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18/12/1990 | FRANCE | N°89BX00575

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 18 décembre 1990, 89BX00575


Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée le 19 janvier 1989 au greffe de la cour, par laquelle le président de la 2ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour M. Henri X... ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 décembre 1987 et 26 février 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Henri X..., demeurant au lieu dit Le Moulin Blanc à Limoges (87000) et tendan

t à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 24 septembre 1...

Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée le 19 janvier 1989 au greffe de la cour, par laquelle le président de la 2ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour M. Henri X... ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 décembre 1987 et 26 février 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Henri X..., demeurant au lieu dit Le Moulin Blanc à Limoges (87000) et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 24 septembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Dordogne à lui verser la somme de 278.797,50 F avec intérêts légaux en réparation des conséquences dommageables de l'incendie qui s'est déclaré dans sa propriété ;
- condamne le département de la Dordogne à lui payer la somme de 278.797,50 F, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 1985 ;
- ordonne la capitalisation des intérêts au jour de l'enregistrement de sa requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n°83-8 du 7 janvier 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 1990 :
- le rapport de M. VINCENT, conseiller ; - les observations de Me LARROUMET substituant Me ODENT, avocat de la commune de Firbeix ; - et les conclusions de M. CATUS, commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention du Groupe d'Assurances Mutuelles de France :
Considérant que, par une requête enregistrée le 10 juillet 1990 au greffe de la cour, le Groupe d'Assurances Mutuelles de France, assureur de M. X..., s'est joint par voie d'intervention à la requête introduite par celui-ci devant la cour, tendant à ce que le service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne soit condamné à lui payer une somme de 278.797,50 F à raison du sinistre ayant endommagé sa propriété, en sus de l'indemnité versée par le Groupe d'Assurances Mutuelles de France ; que les conclusions de ce dernier, tendant à ce que le département de la Dordogne soit condamné à lui verser une somme de 892.828 F, représentant le montant de ladite indemnité, du fait de la faute lourde qu'aurait commise le service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne, sont ainsi différentes de celles formulées par M. X... ; que, par suite, l'intervention du Groupe d'Assurances Mutuelles de France n'est pas recevable ;
Sur les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne tendant à sa mise hors de cause :
Considérant qu'aux termes de l'article 91 de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat : " ... les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est atténuée à due concurrence. La responsabilité de la personne morale autre que la commune dont relève l'agent ou le service concerné ne peut être engagée que si cette personne morale a été mise en cause, soit par la commune, soit par la victime du dommage ..." ; qu'il résulte des dispositions qui précédent que, si elle s'y estime fondée, la victime d'un dommage peut rechercher directement devant la juridiction compétente la responsabilité de la personne morale dont les agents ont prêté leurs concours à l'autorité municipale dans l'exercice de ses pouvoirs en matière de lutte contre l'incendie qu'elle tient du code des communes ; qu'en tout état de cause le service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne n'est ainsi pas fondé à demander sa mise hors de cause en tant que seule la responsabilité de la commune de Firbeix pourrait être engagée à raison des dommages imputés à des fautes lourdes commises par le service de lutte contre l'incendie ;
Sur la responsabilité :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de la contradiction des motifs du jugement attaqué :

Considérant qu'un incendie s'est déclaré le 20 janvier 1984 vers 9 heures dans la propriété de M. X..., située sur le territoire de la commune de Firbeix ; que les sapeurs pompiers des centres de secours de La Coquille et de Thiviers, dépendant du service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne, sont intervenus pour combattre ce foyer et ont quitté les lieux vers 12 heures après avoir constaté son extinction apparente ; qu'un second incendie est survenu le 21 janvier 1984 vers 3 heures et a détruit des pièces proches de celles atteintes par le premier incendie ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis par la juridiction civile que si le mécanisme précis de naissance du second sinistre n'a pu être établi, l'origine de ce dernier provient d'une reprise du premier feu ;
Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté qu'aucun piquet de surveillance n'avait été mis en place après la fin de la première intervention des sapeurs pompiers, alors par ailleurs que la propriété était inoccupée ; qu'à supposer même que, comme le soutient le service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne, trois rondes de sécurité auraient été effectuées le 20 janvier 1984 à 15, 17 et 18 heures, il est constant que celles-ci n'auraient pu être menées à l'intérieur même du bâtiment, dont les issues avaient été fermées par les gendarmes et l'épouse du requérant, qui ont quitté la propriété peu après le départ des sapeurs pompiers ; qu'en sous-estimant les risques de réactivation du premier feu et en ne prenant pas les dispositions de nature à s'assurer qu'aucune reprise de feu ne surviendrait ou, tout au moins, à faire en sorte qu'une éventuelle reprise soit rapidement décelée et combattue, le service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne a commis une faute lourde engageant sa responsabilité ; qu'ainsi M. X... est fondé à demander la condamnation de ce service à réparer les conséquences dommageables de l'incendie survenu le 21 janvier 1984 ;
Considérant, d'autre part, que, dans les circonstances de l'espèce, l'épouse de M. X..., qui demeurait avec ce dernier à 45 kilomètres de Firbeix, n'a pas commis une faute de nature à atténuer la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne en quittant les lieux le 20 janvier 1984 dans les circonstances susrappelées ;
Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que lorsqu'un bien est endommagé par la faute d'une personne qui n'est pas liée au propriétaire par un contrat, la réparation à laquelle a droit ce dernier est celle qui lui permettra de recouvrer l'usage de son bien sans participer à la dépense correspondante ; qu'il n'est pas allégué que le montant des dommages au bâtiment provoqués par l'incendie du 21 janvier 1984, fixé à 924.250 F par l'expert de la compagnie d'assurances, comporterait la prise en charge d'autres travaux que ceux strictement nécessaires, ni que les procédés envisagés pour la remise en état ne soient pas les moins onéreux possible ; qu'il est en outre constant que l'indemnité versée par l'assureur à raison de ce sinistre a été calculée déduction faite d'une somme de 162.029 F représentant la vétusté immobilière et se trouve dès lors inférieure à la somme nécessaire à l'exécution des travaux de réparation ; que, dans ces conditions, M. X... est fondé à demander la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne à lui verser cette dernière somme, alors même que lesdits travaux pourraient avoir pour conséquence de donner une plus-value à l'immeuble par rapport à son état antérieur ;
Considérant, en second lieu, que le requérant n'apporte aucune justification à l'appui de sa demande de remboursement de frais et honoraires d'expert qui seraient demeurés à sa charge ; que celle-ci doit par suite être rejetée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que M. X... et sa famille ne résidaient pas dans leur propriété de Firbeix, qui était inhabitée, d'autre part, que ladite propriété devait être mise en vente sur saisie immobilière le 21 février 1984 et que cette vente n'a été différée qu'en raison de l'indemnité versée par la compagnie d'assurances consécutivement au sinistre ; qu'ainsi l'intéressé n'est pas fondé à demander une indemnité pour privation de jouissance des lieux pendant les travaux de reconstruction ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'à supposer même que M. X... se soit trouvé dans l'impossibilité de procéder aux travaux de réparation dès la survenance du sinistre ou au plus tard dès le jour, antérieur au 21 février 1984, où il lui a été notifié que la vente de sa propriété était différée, il n'établit pas que les frais de reconstruction de l'immeuble auraient excédé de 7 % la somme estimée par l'expert de son assureur et ne saurait dès lors, en tout état de cause, demander l'actualisation du coût des travaux en tant que ceux-ci auraient été évalués à la date du sinistre ;
Considérant, en cinquième lieu, que le requérant ne prouve pas, ni même n'allègue qu'il aurait été dans l'obligation d'interrompre ou de réduire son activité du fait des démarches nécessitées par l'incendie et la reconstruction de sa propriété ; que, par suite, sa demande tendant à être indemnisé pour perte de temps ne saurait être accueillie ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il sera fait une juste appréciation des frais de déplacement et de secrétariat ainsi que d'honoraires divers encourus par M. X... à raison du seul sinistre survenu le 21 janvier 1984 en condamnant le service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne à verser à l'intéressé une somme de 2.000 F à ces divers titres ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice matériel subi par M. X... du fait de l'incendie de sa propriété doit être fixé à 164.029 F ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 164.029 F à compter du jour de la réception de sa demande d'indemnité par le préfet de la Dordogne, soit le 19 juillet 1985 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 4 décembre 1987 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas condamné le service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne à lui verser la somme de 164.029 F ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 septembre 1987 est annulé.
Article 2 : L'intervention du Groupe d'Assurances Mutuelles de France n'est pas admise.
Article 3 : Le service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne est condamné à verser à M. X... la somme de 164.029 F avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 1985. Les intérêts échus le 4 décembre 1987 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89BX00575
Date de la décision : 18/12/1990
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCEDURE - INSTRUCTION - CARACTERE CONTRADICTOIRE DE LA PROCEDURE - COMMUNICATION DES MEMOIRES ET PIECES - Questions diverses - Défaut de communication - Moyen d'ordre public - Absence.

54-04-03-01, 54-07-01-04-01-01 L'absence de caractère contradictoire de la procédure ne peut être soulevée d'office par le juge d'appel (sol. impl.). Le tribunal administratif a en l'espèce regardé deux requêtes, qu'il a rejetées au fond, comme dirigées contre une personne publique non mise en cause par les requérants et les défendeurs, sans lui communiquer les mémoires des parties.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - MOYENS - MOYENS D'ORDRE PUBLIC A SOULEVER D'OFFICE - ABSENCE - Défaut de communication des mémoires à une partie appelée en la cause par le tribunal administratif.


Références :

Code civil 1154
Loi 83-8 du 07 janvier 1983 art. 91


Composition du Tribunal
Président : M. Tourdias
Rapporteur ?: M. Vincent
Rapporteur public ?: M. Catus

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1990-12-18;89bx00575 ?
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