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18/04/1991 | FRANCE | N°89BX01170;89BX01171

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 18 avril 1991, 89BX01170 et 89BX01171


Vu les décisions en date des 6 février 1989 et 30 janvier 1989, enregistrées au greffe de la cour le 3 mars 1989, par lesquelles le président de la 6ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, les requêtes présentées pour M. Raymond X... contre les jugements du tribunal administratif de Montpellier des 24 juin 1986 et 22 janvier 1988 ;
Vu 1°) la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 22 juillet et 20 novembre 1986 au secrétariat du conte

ntieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X... demeurant ... Le ...

Vu les décisions en date des 6 février 1989 et 30 janvier 1989, enregistrées au greffe de la cour le 3 mars 1989, par lesquelles le président de la 6ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, les requêtes présentées pour M. Raymond X... contre les jugements du tribunal administratif de Montpellier des 24 juin 1986 et 22 janvier 1988 ;
Vu 1°) la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 22 juillet et 20 novembre 1986 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X... demeurant ... Le Lez (34170), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 24 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, avant dire droit sur le montant de l'indemnité qui lui est due pour la période antérieure au 7 octobre 1980, ordonné une expertise dans le but de déterminer le bénéfice net, avant impôts, susceptible d'être normalement dégagé par une entreprise exploitant une carrière telle que la sienne pendant la période comprise entre le 7 mai 1977 et le 6 octobre 1980, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'allocation d'une provision et celle tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 15.062.406 F avec intérêts de droit et capitalisation desdits intérêts en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé, à la suite de l'arrêté illégal du 5 mai 1977 modifié le 17 suivant, d'exploiter sa carrière pendant la période du 7 octobre 1980 au 15 juillet 1984 ;
- condamne l'Etat à lui verser les sommes de 137.022.243 F et 15.062.406 F augmentées des intérêts de droit en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 5 mai 1977 modifié le 17 mai suivant lui interdisant la poursuite de l'exploitation de la carrière lui appartenant à Aniane et ordonne la capitalisation des intérêts ;
- condamne en tant que de besoin l'Etat à lui verser une provision de 1.000.000 F à parfaire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu 2°) la requête, enregistrée le 5 avril 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. X... demeurant ... Le Lez (34170), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement du 22 janvier 1988 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 2.577.857 F avec intérêts de droit et capitalisation desdits intérêts qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice résultant de l'arrêté du 5 mai 1977 modifié le 17 mai suivant du préfet de l'Hérault lui interdisant la poursuite de l'exploitation de la carrière lui appartenant à Aniane ;
- condamne l'Etat à lui verser la somme de 85.128.012,97 F majorée des intérêts légaux à compter du 6 octobre 1980 avec capitalisation de ceux échus depuis plus d'un an, en réparation du préjudice subi ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 1991 :
- le rapport de M. BAIXAS, conseiller ; - les observations de Me BEDEL DE BUZAREINGUES avocat de M. X... ; - et les conclusions de M. LABORDE, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées de M. X... sont relatives aux conséquences du même arrêté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité des jugements attaqués :
En ce qui concerne le jugement du 24 juin 1986 :
Considérant d'une part, que si M. X... soutient que le jugement du 24 janvier 1986 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et n'a pas répondu à tous les moyens qu'il a invoqués, il n'apporte à l'appui de sa critique aucune précision de nature à permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé ; que, dès lors, les conclusions fondées sur la régularité en la forme de ce jugement doivent être rejetées ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que l'évaluation du préjudice résultant du rapport établi par le premier expert ne pouvait à elle seule servir à évaluer le préjudice subi pendant la période comprise entre le 7 mai 1977 et le 6 octobre 1980 ; que, dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont ordonné une nouvelle expertise ayant l'objet défini par le jugement du 24 juin 1986 ; que compte tenu de son utilité pour le règlement du litige dont le tribunal était saisi M. X..., qui d'ailleurs se fonde sur cette expertise pour justifier le montant de la réparation qu'il sollicite, n'est pas fondé à soutenir que cette expertise avait un caractère frustratoire ;
En ce qui concerne le jugement du 22 janvier 1988 :
Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement du 22 janvier 1988 que le tribunal administratif a justifié son choix du volume d'extraction annuel de la carrière par ses capacités de production ; qu'il fonde son appréciation du manque à gagner sur les éléments ressortant des rapports établis par les deux experts ainsi que sur les conditions et caractéristiques d'exploitation de la carrière ; qu'il précise que la somme de 150.000 F correspond au coût de l'immobilisation du capital ; qu'ainsi, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués par les parties à l'instance, a suffisamment motivé sa décision ; que le requérant et le ministre ne sont donc pas fondés à en demander à ce titre l'annulation ;
Sur la demande de provision :
Considérant qu'il est constant qu'à la suite du jugement du 22 janvier 1988, M. X... a perçu la totalité de l'indemnité y compris les intérêts de droit que l'Etat avait été condamné à lui verser ; que dès lors, sa demande tendant à l'allocation d'une provision est devenue sans objet ;
Sur le préjudice résultant du retard anormal mis par l'administration à répondre à la demande de continuation de l'exploitation de l'entreprise :
Considérant que la demande de M. X... tendant à la réparation du préjudice que lui aurait causé le retard mis par l'administration à statuer sur la demande d'autorisation qu'il a présentée le 22 septembre 1972 concerne un préjudice distinct de celui résultant de l'intervention de l'arrêté du 5 mai 1977 ; que formulée pour la première fois en cours d'instance, devant le tribunal administratif sans avoir été précédée d'une demande administrative préalable, elle est irrecevable ;
Sur l'étendue du préjudice résultant de l'arrêté du 5 mai 1977 :

Considérant qu'il résulte de l'arrêt du Conseil d'Etat du 21 juin 1985 que le préjudice subi par M. X... du fait de l'arrêté préfectoral du 5 mai 1977 résulte de l'impossibilité d'exploiter la sablière du 7 mai 1977 au 6 octobre 1980 et de la détérioration qui en a découlée du matériel ; que l'autorité de chose jugée qui s'attache à la décision de la Haute Juridiction fait obstacle à ce que M. X... demande une indemnisation, au titre des périodes antérieures et postérieures à celle fixée par le Conseil d'Etat, ainsi qu'au titre de la non reprise de l'exploitation de l'usine à béton de la Pompignane qui d'ailleurs avait cessé d'être exploitée avant l'intervention de l'arrêté litigieux ;
Sur l'évaluation du préjudice :
En ce qui concerne la perte de revenus :
Considérant que, compte tenu de l'évaluation faite par les experts des réserves du gisement, des limitations à l'exploitation liées à la maîtrise des terrains, au talutage et à la profondeur d'extraction, de la durée totale d'exploitation envisagée, du volume d'extraction maximum indiqué dans la demande d'autorisation de poursuite d'exploitation présentée en 1972 et de la production annuelle en volume atteinte au cours de la période pendant laquelle M. X... a effectivement exploité la sablière, il n'apparaît pas que le tribunal administratif ait fait une inexacte appréciation en fixant à 150.000 m3 le volume annuel des matériaux qui auraient pu être extraits au cours de la période du 7 mai 1977 au 6 octobre 1980 ;
Considérant que M. X... n'établit pas que les prix de ventes retenus par l'expert pour évaluer le chiffre d'affaires de la carrière ne tiennent pas compte de la qualité des matériaux extraits et traités ; que dès lors il n'est pas fondé à demander à ce titre une majoration de 20 % des évaluations faites par l'expert ; que, par suite, le tribunal administratif a fait une juste appréciation du chiffre d'affaires qui aurait pu être réalisé au cours de la période litigieuse en fixant son montant hors taxes à 14.267.143 F ;
Considérant que les résultats d'exploitation dégagés par le second expert ont été a juste titre écartés par le tribunal administratif dès lors que, découlant d'un calcul qui ne prend en considération aucune charge au titre de l'amortissement du gisement, ils ne peuvent être considérés comme représentant le bénéfice net que la sablière aurait pu normalement produire au cours de la période en cause ; que dès lors, M. X... n'est pas fondé à demander que le total des évaluations des résultats ressortant du deuxième rapport d'expertise soit substitué à l'évaluation du bénéfice net retenue par le tribunal administratif ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu de la qualité des matériaux composant le gisement et des conditions envisagées pour son exploitation, le tribunal administratif a fait une juste appréciation du bénéfice net qu'aurait normalement pu produire la sablière au cours de la période litigieuse en l'évaluant à 25 % du chiffre d'affaires ci-dessus défini ; que, par la seule référence qu'il fait à une enquête annuelle effectuée en 1985 par le service des statistiques industrielles du ministère de l'industrie, et qui a concerné des entreprises de vingt personnes ou plus le ministre n'établit pas l'exagération de cette évaluation ; que dès lors, sa demande tendant à la réduction du pourcentage de bénéfice net retenu par le tribunal administratif ne saurait être accueillie ;
Considérant, enfin, que la circonstance que l'exploitation de la sablière momentanément interrompue aurait pu être reprise à l'issue de la période d'inactivité avec le matériau laissé en place n'est pas à elle seule de nature à établir que M. X... aurait ainsi pu récupérer une partie du revenu perdu ; que le ministre n'établit pas que les capacités de production de l'entreprise ainsi que l'environnement économique du marché des sables et graviers auraient permis une telle récupération ; que dès lors M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a appliqué au bénéfice net qu'il avait retenu une réduction égale au tiers de son montant pour tenir compte de la récupération alléguée ; qu'il y a lieu en conséquence de réformer sur ce point le jugement attaqué et de fixer à 3.566.786 F le préjudice subi par M. X... du fait de la perte de revenus que lui a causée l'arrêt de l'exploitation de la sablière pendant la période du 7 mai 1977 au 6 octobre 1980 ;
En ce qui concerne la perte en capital :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le matériel qui avait été installé sur le site n'y figurait plus lors de l'intervention de l'arrêté du 5 mai 1977 ; que dès lors M. X... n'est pas fondé à demander une indemnisation à ce titre ;
Considérant toutefois qu'il n'est pas contesté que sur ce même site des travaux de génie civil avaient été réalisés ; que M. X... est fondé à obtenir la réparation du préjudice que lui a causé la détérioration de ces installations pendant la période allant du 7 mai 1977 au 6 octobre 1980 ; que, compte tenu de la valeur de ces travaux et la durée de l'interruption causée par l'arrêté litigieux, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice subi à ce titre par M. X... en le fixant à 150.000 F ;
En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

Considérant que M. X... n'est pas fondé à demander à ce titre la réparation des préjudices qu'il a subis depuis 1969 ; que, compte tenu de sa situation personnelle lorsque est intervenu l'arrêté litigieux et de la durée du préjudice résultant de cet arrêté, le tribunal administratif a fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant son montant à 50.000 F ; que dès lors les demandes de M. X... tendant à obtenir une majoration de l'indemnisation allouée à ce titre et du ministre tendant à une réduction de cette indemnisation ne peuvent qu'être écartées ;
En ce qui concerne la perte de valeur du fonds de commerce :
Considérant que M. X... n'établit pas la réalité de la perte de valeur du fonds de commerce dont il demande la réparation ; que l'arrêt de l'exploitation n'a eu aucune incidence sur le gisement exploité et n'a pas entraîné sa disparition ; que dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif n'a accordé aucune indemnisation à ce titre ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme de 2.577.857 F que l'Etat a été condamné à verser à M. X... doit être portée à 3.766.786 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 3.766.786 F qui lui est allouée à compter du jour de la réception par l'administration de la demande d'indemnité qu'il lui a adressé le 19 janvier 1981 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction qu'une somme de 2.577.857 F outre les intérêts de droit a, en exécution du jugement du 22 janvier 1988, été versée à M. X... le 11 mars 1988 ; que dès lors, M. X... a seulement droit aux intérêts de la somme de 1.188.929 F à compter du 19 janvier 1981 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que devant le tribunal administratif et devant la cour M. SAUVETERRE a demandé que les intérêts soient capitalisés aux dates des 10 août 1984, 7 mai 1986, 22 juillet 1986, 15 juin 1987, 5 avril 1988, 15 décembre 1988 et 3 décembre 1990 ; qu'aux dates des 22 juillet 1986 et 5 avril 1988 il n'était pas dû au moins une année d'intérêts depuis la précédente demande de capitalisation ; que dès lors, il y a lieu de faire droit aux seules demandes des 10 août 1984, 7 mai 1986, 15 juin 1987, 15 décembre 1988 et 3 décembre 1990 pour lesquelles il était dû au moins une année d'intérêts ;
Considérant que, compte tenu du paiement intervenu le 11 mars 1988, il y a lieu de décider que les intérêts de la somme de 1.188.929 F échus les 10 août 1984, 7 mai 1986, 15 juin 1987, 15 décembre 1988 et 3 décembre 1990 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'exagération des prétentions du requérant ait rendu l'expertise plus onéreuse ou que la profusion des documents joints par M. X... à sa demande ait compliqué la tâche des experts ; que dès lors le ministre n'est pas fondé à demander que les frais d'expertise soient partagés entre les parties au litige ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de provision présentée par M. X....
Article 2 : L'indemnité de 2.577.857 F que l'Etat a été condamné à payer à M. X... est portée à 3.766.786 F.
Article 3 : Les intérêts au taux légal alloués à M. X... seront calculés à compter du jour de la réception par l'administration de sa demande adressée le 19 janvier 1981 sur une somme de 1.188.929 F.
Article 4 : Les intérêts de la somme de 1.188.929 F que l'Etat est condamné à verser à M. X... par le présent arrêt, échus les 10 août 1984, 7 mai 1986, 15 juin 1987, 15 décembre 1988 et 3 décembre 1990 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 janvier 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. X... et le recours incident du ministre de l'industrie et de l'aménagement du territoire sont rejetés.


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