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19/05/2017 | FRANCE | N°401589

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 19 mai 2017, 401589


Vu la procédure suivante :

La société Barnes et M. A...B...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'article 5 de la décision de la commission nationale des sanctions, en date du 21 mars 2016, en tant qu'elle prévoyait la publication de la sanction dans le magazine papier Barnes Luxury Homes. Par une ordonnance n° 1609258/9 du 30 juin 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à sa

demande.

Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés les ...

Vu la procédure suivante :

La société Barnes et M. A...B...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'article 5 de la décision de la commission nationale des sanctions, en date du 21 mars 2016, en tant qu'elle prévoyait la publication de la sanction dans le magazine papier Barnes Luxury Homes. Par une ordonnance n° 1609258/9 du 30 juin 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juillet et 25 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par la société Barnes et M. A... B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 62 ;

- le code monétaire et financier ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée ;

- la décision du 16 décembre 2016 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Barnes et M. A... B... ;

- la décision n° 2016-616/617 QPC du 9 mars 2017 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Barnes et M. A...B... ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Barnes et autre.

1. Considérant que, par une ordonnance du 30 juin 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a ordonné, à la demande de la société Barnes et de M.B..., la suspension de la décision du 21 mars 2016 de la commission nationale des sanctions prévue à l'article L. 561-38 du code monétaire et financier en tant qu'elle a ordonné la publication, de manière anonyme, des sanctions qui leur ont été infligées dans la revue Barnes Luxury Homes ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative (...) fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, (...) lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

3. Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'une décision administrative lorsque celle-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de la décision contestée sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, son exécution soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le juge des référés a pris en considération, pour apprécier l'urgence, la circonstance que la publication de la sanction, telle que prévue par l'article 5 de la décision du 21 mars 2016, en lieu et place de l'éditorial habituellement présenté par le président de la société Barnes, était de nature à dissuader les lecteurs, potentiels clients de la société, d'entrer en relation commerciale avec elle et, par là même, de diminuer significativement le chiffre d'affaires de la société ; qu'il n'a pas ainsi commis d'erreur de droit ; qu'alors même que la décision attaquée impose la publication de la sanction face à la 2ème de couverture et que, par ailleurs, l'extrait à publier ne contient pas d'élément permettant d'identifier directement les requérants, le juge des référés n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis en estimant qu'au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la condition d'urgence était satisfaite ;

5. Considérant que, par sa décision 2016-616/617 QPC du 9 mars 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions des articles L. 561-41 et L. 561-42 du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicables au litige, en ce que, en n'opérant pas de séparation au sein de la Commission nationale des sanctions entre, d'une part, les fonctions de poursuite et d'instruction des éventuels manquements et, d'autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes manquements, elles méconnaissent le principe d'impartialité ; qu'il résulte des points 12 et 13 de sa décision que la déclaration d'inconstitutionnalité bénéficie aux auteurs de la question prioritaire de constitutionnalité ; que, par suite, en jugeant, par une ordonnance suffisamment motivée, que le moyen tiré de l'atteinte au principe d'impartialité est de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux sur légalité de la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de son pourvoi, que le pourvoi du ministre chargé des finances doit être rejeté ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme 3 000 euros à verser par moitié à la société Barnes et à M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie et des finances est rejeté

Article 2 : L'Etat versera à la société Barnes et à M. A...B...la somme de 1 500 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Premier ministre, au ministre de l'action et des comptes publics, au ministre de l'économie, à la société Barnes, représentant désigné, pour l'ensemble des défendeurs.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 19 mai. 2017, n° 401589
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Franceschini
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 19/05/2017
Date de l'import : 30/05/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 401589
Numéro NOR : CETATEXT000034797228 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2017-05-19;401589 ?
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