Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 13 décembre 1989, présentée pour M. Denis X... demeurant au Saillant à Allassac (19240), et la MUTUELLE DES MOTARDS, société d'assurances à forme mutuelle, dont le siège social est ..., par la SCP Brugeaud Maisonneuve Chevalier, avocat ; ils demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement rendu le 12 octobre 1989 par le tribunal administratif de Limoges ;
2°) de déclarer l'Etat entièrement responsable de l'accident dont ont été victimes M. Denis X... et son passager M. Z... ;
3°) de condamner l'Etat à réparer les préjudices subis par les victimes ; soit à verser à la MUTUELLE DES MOTARDS une somme de 22.979 F au titre du préjudice matériel subi par M. X..., une somme de 17.305,66 F du chef du préjudice concernant M. Z..., et à verser à M. X... une somme de 11.740,35 F en réparation de son préjudice corporel ;
4°) de condamner l'Etat aux intérêts de droit et aux dépens ;
Vu les autres pièces du dossier;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de la route ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 1991 :
- le rapport de M. TRIBALLIER, conseiller, - les observations de Me Sylvie Y... de la SCP Brugeaud-Maisonneuve-Chevelier, avocat de M. Denis X... et de la MUTUELLE DES MOTARDS, - et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident dont ont été victimes Messieurs X... et Z..., le 7 août 1986, à 2 heures 15, alors qu'ils circulaient sur la motocyclette conduite par M. X... a eu pour cause le mauvais état de la chaussée qui comportait à cet endroit, à la jonction axiale des deux bandes de circulation, ou à proximité sur la partie droite de la voie, une rainure discontinue d'une longueur de 15 mètres, d'une largeur de 18 centimètres, et d'une profondeur de 1 à 3 centimètres ; que la présence de ces défectuosités non signalées, dangereuses pour les véhicules à deux roues, constituait un défaut d'entretien normal de cet ouvrage public de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de gendarmerie, qu'alors que, dans cette section sinueuse en descente, la vitesse était limitée à 60 km/heure, et que rien ne l'y contraignait, la motocyclette s'est trouvée à proximité immédiate de l'axe médian de la route dans une courbe à gauche à la sortie d'un virage à droite alors que son conducteur réaccélérait ; qu'après la chute, la motocyclette a poursuivi sa trajectoire pour s'immobiliser, contre un arbre, une trentaine de mètres plus loin ; que la motocyclette a été constatée hors d'usage ; qu'ainsi en roulant de nuit, à allure soutenue, et en ne circulant pas suffisamment à droite de la chaussée, M. X... a commis une imprudence de nature à engager sa responsabilité ;
Considérant qu'il sera fait une exacte appréciation de l'ensemble des circonstances de l'espèce en fixant à la moitié des conséquences dommageables de cet accident à la charge de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... et la MUTUELLE DES MOTARDS sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à voir l'Etat déclaré responsable des conséquences dommageables de l'accident litigieux ;
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice subi par M. X... :
Sur le préjudice matériel :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... justifie avoir exposé, d'une part, un préjudice vestimentaire s'élevant à 479 F, et d'autre part, un préjudice résultant de la destruction de la motocyclette pouvant être fixé à 22.500 F ; que le montant total du préjudice matériel subi par l'intéressé s'établit à 22.979 F ; que compte tenu du partage de responsabilité décidé, la moitié soit 11.489,50 F doit être mise à la charge de l'Etat ;
Sur le préjudice corporel :
Considérant que M. X... n'établit pas l'existence d'un préjudice esthétique ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances subies en les chiffrant à 1.000 F ;
Considérant que M. X... a été atteint d'une incapacité temporaire totale du 7 août 1986 au 7 septembre 1986, période pendant laquelle il a perdu son salaire ; qu'il a droit à l'indemnisation de cette perte de revenus, soit 5.331,77 F ; que les frais médicaux et pharmaceutiques exposés en raison de l'accident s'élèvent à 919,84 F ; qu'ainsi le préjudice corporel résultant de l'accident s'élève à 7.251,61 F, dont 50 %, soit 3.625,81 F, doivent être mis à la charge de l'Etat ;
Sur les droits de la Caisse :
Considérant qu'aux termes de l'article L 470, 3ème alinéa du code de la sécurité sociale : "Si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière ou partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément" ;
Considérant que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Corrèze justifie de débours s'élevant à 3.110,22 F au titre d'indemnités journalières et de frais médicaux ; que l'ensemble de la créance de la Caisse est inférieure à la part de la condamnation de l'Etat assurant la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique de M. X..., soit compte tenu de ce qui a été dit dessus, 3.125,81 F ; qu'il y a donc lieu de condamner l'Etat à verser une somme de 3.110,22 F à la caisse ;
Sur les droits de M. X... :
Considérant qu'il résulte de qui précède qu'en réparation des préjudices corporels qu'il a subis, M. X... a droit au versement d'une somme de 515,59 F représentant l'indemnité de caractère personnel à laquelle il a droit compte tenu du partage de responsabilité, ainsi que la différence entre le montant de la condamnation mise à la charge de l'Etat et la créance de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Corrèze ; que, dès lors, l'indemnité qui lui est due s'établit à 12.005,09 F compte tenu de la part du préjudice matériel à laquelle il a droit ;
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice subi par la MUTUELLE DES MOTARDS :
Considérant que la MUTUELLE DES MOTARDS a droit au remboursement des frais engagés pour M. Z..., passager de la moto accidentée ; qu'elle justifie avoir versé à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Corrèze une somme de 5.090,19 F, et une somme de 3.225,40 F à l'administration des Postes et Télécommunications ; que la MUTUELLE DES MOTARDS justifie également avoir versé à M. Z... une somme de 1.700 F en indemnisation du préjudice vestimentaire et du casque ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances subies par M. Z... en les évaluant à 2.000 F ; que le préjudice esthétique est négligeable ; que dans ces conditions, l'ensemble représente 12.005,59 F et compte tenu du partage de responsabilité, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à la MUTUELLE DES MOTARDS la somme de 6.007,80 F ;
Sur les intérêts de droit :
Considérant que M. X... et la MUTUELLE DES MOTARDS ont droit aux intérêts au taux légal des sommes susmentionnées à compter du 27 juin 1988, date d'enregistrement de la demande au tribunal administratif ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Limoges est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer 1°) à M. X... la somme de 12.005,09 F ; 2°) à la MUTUELLE DES MOTARDS la somme de 6.007,80 F ; 3°) à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Corrèze, la somme de 3.110,22 F.
Article 3 : Les sommes de 12.005,09 F et de 6.007,80 F porteront intérêt au taux légal à compter du 27 juin 1988.
Article 4 : Les surplus des conclusions présentées par M. X..., la MUTUELLE DES MOTARDS, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Corrèze, tant en première instance qu'en appel sont rejetés.