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19/06/1990 | FRANCE | N°89BX00898

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 19 juin 1990, 89BX00898


Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 9ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le recours présenté le 4 août 1988 pour le MINISTRE CHARGE DU BUDGET ;
Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 août 1988, présenté pour le MINISTRE CHARGE DU BUDGET, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement du 12 avril 1988 du tri

bunal administratif de Bordeaux en tant que par ledit jugement le tribu...

Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 9ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le recours présenté le 4 août 1988 pour le MINISTRE CHARGE DU BUDGET ;
Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 août 1988, présenté pour le MINISTRE CHARGE DU BUDGET, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement du 12 avril 1988 du tribunal administratif de Bordeaux en tant que par ledit jugement le tribunal administratif a accordé à M. Jean-Claude X..., d'une part, la décharge de la différence entre le montant des impositions supplémentaires à la T.V.A. et à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1979 à 1982 et celui résultant de l'application des recettes totales d'un abattement de 30 % pour l'année 1979, 20 % pour les années 1980-1981 et 10 % pour l'année 1982 ; d'autre part, des pénalités de 50 % avec substitution des intérêts de retard ;
2°) remette intégralement les impositions contestées à la charge de M. Jean-Claude X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 1990 :
- le rapport de M. PIOT, conseiller ;
- les observations de Maître Y... de la S.C.P. DEFRENOIS-LEVIS, avocat de M. X... ;
- et les conclusions de M. LABORDE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Jean-CLaude X..., qui exploite depuis le 11 octobre 1973 à Aiguillon (Lot-et-Garonne) un night-club dénommé "Le Pacha", a fait l'objet d'une vérification générale de comptabilité qui a porté tant en matière de taxes sur le chiffre d'affaires que d'impôt sur le revenu, s'agissant de bénéfices industriels et commerciaux, sur la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1982 ; que les déclarations de régularisation des résultats et des revenus afférentes aux années vérifiées ayant toutes été déposées hors délai, l'intéressé s'est mis en situation de taxation d'office en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée et d'évaluation d'office en ce qui concerne ses bénéfices industriels et commerciaux pour chacune des années vérifiées ; qu'eu égard aux graves irrégularités et lacunes dont était entachée la comptabilité du contribuable, celle-ci a été écartée comme n'étant ni régulière, ni probante, que pour reconstituer les recettes imposables au titre des années 1979 à 1982, l'administration a déduit des achats de boissons des sommes de 5.000 F pour 1979 et 1980 et de 6.000 F pour 1981 et 1982 au titre des consommations offertes gratuitement par l'exploitant ; qu'elle a ensuite appliqué aux achats revendus, ainsi calculés, un coefficient multiplicateur de 9 pour évaluer les recettes de l'établissement ; qu'ainsi, les abattements sur recettes relatifs à ces consommations gratuites s'élèvent à 45.000 F pour les années 1979 et 1980 et à 54.000 F pour les années 1981 et 1982 soit à, respectivement, 5 % des recettes totales pour 1979, 4,13 % pour 1980, 4,68 % pour 1981 et 7,66 % pour 1982 ; que, l'intéressé a contesté la réintégration qui s'en est suivie ; que, par jugement du 12 avril 1988, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la décharge de la différence entre le montant des impositions supplémentaires à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur le revenu auxquelles il avait été assujetti au titre des années 1979 à 1982 et celui résultant de l'application aux recettes totales d'un abattement de 30 % pour l'année 1979, 20 % pour les années 1980 et 1981 et 10 % pour l'année 1982 et l'a déchargé des pénalités de 50 % auxquelles il avait été assujetti ; que le MINISTRE CHARGE DU BUDGET fait appel dudit jugement ;
Sur la fin de non-recevoir invoquée par M. X... tirée de la tardiveté du recours du MINISTRE CHARGE DU BUDGET :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales : "Le ministre chargé des finances peut faire appel des jugements des tribunaux administratifs rendus en matière fiscale. Le service de l'administration des impôts qui a suivi l'affaire dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification pour transmettre le jugement et le dossier au ministre. Le délai imparti pour saisir le Conseil d'Etat court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission ... ou de la date de la signification faite au ministre."

Considérant que, si M. X... soutient que le recours du MINISTRE CHARGE DU BUDGET est irrecevable, comme tardif, pour avoir été enregistré le 4 août 1988, alors que le jugement attaqué a été prononcé le 12 avril 1988, soit après l'expiration du délai prévu par les dispositions précitées, il ressort des pièces du dossier que le jugement litigieux a été notifié au directeur des services fiscaux de Lot-et-Garonne le 29 avril 1988 et que le recours a été enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 août 1988 ; qu'ainsi, le moyen invoqué par M. X... manque en fait ;
Sur le bien-fondé des redressements et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen invoqué par le MINISTRE CHARGE DU BUDGET :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L.193 du livre des procédures fiscales : "Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition" ; qu'aux termes des dispositions de l'article R.193-1 du même livre : "Le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré." ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les attestations produites par M. X... devant le tribunal administratif ne font état, ni de la nature des consommations servies, ni de la valeur d'achat des boissons déclarées offertes gratuitement ; que, dès lors, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Bordeaux, elles ne peuvent être regardées, malgré leur nombre, comme des preuves extra-comptables susceptibles de démontrer le caractère insuffisant des déductions admises par le service ;
Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas contesté que l'ouverture de l'établissement date du mois d'octobre 1973 et non de 1979 ; que, dès lors, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'année 1979 ne saurait être regardée comme l'année d'ouverture de l'établissement, que pas davantage les années 1980 et 1981 ne sauraient être considérées comme des années de lancement ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, que l'abattement de 30 % appliqué uniquement aux recettes "boissons" de l'année 1979, fait ressortir un chiffre d'affaires inférieur à celui qui a été déclaré par l'intéressé ; qu'ainsi, la méthode d'évaluation des "offerts" suivie par le tribunal administratif qui aboutit à des recettes inférieures à celles déclarées par le contribuable ne peut être valablement retenue ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE CHARGE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux, en estimant que les attestations produites étaient suffisamment précises et que l'importance des consommations offertes gratuitement correspondait à une pratique commerciale destinée à "lancer" l'établissement, a prononcé la décharge de la différence entre le montant des impositions supplémentaires à la T.V.A. et à l'impôt sur le revenu auxquelles M. X... avait été assujetti au titre des années 1979 à 1982 et celui résultant de l'application aux recettes totales d'un abattement de 30 % pour l'année 1979, 20 % pour les années 1980 et 1981, et 10 % pour l'année 1982 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués en première instance par M. X... ;
Considérant que, si l'intéressé soutient que l'administration n'était pas en droit d'appliquer aux achats revendus un coefficient multiplicateur constant de 9 %, il n'établit pas que le coefficient retenu ne corresponde pas aux conditions réelles d'exploitation de l'établissement de 1979 à 1982 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE CHARGE DU BUDGET est fondé à demander la réformation du jugement attaqué et à ce que M. Jean-Claude X... soit rétabli à l'ensemble des cotisations à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1979 à 1982 ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui ... infligent une sanction." ;
Considérant que les pénalités prévues par le code général des impôts sont au nombre des sanctions auxquelles s'appliquent les dispositions précitées, que si le MINISTRE CHARGE DU BUDGET soutient qu'eu égard aux graves lacunes dont était entachée la comptabilité de M. X..., la bonne foi de l'intéressé ne pouvait être retenue et qu'ainsi c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a déchargé des pénalités de 50 % auxquelles il avait été assujetti ; il ne résulte pas de l'instruction, ainsi que le soutient le contribuable, que lesdites pénalités aient été établies suivant une procédure régulière faute pour l'administration d'avoir produit les lettres de motivation des 8 novembre et 6 décembre 1983 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE CHARGE DU BUDGET, n'est pas fondé à se plaindre que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. X... des pénalités de 50 % auxquelles il a été assujetti ;
Article 1er : Le montant de la différence entre les impositions supplémentaires à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur le revenu auxquelles M. Jean-Claude X... avait été assujetti au titre des années 1979 à 1982 et celui résultant de l'application aux recettes totales d'un abattement de 30 % pour l'année 1979, 20 % pour les années 1980 et 1981 et de 10 % pour 1982 est remis intégralement à sa charge.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 12 avril 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE CHARGE DU BUDGET est rejeté.


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