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22/05/2017 | FRANCE | N°395440

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 22 mai 2017, 395440


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007. Par un jugement n° 1404147/2-3 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15PA01073 du 20 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel que M. et Mme B...ont formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en r

éplique, enregistrés le 21 décembre 2015 et les 18 mars et 19 décembre 2016 au sec...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007. Par un jugement n° 1404147/2-3 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15PA01073 du 20 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel que M. et Mme B...ont formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 21 décembre 2015 et les 18 mars et 19 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire du fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de M. et Mme B...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a été recruté par la société de production d'émission de télévision Endemol en qualité de directeur du développement salarié. Des fonctions de direction, en qualité de mandataire social, de filiales de cette société lui ont été parallèlement confiées. Il a été licencié à compter du 25 juin 2004. Par un arrêt en date du 4 juillet 2007, la cour d'appel de Paris a jugé que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Endemol à verser à M.B..., d'une part, la somme de 1 112 847,82 euros en application d'un protocole du 13 décembre 1999 annexé à son contrat de travail et, d'autre part, une somme de 12 millions d'euros en réparation du préjudice résultant de la perte de la faculté, du fait du licenciement, de lever les options de souscription d'actions prévues par le même protocole. Par un arrêt du 4 février 2009, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Endemol contre cet arrêt. A l'issue d'une procédure de rectification contradictoire, l'administration fiscale a soumis à l'impôt sur le revenu les sommes de 1 112 847,82 euros et 12 millions d'euros, respectivement, à hauteur de 732 877 euros sur le fondement du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts pour la première, en totalité sur le fondement des articles 79 et 82 du même code pour la seconde.

2. M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 à raison de l'imposition de ces indemnités. Par un jugement du 29 janvier 2015, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Par un arrêt du 20 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. et Mme B...contre ce jugement. M. et Mme B...se pourvoient en cassation contre cet arrêt.

En ce qui concerne l'indemnité de 1 112 847,82 euros :

3. D'une part, aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81 et des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable:/ 1° Les indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail ; / (...) 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (...) qui n'excède pas:/ a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ; / b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi (...) / 2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cession de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter. Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède les montants définis aux 3° et 4° du 1 est imposable (...) ". Aux termes de l'article 80 ter du même code : " a Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu./ b Ces dispositions sont applicables :/ 1° Dans les sociétés anonymes : au président du conseil d'administration ; au directeur général ; à l'administrateur provisoirement délégué ; aux membres du directoire ; à tout administrateur ou membre du conseil de surveillance chargé de fonctions spéciales (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-14-4 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, repris désormais à l'article L. 1235-3 du même code : " Si le licenciement d'un salarié survient sans observation de la procédure requise à la présente section, mais pour une cause réelle et sérieuse, le tribunal saisi doit imposer à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorder au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ; si ce licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le tribunal peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; en cas de refus par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie au salarié une indemnité. (...) ".

5. En jugeant que l'indemnité de 1 112 847,82 euros était imposable sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 80 duodecies combinées avec celles de l'article 80 ter du code général des impôts au motif que la " seule circonstance " qu'il résulte des énonciations de décisions du juge judiciaire que cette indemnité a été versée par la société Endemol à M. B...en application de l'article L. 122-14-4 du code du travail " ne [la] rend pas non imposable s'agissant d'une indemnité versée à un mandataire social et dirigeant " sans rechercher si et dans quelle mesure le versement de cette indemnité était lié à la rupture du contrat de travail et en se fondant sur l'unicité des fonctions de M. B...au sein de la société Endemol, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

En ce qui concerne l'indemnité de 12 millions d'euros :

6. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". Aux termes du premier alinéa de l'article 82 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 juillet 2007, devenu définitif, que l'indemnité de 12 millions d'euros a été allouée à M. B...à titre de dommages et intérêts destinés " à réparer le préjudice distinct résultant de la perte de la possibilité de lever les options en raison du licenciement abusif dont il avait fait l'objet avant le 1er janvier 2005 ". Il ne résulte pas de l'arrêt de la cour d'appel, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeB..., que cette indemnité soit l'une de celles mentionnées à l'article L. 122-14-4 du code du travail. Cette indemnité, dont le montant correspond au gain que M. B...aurait réalisé s'il avait pu exercer son droit d'option, trouve, comme ce dernier, sa source dans le contrat de travail, même si, à la date où elle a été accordée, celui-ci avait pris fin.

8. En jugeant que l'indemnité de 12 millions d'euros n'avait pas pour objet de réparer le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse entrant dans les prévisions de l'article L. 122-14-4 du code du travail et en en déduisant qu'elle était imposable sur le fondement des dispositions des articles 79 et 82 du code général des impôts, comme l'auraient été les revenus issus de la levée d'options si M. B...avait pu y procéder, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. et Mme B...doit être rejeté en tant qu'il porte sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 20 octobre 2015 en tant qu'il s'est prononcé sur l'indemnité de 12 millions d'euros.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. et Mme B...demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 20 octobre 2015 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur l'indemnité de 1 112 847,82 euros.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B...et au ministre de l'économie.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 395440
Date de la décision : 22/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - DÉTERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU DES SOMMES VERSÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L - 122-14-4 DU CODE DU TRAVAIL (1° DU 1 DE L'ART - 80 DUODECIES DU CGI) - 1) INDEMNITÉ VERSÉE SUR LE FONDEMENT DE CET ARTICLE À UN MANDATAIRE SOCIAL ET DIRIGEANT - INCLUSION - 2) INDEMNITÉ VISANT À RÉPARER UN PRÉJUDICE DISTINCT DE LA PERTE D'EMPLOI - RÉSULTANT DE LA PERTE DE CHANCE DE LEVER DES STOCKS OPTIONS - EXCLUSION - CONSÉQUENCE - INDEMNITÉ IMPOSABLE SUR LE FONDEMENT DES ART - 79 ET 82 DU CGI.

19-04-01-02-03 1) Une indemnité versée sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail doit être exonérée d'impôt sur le revenu sur le fondement du 1° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts (CGI) dès lors qu'elle est liée à la rupture du contrat de travail, y compris si elle est versée à un mandataire social et dirigeant.,,,2) Tel n'est en revanche pas le cas d'une indemnité visant à réparer un préjudice distinct, résultant de la perte de la possibilité de lever des stocks options, qui n'a pas été versée sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail. Une telle indemnité est imposable sur le fondement des articles 79 et 82 du CGI.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - TRAITEMENTS - SALAIRES ET RENTES VIAGÈRES - EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU DES SOMMES VERSÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L - 122-14-4 DU CODE DU TRAVAIL (1° DU 1 DE L'ART - 80 DUODECIES DU CGI) - 1) INDEMNITÉ VERSÉE SUR LE FONDEMENT DE CET ARTICLE À UN MANDATAIRE SOCIAL ET DIRIGEANT - INCLUSION - 2) INDEMNITÉ VISANT À RÉPARER UN PRÉJUDICE DISTINCT DE LA PERTE D'EMPLOI - RÉSULTANT DE LA PERTE DE CHANCE DE LEVER DES STOCKS OPTIONS - EXCLUSION - CONSÉQUENCE - INDEMNITÉ IMPOSABLE SUR LE FONDEMENT DES ART - 79 ET 82 DU CGI.

19-04-02-07 1) Une indemnité versée sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail doit être exonérée d'impôt sur le revenu sur le fondement du 1° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts (CGI) dès lors qu'elle est liée à la rupture du contrat de travail, y compris si elle est versée à un mandataire social et dirigeant.,,,2) Tel n'est en revanche pas le cas d'une indemnité visant à réparer un préjudice distinct, résultant de la perte de la possibilité de lever des stocks options, qui n'a pas été versée sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du code du travail. Une telle indemnité est imposable sur le fondement des articles 79 et 82 du CGI.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 mai. 2017, n° 395440
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Isidoro
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:395440.20170522
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