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21/04/2017 | FRANCE | N°399780

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 21 avril 2017, 399780


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision n° 13-08-0287 du 30 mars 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'admission au bénéfice de l'asile. Par une décision n° 15016019 du 21 octobre 2015, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mai et 9 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A...demande au Conseil

d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'Office...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision n° 13-08-0287 du 30 mars 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'admission au bénéfice de l'asile. Par une décision n° 15016019 du 21 octobre 2015, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mai et 9 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A... ;

1. Considérant qu'aux termes du 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, la qualité de réfugié est reconnue à " toute personne qui (...), craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays " ; qu'aux termes de l'article 10, paragraphe 1 d) de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 : " Un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier : / - ses membres partagent (...) une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l'identité ou la conscience qu'il ne devrait pas être exigé d'une personne qu'elle y renonce, et / - ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu'il est perçu comme étant différent par la société environnante. / En fonction des conditions qui prévalent dans le pays d'origine, un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle " ;

2. Considérant qu'un groupe social est, au sens de ces dispositions, constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions ; qu'en fonction des conditions qui prévalent dans un pays, des personnes peuvent, à raison de leur orientation sexuelle, constituer un groupe social au sens de ces dispositions ; qu'il convient dès lors, dans l'hypothèse où une personne sollicite le bénéfice du statut de réfugié à raison de son orientation sexuelle, d'apprécier si les conditions existant dans le pays dont elle a la nationalité permettent d'assimiler les personnes se revendiquant de la même orientation sexuelle à un groupe social du fait du regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions et dont les membres peuvent craindre avec raison d'être persécutés du fait même de leur appartenance à ce groupe ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'octroi du statut de réfugié du fait de persécutions liées à l'appartenance à un groupe social fondé sur des orientations sexuelles communes ne saurait être subordonné à la manifestation publique de cette orientation sexuelle par la personne qui sollicite le bénéfice du statut de réfugié dès lors que le groupe social, au sens des dispositions précitées, n'est pas institué par ceux qui le composent, ni même du fait de l'existence objective de caractéristiques qu'on leur prête mais par le regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions ; que la circonstance que l'appartenance au groupe social ne fasse l'objet d'aucune disposition pénale répressive spécifique est sans incidence sur l'appréciation de la réalité des persécutions à raison de cette appartenance qui peut, en l'absence de toute disposition pénale spécifique, reposer soit sur des dispositions de droit commun abusivement appliquées au groupe social considéré, soit sur des comportements émanant des autorités, encouragés ou favorisés par ces autorités ou même simplement tolérés par elles ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que pour solliciter son admission au bénéfice de l'asile, M.A..., de nationalité bangladaise, soutient qu'il craint d'être persécuté en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son orientation sexuelle ; qu'il ressort des énonciations de la décision attaquée que, pour refuser d'accorder à M. A... le statut de réfugié, la Cour nationale du droit d'asile, après avoir relevé que l'orientation sexuelle de l'intéressé était établie, s'est fondée sur la circonstance que ni les pièces du dossier ni les déclarations du demandeur ne permettaient de tenir pour établis les faits allégués et les craintes évoquées ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé, d'une part, que les personnes homosexuelles au Bangladesh doivent être assimilées à un groupe social et, d'autre part, que les déclarations de l'intéressé permettaient de tenir pour établie son orientation sexuelle, la Cour nationale du droit d'asile a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le versement d'une somme de 3 000 euros à M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 30 mars 2015 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera une somme de 3 000 euros à M. A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 399780
Date de la décision : 21/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 avr. 2017, n° 399780
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Bernard
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:399780.20170421
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