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20/06/2017 | FRANCE | N°393097

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 20 juin 2017, 393097


Mme Fathia B...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle d'une opération réalisée le 28 octobre 2002 à l'hôpital de La Timone. Par un jugement n° 1106516 du 14 mai 2013, le tribunal administratif, après avoir appelé en la cause la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Vaucluse, a partiellement fait droit aux conclusions de Mme B...et de la CPAM en retenant la responsabilité de l'AP-HM et en la condamnant à verser les sommes de 19 000 euros à l

a victime et de 30 258,10 euros à la CPAM.

Par un arrêt n° 13M...

Mme Fathia B...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle d'une opération réalisée le 28 octobre 2002 à l'hôpital de La Timone. Par un jugement n° 1106516 du 14 mai 2013, le tribunal administratif, après avoir appelé en la cause la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Vaucluse, a partiellement fait droit aux conclusions de Mme B...et de la CPAM en retenant la responsabilité de l'AP-HM et en la condamnant à verser les sommes de 19 000 euros à la victime et de 30 258,10 euros à la CPAM.

Par un arrêt n° 13MA02888 du 2 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel de l'AP-HM, sur l'appel incident de la CPAM des Hautes-Alpes agissant pour le compte de la CPAM de Vaucluse et sur l'appel incident de Mme B..., a ramené à 12 120 euros la somme que l'AP-HM a été condamnée à verser à Mme B...et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er septembre et 1er décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'AP-HM demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Chelle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM), à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de MmeB..., à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse et de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...a subi le 28 octobre 2002 à l'hôpital de la Timone, dépendant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM), une opération dont elle a conservé des séquelles respiratoires et neurologiques ; que, par un jugement du 14 mai 2013, le tribunal administratif de Marseille a jugé que la partie du dommage de la victime constituée par une atteinte du nerf phrénique était imputable à un geste opératoire fautif du chirurgien et que l'invalidité de Mme B... était imputable pour moitié à ce dommage, condamné l'AP-HM à lui verser une indemnité de 19 000 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire et permanent, de son incidence professionnelle et de frais exposés par elle pour se faire assister lors de l'expertise et fait droit à hauteur de 30 258,10 euros au recours subrogatoire exercé par la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse au titre de la pension d'invalidité servie par cette caisse à Mme B... de novembre 2004 à mai 2011 ; que, par un arrêt du 2 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel de l'AP-HM, sur l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse et sur l'appel incident de MmeB..., a, après avoir confirmé la responsabilité de l'AP-HM, maintenu à 30 258,10 euros l'indemnisation de la caisse primaire d'assurance maladie et ramené de 19 000 à 12 120 euros l'indemnisation de Mme B... ; que l'AP-HM demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a partiellement maintenu à sa charge les condamnations prononcées au profit de la victime et de la caisse primaire d'assurance maladie ; que Mme B...demande, par la voie du pourvoi incident, l'annulation de cet arrêt en tant qu'il fixe le montant de la somme que l'AP-HM a été condamnée à lui verser ;

Sur le pourvoi principal :

2. Considérant, d'une part, qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme " ; qu'eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ; que, dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice ;

4. Considérant que, pour se conformer aux règles rappelées ci-dessus, il appartenait aux juges du fond, pour la période au titre de laquelle Mme B...a bénéficié d'une pension d'invalidité, de déterminer, en premier lieu, si l'incapacité permanente conservée par l'intéressée en raison de l'atteinte au nerf phrénique subie lors de son hospitalisation entraînait des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnaient lieu au versement d'une pension d'invalidité ; que, pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices étaient réparés par la pension, il y avait lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subissait pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes était inférieur au capital représentatif de la pension ; que, dès lors qu'il avait été définitivement jugé que les fautes commises par le centre hospitalier avaient contribué pour moitié à la réalisation du préjudice, la moitié du montant des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle devait être mis à sa charge ; que dans cette limite la victime devait se voir allouer, le cas échéant, une somme correspondant à la part de ces postes de préjudice non réparée par la pension, évaluée ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le solde éventuel étant versé à la caisse primaire d'assurance maladie ;

5. Considérant qu'après avoir constaté que Mme B...ne justifiait d'aucun préjudice de perte de revenus, la cour administrative d'appel a retenu que l'intéressée ne démontrait pas que son préjudice d'incidence professionnelle n'aurait pas été suffisamment réparé par le versement de la pension d'invalidité prévue par le code de la sécurité sociale, puis elle a maintenu la condamnation prononcée par le tribunal à l'encontre de l'AP-HM à hauteur de 50% du montant de la pension d'invalidité versée par la CPAM de Vaucluse ; qu'en statuant ainsi, sans mettre en oeuvre les principes énoncés au point 4 ci-dessus, la cour a commis une erreur de droit qui justifie, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, l'annulation de son arrêt en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des postes de préjudice relatifs à la perte de revenus et à l'incidence professionnelle, tant au titre des droits de Mme B... que de ceux de la CPAM de Vaucluse ;

Sur le pourvoi incident :

6. Considérant qu'il résulte des termes de l'arrêt attaqué que la cour a fixé au point 14 de cet arrêt à la somme de 1 400 euros le montant dû en réparation des frais exposés par Mme B...pour se faire assister lors de l'expertise et, à son point 24, à la somme globale de 14 220 euros la somme mise à la charge de l'AP-HM au titre des troubles dans ses conditions d'existence, avant d'en déduire, à son point 25 et à l'article 1er du dispositif, que la somme totale due par l'AP-HM à Mme B...s'élevait à 12 120 euros ; que le rapprochement de ces chiffres traduit une erreur entachant l'arrêt d'une contradiction de motifs ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler également l'article 1er de son dispositif en tant qu'il fixe la somme due par l'AP-HM à la victime ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par les caisses primaires d'assurance maladie de Vaucluse et des Hautes-Alpes soit mise à la charge de l'AP-HM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Thouin-Palat et Boucard ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 2 juillet 2015 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé d'une part, en tant qu'il statue sur l'indemnisation des postes de préjudice relatifs à la perte de revenus et à l'incidence professionnelle subis par Mme B...ainsi que sur les conclusions présentées à ce titre par les CPAM de Vaucluse et des Hautes-Alpes et, d'autre part, en tant qu'il fixe à la somme de 12 120 euros la somme due à Mme B...au titre des frais d'expertise et des troubles dans les conditions d'existence.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille dans la limite de la cassation prononcée.

Article 3 : L'AP-HM versera à la SCP Thouin-Palat et Boucart, avocat de MmeB..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Les conclusions présentées par les caisses primaires d'assurance maladie de Vaucluse et des Hautes-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 393097
Date de la décision : 20/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2017, n° 393097
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Chelle
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:393097.20170620
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