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02/07/1990 | FRANCE | N°89BX00552

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 02 juillet 1990, 89BX00552


Vu l'ordonnance en date du 02 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 19 janvier 1989, par laquelle le président de la 7ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 02 septembre 1988, la requête présentée par M. GOZLAN, contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 mai 1988 ;
Vu les requêtes, enregistrées les 09 aout et 25 novembre 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées par M. X..., demeurant ... ; M. GOZLAN demande que le Conseil

d'Etat :
1- annule le jugement rendu le 24 mai 1988, par leque...

Vu l'ordonnance en date du 02 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 19 janvier 1989, par laquelle le président de la 7ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 02 septembre 1988, la requête présentée par M. GOZLAN, contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 mai 1988 ;
Vu les requêtes, enregistrées les 09 aout et 25 novembre 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées par M. X..., demeurant ... ; M. GOZLAN demande que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement rendu le 24 mai 1988, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982 et 1983 ;
2- prononce la décharge desdites cotisations ;
3- ordonne le sursis à exécution du jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 1990 :
- le rapport de M. TRIBALLIER, conseiller ; - les observations de M. GOZLAN ; - et les conclusions de M. LABORDE, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que pour contester la régularité du jugement, le requérant fait valoir qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, le tribunal n'a pas examiné le moyen tiré du détournement de procédure, qu'il n'a pas répondu aux arguments concernant les droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, et qu'il n'a pas eu à sa disposition des documents saisis par les services de police judiciaire ;
Considérant d'une part que les moyens relatifs à la taxe sur la valeur ajoutée sont inopérants en matière d'impôt sur le revenu ;
Considérant d'autre part que pour fonder sa décision, le tribunal s'est fait communiquer par un jugement avant-dire droit en date du 09 février 1988 les documents au vu desquels ont été établies les impositions contestées ; qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que ledit tribunal disposait outre la description des factures litigieuses faites par l'administration, et que la société de fait a été en mesure de contester, notamment d'un procs-verbal d'audition de Mme Y..., associée de fait, en date du 20 octobre 1983 ; qu'il avait donc les éléments lui permettant de se prononcer ;
Considérant enfin qu'il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal a nécessairement examiné les divers moyens invoqués par le requérant au soutien de ses prétentions propres à l'impôt sur le revenu ; qu'il suit de là, que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;
Sur la procédure d'imposition
En ce qui concerne le revenu global des annees 1982 et 1983 :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L 66 - 1° du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur à l'époque, " Sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration de leurs revenus ..." ;
Considérant qu'en application de l'article 175 du code général des impôts, les déclarations doivent parvenir à l'administration avant le 1er mars, que toutefois, ce délai est prolongé jusqu'au 31 mars en ce qui concerne les commerçants et industriels qui arrêtent leur exercice comptable le 31 décembre ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 8 du même code, que les associés des sociétés de fait qui n'ont pas opté pour le régime des sociétés de capitaux, sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour leur part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ;
Considérant qu'il est constant que M. GOZLAN n'a pas déposé la déclaration de ses revenus de l'année 1982 ; que sa déclaration des revenus de l'année 1983 n'est parvenue à l'administration que le 17 avril 1984 ; qu'il résulte des dispositions ci-dessus rappelées que M. GOZLAN doit être taxé d'office à l'impôt sur le revenu au titre de 1982 et de 1983 ; qu'il appartient dès lors, au contribuable d'apporter la preuve de l'exagération du revenu global net sur lequel il a été taxé pour chacune des années 1982 et 1983 ;

Considérant que les éventuelles irrégularités qui auraient entaché la vérification de comptabilité à laquelle l'administration s'est livrée pour la détermination de la quote-part des bénéfices industriels et commerciaux lui revenant de la société de fait Corail Editions, et qui ne sont pas à l'origine des taxations d'office, sont, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition du revenu global ;
En ce qui concerne la détermination des bénéfices catégoriels formant le revenu global :
Considérant, que pour chiffrer le revenu global de M. GOZLAN, l'administration a retenu la quote-part lui revenant dans les résultats de la société de fait Corail Editions ; dont la comptabilité a fait l'objet d'une vérification que M. GOZLAN peut, pour obtenir une diminution du revenu global net taxé, apporter la preuve de l'exagération de ce revenu catégoriel contribuant à la formation de ce revenu global ; que cette preuve peut résulter notamment des données de la comptabilité ; et des déclarations de la société de fait ;
Au titre de l'exercice 1982 :
Considérant qu'il est constant que la société de fait Corail Editions s'est abstenue de de déposer la déclaration de ses résultats afférente à l'exercice clos en 1982 ; qu'elle n'établit d'ailleurs pas qu'elle s'était fait connaître à l'administration ; que, dans ces conditions, l'administration était en droit de procéder, en application des dispositions de l'article L 66 du livre des procédures fiscales, à la taxation d'office du bénéfice de la société de fait ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L 76 du livre précité, "les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination ..." ;
Considérant que la notification de redressements adressée à la société de fait, indique clairement, outre les bases, leurs modalités de détermination ; qu'il suit de là, et sans que l'administration soit tenue de procéder à un débat contradictoire et de communiquer les pièces sur lesquelles elle se fondait pour arrêter les redressements, que la procédure de taxation d'office a été régulièrement mise en oeuvre ; que d'une part, les irrégularités qui auraient entaché la vérification de comptabilité à laquelle l'administration s'est livrée sont, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure de détermination du bénéfice de la société de fait, et que d'autre part, il appartient au contribuable d'apporter la preuve de l'exagération du bénéfice commercial retenu à ce titre par l'administration ;
Au titre de l'exercice 1983 :
Considérant que l'administration a procédé à la vérification de la société de fait Corail Editions, pour rectifier le bénéfice commercial qu'elle a déclaré ;

Considérant en premier lieu, que si M. GOZLAN soutient que les opérations de vérification de la comptabilité de la société de fait, se sont déroulées du 17 novembre 1983 au 10 mai 1984, ainsi qu'il est mentionné sur la notification de redressements, et que l'avis de vérification de comptabilité prévoyant pour le 3 mai 1984 le début des opérations de contrôle de l'exercice 1983, ne lui a été adressé que le 16 avril 1984, après le début effectif des opérations de vérification, il résulte de l'instruction que la date du 17 novembre 1983, correspond à la date du début des opérations de contrôle de la seule année 1982, et que la date du début des opérations relatives à 1983, portée sur la notification de redressements, constitue une erreur matérielle ; que la circonstance que la vérification ait été achevée le 10 mai, soit sept jours après la date prévue pour la première opération sur place, concernant l'exercice 1983, ne suffit pas, eu égard à la nature des redressements effectués, pour établir que le contrôle de la comptabilité de l'exercice 1983 ait été entrepris avant le 03 mai 1984 ; qu'il n'est donc pas établi que, de ce chef, la vérification de l'exercice 1983 est irrégulière ;
Considérant en second lieu, que s'il n'est pas contesté que l'administration a obtenu communication et utilisé des renseignements recueilis par le service régional de police judiciaire, lors d'une enquête économique effectuée dans le cadre de l'ordonnance du 30 juin 1945, il résulte de l'instruction, et alors même que ladite enquête n'a entraîné aucune poursuite pénale, que les fonctionnaires de police qui ne dépendaient pas de l'autorité du directeur des impôts, recherchaient réellement, des infractions de caractère économique ; qu'ils ont d'ailleurs dressé un procès verbal décrivant des infractions économiques, lequel a été notifié le 20 octobre 1983 ; que la circonstance tenant à ce que l'enquête économique ait également mis en évidence des faits entraînant des conséquences fiscales ne suffit pas à démontrer le détournement de procédure ;
Considérant en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions des articles L 83, et L 101 du livre des procédures fiscales, que d'une part l'administration fiscale peut, sur demande, avoir accès aux documents de service détenus par toute administration de l'Etat, et que, d'autre part, l'autorité judiciaire doit communiquer aux services fiscaux les informations qu'elle détient et qui permettent de présumer une fraude fiscale ; qu'ainsi la communication du dossier au profit de l'administration fiscale a pu être réalisé sans formalisme ; qu'en conséquence, le requérant n'établit pas que le droit de communication aurait été exercé irrégulièrement ;
Considérant en quatrième lieu, que si M. GOZLAN soutient qu'en raison de la saisie de la comptabilité, par les services de police, les associés de fait auraient été mis dans l'impossibilité pratique d'assurer leur défense, il n'établit pas ni même n'allègue qu'ils auraient sollicité, l'accès aux documents en cause et, a fortiori, qu'un refus leur aurait été opposé ; qu'aucun texte n'impose à l'administration de leur indiquer les modalités d'accès au dossier ;

Considérant en cinquième lieu que le vérificateur a, seul, compétence pour apprécier l'étendue des investigations à effectuer au cours du contrôle sur place ; que, si le contribuable lui reproche de n'avoir matériellement vérifié qu'une fraction de ses écritures comptables, il appartient éventuellement au contribuable de faire valoir les écritures ou les documents qui permettraient de modifier ou d'annuler les conclusions de l'agent des impôts ; que le requérant n'apporte, à ce sujet, la preuve d'aucune omission du vérificateur lui faisant grief ;
Considérant en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction, que de nombreuses factures de commissions à l'appui des charges constatées en comptabilité, et pour des montants importants, ont été rédigées par la société elle-même, qu'elles n'ont pas été signées par les courtiers qui auraient dû les émettre, ce qui constitue de graves irrégularités ; que, pour le moins, de nombreux doutes existent quant à la réalité des prestations ; que, pour une même affaire, l'intervention de deux courtiers se partageant la moitié de la recette, n'est pas justifiée ; que la preuve du règlement n'établit pas celle de la prestation prétendue; qu'en raison de ces circonstances, l'administration était fondée à écarter la comptabilité comme non probante, et à procéder à la rectification d'office du résultat de l'exercice 1983 ; que les motifs de la rectification d'office et les modalités de la reconstitution du bénéfice figurent expressément sur la notification de redressements adressé à la société de fait, conformément aux dispositions de l'article L 76 du livre des procédures fiscales déjà visé ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, s'agissant de la détermination des bénéfices et industriels et commerciaux réalisés par M. GOZLAN, que les moyens concernant les redressements opérés, à l'encontre de la société de fait, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sont inopérants ;
Considérant que les redressements formant l'objet du litige correspondent, à des commissions figurant sur des factures que la société a établi elle-même pour le compte de courtiers ; que Mme Y..., associée de fait, a reconnu que "ces factures ne sont en général pas signées par les courtiers" ; que les adresses données pour certains de ces courtiers se sont révélées inexactes ; que les commissions étaient généralement partagées entre deux courtiers, alors que l'intervention de deux courtiers pour une même affaire, n'a pas été justifiée ;
Considérant que les opérations litigieuses, se traduisant en comptabilité , par des écritures portant sur les charges de la nature de celles visées à l'article 39 du code général des impôts, le contribuable doit être, lui-même, en mesure de justifier dans leur principe comme dans leur montant, de l'exactitude des écritures dont il s'agit ;
Considérant que si le requérant fait valoir la régularité formelle de sa comptabilité, le paiement effectif des sommes litigieuses, leur mention sur les déclarations annuelles de salaires et commissions "DAS", ainsi que le procédé de suivi hebdomadaire mis en place dans l'entreprise, ces éléments mêmes pris globalement, ne sont pas de nature à constituer la preuve de la réalité des prestations prétendues opérées par les courtiers en cause ;

Considérant que M. GOZLAN n'apporte ni la preuve du caractère excessif des bénérices commerciaux retenus pour la détermination de son revenu global, ni celle du caractère excessif du revenu global sur lequel il a été imposé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande en décharge des droits rappelés ;
Sur le recours incident formulé par le ministre
Considérant que, par un recours incident, le ministre demande le rétablissement des intérêts de retard ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1728 code général des impôts "Lorsqu'une personne tenue de souscrire une déclaration ou un acte comportant l'indication de bases ... à retenir pour l'assiette ... de l'un des impôts ... établis ... par la direction générale des impôts, déclare ou fait apparaître une base ou des éléments d'imposition inexacts ou incomplets ... le montant des droits éludés est majoré ... d'un intérêt de retard calculé dans les conditions fixés à l'article 1734 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1733 "en cas de taxation d'office à défaut de déclaration dans les délais prescrits, les droits mis à la charge du contribuable sont majorés du montant de l'intérêt de retard prévu à l'article 1728, sans que ce montant puisse être inférieur à 10% des droits dûs pour chaque imposition ..." ;
Considérant qu' il résulte des dispositions combinées des articles 1728 et 1733, que les intérêts de retard sont dûs de plein droit, sur les droits afférents aux bases non déclarées, sans que l'administration ait à formuler une quelconque appréciation du comportement du contribuable ; que dès lors, ils n'ont pas le caractère d'une sanction ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a ordonné le dégrèvement de la totalité des pénalités pour manoeuvres frauduleuses ; qu'il convient donc de mettre à la charge de M. GOZLAN, les intérêts de retard prévu par les dispositions sus-rappelés ;
Article 1er : Les intérêts de retard afférents aux cotisations sur le revenu dus au titre des années 1982 et 1983 sont rétablis ;
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 24 mai 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1 ;
Article 3 : La requête de M. GOZLAN est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 89BX00552
Date de la décision : 02/07/1990
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - DROIT DE COMMUNICATION.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT OU INSUFFISANCE DE DECLARATION.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - CHARGES DIVERSES.


Références :

CGI 175, 8, 39, 1728, 1733
CGI Livre des procédures fiscales L66, L76
Ordonnance 45-1384 du 30 juin 1945


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: TRIBALLIER
Rapporteur public ?: de MALAFOSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1990-07-02;89bx00552 ?
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