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04/04/1991 | FRANCE | N°89BX01147

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 04 avril 1991, 89BX01147


Vu la décision en date du 10 février 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 3ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour Mme Jeanne X... et les Consorts Y... ;
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 12 juin et 8 octobre 1987, présentés pour 1°) Mme Jeanne X... demeurant à Brassac (82), M. Elie Y... et son épouse Mme Thérèse Y... et Melle Marie-Claire Y... deme

urant ensemble Chemin de Messeaud-Canals (82170) Grisolles 2°) Mme Yvon...

Vu la décision en date du 10 février 1989, enregistrée au greffe de la cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 3ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour Mme Jeanne X... et les Consorts Y... ;
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 12 juin et 8 octobre 1987, présentés pour 1°) Mme Jeanne X... demeurant à Brassac (82), M. Elie Y... et son épouse Mme Thérèse Y... et Melle Marie-Claire Y... demeurant ensemble Chemin de Messeaud-Canals (82170) Grisolles 2°) Mme Yvonne Y... demeurant Toulos-Sud (47300) Villeneuve-sur-Lot, M. René Y... demeurant Pantard Gondezaygues (47500) FUMEL M. André Y... demeurant Chemin de Messeaud Canals (82170) Grisolles et M. Pierre Y... demeurant Saint-Aubin (47150) Montflanquin venant aux droits de leur père M. François Y... décédé au cours de la première instance ; Mme X... et les Consorts Y... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 2 avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Montauban à verser une indemnité de 8.333,33 F à M. Elie Y... ainsi qu'à Mme Thérèse Y... et une indemnité de 3.333,33 F à Melle Marie-Claire Y..., indemnités qu'ils estiment insuffisantes en réparation du décès accidentel de Marc Y... ;
2°) de condamner la commune de Montauban à verser 1°) à Mme X..., à M. Elie Y... et à son épouse ainsi qu'à Melle Marie-Claire Y... les sommes respectives de 8.000 F, 50.000 F, 50.000 F et 12.000 F ; 2°) aux ayants droit de M. François Y... la somme de 10.000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 5 avril 1937 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 1991 :
- le rapport de M. LALAUZE, conseiller ; - et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :
Considérant que la ville de Montauban soutient que la requête des Consorts Y... est dépourvue de motivation ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les énonciations portées dans ladite requête indiquent de manière suffisamment précise les conclusions des requérants et les moyens qu'ils entendent soulever à l'encontre du jugement du 2 avril 1987 du tribunal administratif de Toulouse ; que, par suite, il y a lieu de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la ville de Montauban ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les Consorts Y... soutiennent que le jugement attaqué serait irrégulier pour contradiction entre ses motifs ; qu'il résulte cependant de l'examen de ce jugement que le tribunal qui, après avoir relevé une faute de surveillance de la part des maîtres-nageurs municipaux, a considéré que la victime avait eu un comportement fautif, a pu estimer sans se contredire, que ce comportement, en relation directe avec l'accident, exonérait la commune d'un tiers de la responsabilité lui incombant ; que dès lors le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;
Sur la recevabilité de la demande devant les premiers juges :
Considérant que si la commune de Montauban allègue au soutien de son appel incident, que la demande des Consorts Y... était irrecevable devant le tribunal administratif dès lors qu'aucune demande préalable ne lui avait été adressée, il résulte de l'instruction que, dans ses observations en défense devant le tribunal administratif, ladite commune a conclu, à titre principal, au rejet de la requête ; qu'elle a donc, ce faisant, lié le contentieux devant la juridiction administrative saisie par les intéressés ; que dès lors ladite requête, exactement interprétée par le tribunal comme mettant en cause la commune du fait des fautes de service commises par ses employés, était recevable ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 4 mars 1982 est survenu le décès par noyade de Marc Y..., âgé de 15 ans, alors qu'il participait, en tant qu'élève de la section d'éducation spécialisé du collège Ingres, à une séance de natation scolaire à la piscine municipale de Montauban ; que le jeune homme auquel aucune contre indication médicale n'interdisait de se baigner s'est noyé sans qu'ait été attirée l'attention du personnel chargé de la surveillance du bassin ; qu'une fois constatée sa disparition, ce personnel a procédé avec retard à l'examen complet du bassin ; qu'il a ainsi commis une faute de nature à engager la responsabilité de la ville de Montauban ;

Considérant, toutefois, qu'en plongeant à nouveau dans la piscine alors qu'avait été donné le signal de la fin de la baignade, la victime a commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune de Montauban ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en mettant à la charge de cette collectivité publique les quatre cinquième des conséquences dommageables de l'accident ; que par suite Mme vve X... et les consorts Y... sont fondés à demander la réformation du jugement sur ce point ; qu'en revanche la commune de Montauban n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a déclarée responsable pour partie des conséquences de l'accident ;
En ce qui concerne les conclusions contestant la réduction de la part de responsabilité mise à la charge de la commune de Montauban :
Considérant qu'en principe la commune de Montauban ne saurait s'exonérer de la responsabilité qu'elle a encourue dans l'exercice de sa mission de surveillance de la piscine municipale en invoquant les fautes qu'aurait commise un tiers, en l'occurrence le service de l'éducation nationale ; que, cette règle ne saurait toutefois recevoir application, en l'espèce, dès lors que la victime, élève d'une section d'éducation spécialisée, bénéficiait des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale régissant les accidents du travail ; qu'en effet les dispositions de l'article L 451-1 dudit code précisant qu'"aucune action en réparation des accidents et maladies professionnelles mentionnées par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun ...", font obstacle à ce que la commune appelle en garantie l'Etat substitué à son agent en vertu de la loi du 5 avril 1937 ; que par suite c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que la commune de Montauban était fondée à demander que soient déduites des obligations mises à sa charge non seulement la part du dommage imputable à la faute de la victime, mais aussi celle qui résulterait d'une faute de l'institutrice, tiers responsable de l'accident ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'institutrice chargée de la surveillance du jeune Marc Y... d'une part n'a pas informé les maîtres-nageurs des risques particuliers encourus par ce dernier qui souffrait de troubles épileptiques, et d'autre part n'a pas procédé au comptage de ses élèves dès la fin de la baignade ; que ces fautes sont de nature à exonérer la commune de Montauban de la moitié de la part de responsabilité mise à sa charge ; que celle-ci doit donc être condamnée à indemniser 2/5 des conséquences dommageables de cet accident ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne les préjudices subis par M. et Mme Elie Y..., Melle Marie-Claire Y... et M. François Y... :
Considérant que le tribunal administratif a fait une exacte évaluation du préjudice moral subi par M. Elie Y..., Mme Thérése Y..., Melle Marie-Claire Y... et M. François Y... en l'estimant respectivement à 25.000 F, 25.000 F, 10.000 F et 7.000 F ; que dès lors ceux-ci ne sont pas fondés à demander sur ce point la réformation du jugement attaqué ;
En ce qui concerne les droits des héritiers de François Y... :

Considérant que François Y... avait avant son décès introduit une action en réparation du préjudice moral subi du fait de la mort de son petit-fils ; que dès lors, cette action ouvre droit à réparation au profit de ses ayants droit ; que par suite, Yvonne, René, André et Pierre Y..., héritiers de François Y..., sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant au versement de l'indemnité due à M. François Y... au titre de son préjudice moral ;
En ce qui concerne le préjudice subi par Mme veuve X... :
Considérant que Mme vve X..., arrière grand-mère maternelle de la victime soutient sans être démentie, avoir, du fait du décès prématuré de sa fille, joué le rôle de grand-mère auprès du jeune Marc ; qu'elle est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté au motif, que son lien de parenté avec la victime n'était pas assez étroit, sa demande en réparation de son préjudice moral ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, en l'évaluant à la somme de 7.000 F ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que les consorts Y... ont demandé les 13 juin 1989 et 18 octobre 1990 la capitalisation des intérêts afférents aux indemnités que le tribunal administratif de Toulouse leur a accordées ; qu'à chacune de ces dates, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions en garantie de la commune de Montauban à l'encontre de l'Etat :
Considérant que, comme il a été exposé ci-dessus, les dispositions de l'article L 451-1 du code de la sécurité sociale, privent en l'espèce, la commune de Montauban de la possibilité d'exercer un recours en garantie à l'encontre de l'Etat ; que ces conclusions ne sauraient donc être accueillies ;
Article 1er : Les sommes de 8.333,33 F, 8.333,33 F et 3.333,33 F que la commune de Montauban a été condamnée à verser respectivement à M. Elie Y..., Mme Thérèse Y... et Melle Marie-Claire Y... par le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 avril 1987 sont portées à 10.000 F, 10.000 F et 4.000 F.
Article 2 : La commune de Montauban est condamnée à verser la somme de 2.800 F d'une part à Mme vve Jeanne X..., d'autre part à Mme Yvonne Y..., M. René Y..., M. André Y... et M. Pierre Y..., héritiers de François Y....
Article 3 : Les intérêts afférents aux indemnités que la commune de Montauban a été condamnée à verser à M. Elie Y..., Mme Thérèse Y... et à Melle Marie-Claire Y..., par jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 2 avril 1987, et échus les 13 juin 1989 et 18 octobre 1990 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ;
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 avril 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que le recours incident de la commune de Montauban sont rejetés.
Article 6 : Les conclusions de la commune de Montauban dirigées contre l'Etat sont rejetées.


Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ2 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLEMES D'IMPUTABILITE - PERSONNES RESPONSABLES - Cumul de responsabilité - Faute de chacun des co-auteurs ayant suffi à entraîner l'ensemble du préjudice (2).

60-03-02, 60-04-02-02 Noyade d'un élève d'une section d'éducation spécialisée lors d'une séance de natation scolaire dans une piscine municipale. La commune, seule appelée en cause, ne saurait en principe s'exonérer de la responsabilité qui lui incombe dans l'exercice de sa mission de surveillance de ladite piscine en invoquant les fautes commises par l'institutrice, chargée de la surveillance de la victime à la responsabilité de laquelle est substituée, en vertu de la loi du 5 avril 1937, celle de l'Etat. Toutefois, s'agissant d'un accident du travail et l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale faisant obstacle à ce que la commune co-auteur du dommage puisse exercer une action en garantie contre l'Etat, employeur de la victime mais également co-auteur de l'accident, la faute commise par l'employeur, dans la mesure où elle a contribué à produire le dommage a pour effet, dans la même mesure d'atténuer la responsabilité encourue par la commune.

- RJ2 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - CAUSES EXONERATOIRES DE RESPONSABILITE - FAIT DU TIERS - Absence - Faute de chacun des co-auteurs ayant suffi à entraîner l'ensemble du préjudice (2).


Références :

Code civil 1154
Code de la sécurité sociale L451-1
Loi du 05 avril 1937

1.

Rappr. CE, Section, 1959-07-16, E.D.F. c/ Mme Veuve Cornut, p. 471 ;

CE, Section, 1961-05-19, chambre de commerce de Nantes, p. 351. 2.

Rappr. CE, 1980-07-04, Chevrier, p. 309 ;

CE, 1986-05-30, Epoux Faix, T. p. 553-710


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Excoffier
Rapporteur ?: M. Lalauze
Rapporteur public ?: M. de Malafosse

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Date de la décision : 04/04/1991
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 89BX01147
Numéro NOR : CETATEXT000007473673 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1991-04-04;89bx01147 ?
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