Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 15 mars 1989, présenté pour le MINISTRE DELEGUE CHARGE DU BUDGET qui demande que la cour :
1°) annule le jugement en date du 27 octobre 1988 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a déchargé la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Lot des droits supplémentaires de T.V.A. et des pénalités y afférentes mises à sa charge au titre des années 1984 et 1985 ;
2°) remette à la charge de la C.R.C.A.M. du Lot lesdites impositions et leurs pénalités ;
3°) subsidiairement, compense, sur le fondement de l'article L 203 du livre des procédures fiscales, dans la limite de la décharge jugée justifiée, l'insuffisance des cotisations de T.V.A. et les pénalités y afférentes résultant de l'assiette de la T.V.A. calculée selon les modalités préconisées par la banque ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 1991 : - le rapport de M. ROYANEZ, conseiller, - les observations de Me LARROUMET substituant Me ODENT, avocat de la C.R.C.A.M. du Lot, - et les conclusions de M. CATUS, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE soutient que les premiers juges, en accordant la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été assignés à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel (C.R.C.A.M.) du Lot ont fait une fausse application des dispositions des articles 212 et 219 de l'annexe II au code général des impôts ;
Considérant qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, pris en application des articles 271 et 273 du code et relatif aux entreprises qui ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de leurs activités : "Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations égale au montant de cette taxe multiplié par le rapport existant entre le montant annuel des recettes afférentes à des opérations ouvrant droit à déduction et le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées..." ; que selon l'article 219 de l'annexe II relatif aux services et aux biens ne constituant pas des immobilisations, ces mêmes assujettis sont autorisés à déduire une fraction de la taxe ayant grevé ces biens et services utilisés, qui est déterminée selon les dispositions de l'article 212 précitées ;
Considérant que la règle dite "du prorata" posée par les articles 212 et 219, qui est conforme aux prescriptions de la VIème directive du Conseil des Communautés Européennes, dont ces articles s'inspirent, est applicable aux opérations de change manuel, réalisées par la C.R.C.A.M., assujetti partiel, pour ces opérations portant sur la monnaie fiduciaire et sur la monnaie métallique ; qu'il y a lieu pour les ventes de cette nature comme pour toutes les autres ventes, de regarder comme des recettes, au sens des articles 212 et 219 mentionnés ci-dessus, l'intégralité des produits des ventes, résultant des opérations de change manuel et non pas, comme le soutient l'administration, les seuls profits dégagés par ces opérations de change sur lesquels la taxe est assise, quelles que soient par ailleurs les modalités comptables retraçant ces opérations ; qu'il suit de là que les premiers juges n'ont commis aucune erreur de droit en regardant comme recettes au sens des articles 212 et 219 de l'annexe II du code l'intégralité des opérations de change manuel réalisées par la C.R.C.A.M. au cours de la période litigieuse ;
Considérant toutefois que dans son pourvoi, revenant sur les dispositions de son instruction 3L-1-79 du 31 janvier 1979 concernant les opérations bancaires et financières, le MINISTRE demande, en application de l'article L 203 du livre des procédures fiscales, que, au cas où il serait fait droit par la cour à l'argumentation de la requérante sur les modalités de calcul de la T.V.A. déductible de la T.V.A. sur les opérations de change manuel, la réduction d'impôt qui en résulte soit compensée par le calcul de la T.V.A. due au titre des mêmes opérations en retenant également pour l'assiette de cette taxe le montant total des opérations de change manuel réalisées par la banque au cours de la période en litige conformément aux dispositions de l'article 266-1-a du code général des impôts ;
Considérant qu'aux termes de cet article, applicable aux opérations de change manuel comme à toutes les ventes de biens meubles : "La base d'imposition est constituée : a) pour les livraisons de biens et les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de la livraison ou de la prestation..." ; qu'aucune disposition du code ne vient, pour les opérations de change manuel, déroger à ces prescriptions ; qu'à aucun moment de la procédure la caisse requérante ne s'est prévalue sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales des dispositions plus favorables de l'instruction du 31 janvier 1979 pour la détermination de l'assiette de la T.V.A. sur les opérations de change manuel ; que dans ces conditions il y a lieu de faire droit à la demande du MINISTRE et de rétablir dans la limite des droits dégrevés les droits supplémentaires de T.V.A. assignés à la C.R.C.A.M. du Lot à hauteur de 128.156 F de droits simples et pénalités mis en recouvrement le 24 septembre 1987 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DELEGUE CHARGE DU BUDGET est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 27 octobre 1988 est annulé.
Article 2 : Les droits supplémentaires de T.V.A. assignés à la C.R.C.A.M. du Lot par avis de mise en recouvrement du 24 septembre 1987 sont rétablis pour un montant de 128.156 F de droits simples et de pénalités.