre de l'association syndicale autorisée peut en être distrait. La demande de distraction émane de l'autorité administrative, du syndicat ou du propriétaire de l'immeuble. / La proposition de distraction est soumise à l'assemblée des propriétaires. Si la réduction de périmètre porte sur une surface telle qu'elle est définie au II de l'article 37, l'assemblée des propriétaires peut décider que la proposition de distraction fera seulement l'objet d'une délibération du syndicat. / Lorsque l'assemblée des propriétaires, dans les conditions de majorité prévues à l'article 14, ou, dans l'hypothèse mentionnée à l'alinéa précédent, la majorité des membres du syndicat s'est prononcée en faveur de la distraction envisagée, l'autorité administrative peut autoriser celle-ci par acte publié et notifié dans les conditions prévues à l'article 15. / Les propriétaires des fonds distraits restent redevables de la quote-part des emprunts contractés par l'association durant leur adhésion jusqu'au remboursement intégral de ceux-ci. / La distraction n'affecte pas l'existence des servitudes décrites à l'article 28 tant qu'elles restent nécessaires à l'accomplissement des missions de l'association ou à l'entretien des ouvrages dont elle use ".

4. Aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ". En l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.

5. D'une part, la disposition contestée n'entraîne pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789, mais apporte seulement une limitation à l'exercice de ce droit. D'autre part, le régime des associations syndicales autorisées répond à des objectifs d'intérêt général définis à l'article 1er de l'ordonnance du 1er juillet 2004, visant à prévenir les risques naturels ou sanitaires ainsi que les pollutions et les nuisances, à préserver, restaurer ou exploiter des ressources naturelles, à aménager ou entretenir des cours d'eau, lacs ou plans d'eau, voies et réseaux divers ou à mettre en valeur des propriétés. L'attachement de droits et obligations aux immeubles compris dans le périmètre d'une association, en quelques mains qu'ils passent, constitue un élément nécessaire de ce régime pour ne pas compromettre la réalisation des objectifs assignés à ces associations, dans le respect de la garantie consistant, sous le contrôle du juge, à pouvoir distraire les immeubles qui n'ont plus de façon définitive d'intérêt à être compris dans ce périmètre. La disposition n'a ainsi pas pour effet de porter aux conditions d'exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au but recherché ou d'une gravité telle qu'elle dénaturerait le sens et la portée de ce droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les moyens soulevés à l'appui du pourvoi en cassation de M. et MmeA... :

7. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

8. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, M.et Mme A...soutiennent que la cour administrative d'appel de Marseille :

- a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'acte d'engagement relatif à la parcelle de laquelle est issue, par division, la parcelle litigieuse, n'avait été signé le 4 septembre 1898 que pour une durée de 50 ans ;

- a commis une erreur de droit en méconnaissant la durée de 50 ans des engagements initiaux, lesquels étaient arrivés à échéance le 4 septembre 1948 sans avoir été reconduits ;

- l'a insuffisamment motivé et a commis une erreur de droit en méconnaissant les statuts de l'association syndicale autorisée dès lors que, faute de nouvelle adhésion de leur part, leur parcelle n'a pas à être incluse dans le périmètre de l'association syndicale ;

- a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant que la parcelle litigieuse n'avait pas perdu de manière définitive tout intérêt à l'usage des ouvrages d'alimentation en eau brute, construits et gérés par l'association ;

- a commis une erreur de droit, en n'admettant pas que le refus de distraction de la parcelle litigieuse portait atteinte au droit de propriété.

9. Aucun de ces moyens n'est de nature à justifier l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 38 de l'ordonnance 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.

Article 2 : Le pourvoi de M. et Mme A...n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et MmeA..., au Premier ministre, au ministre de l'intérieur et à l'association syndicale autorisée du canal de Manosque.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Type d'affaire : Administrative

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 23 mar. 2017, n° 402959
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP BOULLEZ ; SCP LESOURD

Origine de la décision
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 23/03/2017
Date de l'import : 28/03/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 402959
Numéro NOR : CETATEXT000034267100 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2017-03-23;402959 ?
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