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21/07/2017 | FRANCE | N°396196

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 21 juillet 2017, 396196


Vu la procédure suivante :

La société ESSO SAF a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'attestation rectificative du 12 janvier 2012 qui lui a été délivrée par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, modifiant pour l'exercice clos en 2000 le bénéfice net servant de base au calcul de la réserve spéciale de participation des salariés à constituer par la société Mobil Oil Française, aux droits de laquelle elle vient. Par un jugement n° 1201564 du 17 juillet 2014, le tribunal administratif de Ce

rgy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14VE02735 du 17 nov...

Vu la procédure suivante :

La société ESSO SAF a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'attestation rectificative du 12 janvier 2012 qui lui a été délivrée par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, modifiant pour l'exercice clos en 2000 le bénéfice net servant de base au calcul de la réserve spéciale de participation des salariés à constituer par la société Mobil Oil Française, aux droits de laquelle elle vient. Par un jugement n° 1201564 du 17 juillet 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14VE02735 du 17 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé ce jugement, a rejeté la demande présentée par la société ESSO SAF devant le tribunal.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 janvier et 12 avril 2016 et le 12 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société ESSO SAF demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code du travail ;

- le décret n°2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société Esso Saf ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 442-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date du litige : " Toute entreprise employant habituellement au moins cinquante salariés, quelles que soient la nature de son activité et sa forme juridique, est soumise aux obligations de la présente section, destinées à garantir le droit de ses salariés à participer aux résultats de l'entreprise. (...) ". Aux termes de l'article L. 442-2 du même code alors applicable : " Dans les entreprises mentionnées à l'article L. 442-1, une réserve spéciale de participation des salariés doit être constituée comme suit : / 1. Les sommes affectées à cette réserve spéciale sont, après clôture des comptes de l'exercice, calculées sur le bénéfice réalisé (...), tel qu'il est retenu pour être imposé au taux de droit commun de l'impôt sur le revenu ou aux taux de l'impôt sur les sociétés (...) ; / 2. Une déduction représentant la rémunération au taux de 5 p. 100 des capitaux propres de l'entreprise est opérée sur le bénéfice net ainsi défini ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 442-13 de ce code, alors applicable : " Le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise sont rétablis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes. Ils ne peuvent être remis en cause à l'occasion des litiges nés de l'application du présent chapitre. (...) ". Aux termes du 2° de l'article R. 442-5 du code, alors applicable, pris pour l'application de ces dispositions : " Le bénéfice net des associés des entreprises soumises au régime fiscal des sociétés de personnes est calculé sans tenir compte de la quote-part du résultat de ces entreprises qui leur revient, ni de l'impôt qui correspond à ce résultat. ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société en commandite par actions Mobil Oil Française, aux droits de laquelle vient la société ESSO SAF, a déposé au titre de son exercice clos en 2000 une déclaration de participation des salariés aux résultats de l'entreprise, sur laquelle elle a retranché de son résultat net avant impôts sa quote-part du résultat de deux sociétés en participation dont elle était associée. L'attestation prévue par l'article L. 442-13 du code du travail cité au point précédent lui a été délivrée par l'inspecteur des impôts le 13 décembre 2001. Par un jugement du 3 décembre 2008, devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a, sur demande du comité central d'entreprise de la société, annulé le refus de l'administration fiscale de modifier cette attestation en tant qu'elle n'a pas tenu compte de cette quote-part de résultat. Par une attestation rectificative du 12 janvier 2012, l'administration fiscale a modifié le montant du bénéfice net figurant dans l'attestation initialement délivrée, en application de l'article D. 3325-3 du code du travail alors applicable, aux termes duquel : " La modification d'assiette du bénéfice net intervenue après la délivrance d'une attestation donne lieu à l'établissement d'une attestation rectificative établie dans les mêmes conditions que l'attestation initiale. ". Par un arrêt du 17 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a, en premier lieu, annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 juillet 2014 rejetant la demande de la société d'annuler cette attestation rectificative puis, en second lieu, rejeté cette demande. La société ESSO SAF se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté sa demande de première instance.

3. D'une part, aux termes des deux derniers alinéas de l'article L. 442-13 du code du travail alors applicable : " Les contestations relatives au montant des salaires et au calcul de la valeur ajoutée prévus au quatrième alinéa de l'article L. 442-2 sont réglées par les procédures stipulées par les accords mentionnés à l'article L. 442-5. A défaut, elles relèvent des juridictions compétentes en matière d'impôts directs. Lorsqu'est intervenu un accord au sens de l'article L. 442-5, les juridictions ne peuvent être saisies que par les signataires dudit accord. / Tous les autres litiges relatifs à l'application du présent chapitre sont de la compétence des tribunaux judiciaires. ".

4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 35 du décret du 27 février 2015 relatif aux Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles : " Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence. ".

5- La détermination de l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur une contestation relative au montant du bénéfice net porté sur l'attestation établie en application du premier alinéa de l'article L. 442-13 du code du travail cité au point 1 ci-dessus soulève, eu égard aux dispositions citées au point 3, une difficulté sérieuse. Il y a lieu, par suite, en application des dispositions de l'article 35 du décret du 27 février 2015 citées au point précédent, de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si l'action introduire par la société ESSO SAF relève ou non de la compétence de la juridiction administrative et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de la société ESSO SAF jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir si le litige né de l'action tendant à l'annulation de l'attestation rectificative du 12 janvier 2012 qui lui a été délivrée par le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, modifiant pour l'exercice clos en 2000 le bénéfice net servant de base au calcul de la réserve spéciale de participation des salariés à constituer par la société Mobil Oil Française, aux droits de laquelle elle vient, relève ou non de la compétence de la juridiction administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société ESSO SAF et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la ministre du travail.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 396196
Date de la décision : 21/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2017, n° 396196
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:396196.20170721
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