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30/07/1991 | FRANCE | N°89BX00484

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 30 juillet 1991, 89BX00484


Vu la décision en date du 2 janvier 1989 enregistrée au greffe de la cour le 19 janvier 1989, par laquelle le président de la 4ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour la société SERI-RENAULT-INGENIERIE dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 août 1988 ;
Vu, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le 16 novembre 1988 et le 13 mars 1989, la requête et le mémoire ampliatif présent

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Vu la décision en date du 2 janvier 1989 enregistrée au greffe de la cour le 19 janvier 1989, par laquelle le président de la 4ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour la société SERI-RENAULT-INGENIERIE dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 août 1988 ;
Vu, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le 16 novembre 1988 et le 13 mars 1989, la requête et le mémoire ampliatif présentés pour la société SERI-RENAULT-INGENIERIE, dont le siège est ..., BP 19 à Bois d'Arcy Cédex (78191), par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation, tendant à ce que la cour :
- annule le jugement du 24 août 1988 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée solidairement à payer la somme de 519.693 F, à supporter la moitié des frais d'expertise et à garantir à concurrence de 19,3 % les architectes, des condamnations prononcées contre eux ;
Vu, enregistré le 25 juillet 1990, le mémoire présenté pour la veuve et les héritiers de M. A..., d'une part, MM. Z... et X..., d'autre part, tendant à ce que la cour :
1°) annule le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 août 1988 ;
2°) condamne l'Etat et la société SERI-RENAULT-INGENIERIE à les garantir des condamnations prononcées contre eux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juillet 1991 :
- le rapport de M. ZAPATA, conseiller ;
- les observations de Me BACALOU, avocat de la Ville de COLOMIERS ;
- les observations de Me RICOUARD substituant Me ROGER, avocat de M. Pierre A... ;
- les observations de Me RICOUARD substituant Me ROGER, avocat de Melle Agnès A... ;
- les observations de Me RICOUARD substituant Me ROGER, avocat de Mme Veuve A... ;
- les observations de Me RICOUARD substituant Me ROGER, avocat de M. Jean-Paul X... ;
- les observations de Me RICOUARD substituant Me ROGER, avocat de M. Franck Z... ;
- et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que dans le cadre de l'opération "mille piscines", l'Etat a confié, d'une part, à M. A..., architecte, auteur d'un projet de piscine dénommée "caneton", une mission d'étude d'un prototype à partir duquel seraient réalisées des séries annuelles de piscines, d'autre part, à la société bureau d'études techniques SERI-RENAULT-INGENIERIE, une mission d'assistance à l'architecte et des missions d'études techniques de bâtiment, d'ordonnancement et d'industrialisation ; que la maîtrise d'oeuvre de la réalisation en série de piscines caneton a été attribuée aux architectes A..., X... et Z... et l'exécution des travaux de la piscine de Colomiers, par marché du 18 décembre 1972, à un groupement d'entreprises comprenant notamment l'entreprise Eurelast chargée du lot étanchéité ; que la commune de Colomiers a donné mandat à l'Etat pour la maîtrise d'ouvrage d'une piscine de type "caneton" par délibération du 13 juin 1974 ; que la réception définitive des travaux de construction de la piscine a été prononcée le 26 novembre 1976 avec effet au 24 avril 1976, date à laquelle l'ouvrage a été remis à la commune ; que le bureau d'études techniques SERI-RENAULT-INGENIERIE demande par la voie de l'appel principal, l'annulation du jugement du 24 août 1988 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a condamné solidairement les architectes, le bureau d'études techniques SERI-RENAULT-INGENIERIE et l'entreprise Eurelast à réparer à concurrence de 519.693 F les désordres apparus dans le bâtiment de ladite piscine ; que les héritiers de M. A... et les architectes X... et Z... demandent par les voies de l'appel incident et de l'appel provoqué, d'annuler le jugement qui les a déclarés solidairement responsables avec l'entreprise Eurelast desdits désordres ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert, que l'intérieur du bâtiment de la piscine de Colomiers est affecté de traces d'humidité sous les panneaux de toiture, de condensations et de moisissures importantes, que la toiture de ce bâtiment présente des cloquages de l'étanchéité hypalon, des boursouflures linéaires au droit des panneaux VNCK, des fissures d'étanchéité au droit des socles métalliques des rails de translation ; qu'en outre, le défaut d'isolation des lignes électriques d'éclairage au-dessus du bassin et des plages entraîne des coupures d'alimentation électrique ; que de tels désordres, en raison de leur caractère important et généralisé, rendent l'ouvrage impropre à sa destination et engagent, par voie de conséquence, la responsabilité décennale des constructeurs envers le maître de l'ouvrage ;

Considérant, en ce qui concerne le bureau d'études techniques SERI-RENAULT-INGENIERIE, que l'action en garantie décennale dont le maître de l'ouvrage dispose sur la base des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, ne peut être exercée que contre les personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage relatif à la construction des bâtiments concernés ; qu'il est constant que si le bureau d'études techniques SERI-RENAULT-INGENIERIE a participé à la conception d'un prototype de piscine en vertu d'un contrat d'études préalables à la réalisation du prototype de piscines "caneton" et à la fabrication en série de ces piscines, conclu avec l'Etat le 8 juillet 1970, ce contrat a été résilié par l'Etat le 18 juin 1971, mettant ainsi fin, avant leur achèvement, aux missions de bureau d'études techniques, et avant que l'Etat ne procède, le 18 décembre 1972, à la conclusion des marchés en vue de réaliser en série le projet-type établi par les architectes à partir du prototype ; qu'ainsi, le bureau d'études techniques SERI-RENAULT-INGENIERIE n'étant pas constructeur, se trouve fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse l'a condamné solidairement à la réparation des désordres et à garantir dans la proportion de 19,3 % les architectes ;
Considérant, en ce qui concerne les architectes, que les désordres affectant l'intérieur et l'étanchéité de la toiture de la piscine de Colomiers sont, ainsi que l'a relevé l'expert, imputables à des vices de conception du dispositif même de couverture, et ceux concernant l'installation électrique imputables dans une proportion de 60 %, à des travaux d'exécution faits par l'entreprise A.M.S. ainsi qu'à un défaut de surveillance par les architectes de ces travaux ; que par suite, les architectes A..., X... et Z... à qui avaient été confiées des missions d'études, de conception et de maîtrise d'oeuvre en vue de la réalisation de la piscine de Colomiers, et qui n'établissent pas avoir formulé des réserves, eu égard aux termes des lettres du 29 septembre 1973 et 6 septembre 1974 relatives au choix de l'épaisseur du matériau "hypalon" proposé par l'entreprise Eurelast et au choix des panneaux VNCK, ne sont pas fondés à prétendre que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu leur responsabilité ;
Considérant cependant, que les architectes soutiennent que la faute commise par l'Etat maître de l'ouvrage délégué de la commune de Colomiers, est de nature à les exonérer de toute responsabilité ; qu'il résulte de l'instruction qu'en imposant aux constructeurs un procédé de construction comportant de graves défauts tels l'insuffisance d'épaisseur du film d'étanchéité hypalon et l'absence de dispositif pare-vapeur sous la toiture d'un ouvrage particulièrement exposé aux phénomènes hygrothermiques, l'Etat a commis des fautes de nature à atténuer la responsabilité des architectes ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en fixant à 40 % la part qu'ont jouée dans l'apparition des désordres, les fautes de l'Etat maître d'ouvrage délégué, fautes qui sont opposables à la commune ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que les héritiers de M. A... et MM. X... et Z... ne sont pas fondés à demander, par la voie de l'appel incident, à être entièrement exonérés de la responsabilité qu'ils encourent dans les désordres litigieux, d'autre part, que la commune de Colomiers n'est pas fondée à soutenir que les constructeurs doivent être déclarés entièrement responsables des désordres survenus dans la piscine ;
Sur la réparation des désordres :
Considérant que le montant des travaux destinés à réparer les désordres a été évalué par l'expert à la somme non contestée de 1.057.276 F TTC ; que dans cette somme, les désordres affectant l'installation électrique qui s'élèvent à 29.817 F TTC, sont imputables à des fautes d'exécution de l'entreprise A.M.S. chargée du lot électricité et à des fautes de surveillance de ces travaux par les architectes ; que compte tenu de la part de responsabilité laissée à la charge des constructeurs, il y a lieu, d'une part, de condamner MM. A..., X... et Z..., architectes et la société Eurelast à payer solidairement 623.631 F TTC à la commune de Colomiers, d'autre part, de condamner MM. A..., X... et Z... et la société A.M.S. à payer solidairement la somme de 17.890 F TTC à la commune de Colomiers ; que la commune de Colomiers ne justifiant aucunement de la moins-value de 300.000 F qui résulterait selon elle, de ce que les travaux de remise en état ne permettraient pas de faire fonctionner les toits ouvrants, il y a lieu de rejeter ses conclusions sur ce point ;
Sur les intérêts :
Considérant que la commune de Colomiers a droit aux intérêts légaux des sommes de 623.631 F et de 17.890 F, à compter du 24 février 1988 ;
Sur la demande d'actualisation :
Considérant que la commune de Colomiers qui demande que le montant des travaux estimé par l'expert soit actualisé au jour du présent arrêt, ne soutient ni n'établit qu'elle a été dans l'impossibilité de procéder aux travaux de réfection des désordres après le dépôt du second rapport d'expertise ; que ses conclusions doivent, sur ce point, être rejetées ;
Sur les appels provoqués des architectes et de la commune :
Considérant, d'une part, que les architectes ne peuvent utilement se prévaloir de ce que le quitus donné par la commune de Colomiers à l'Etat lors de la remise de la piscine, serait entaché de dol ;
Considérant, d'autre part, que la commune de Colomiers n'est pas fondée à demander la majoration de la condamnation mise à la charge des architectes, et de la société Eurelast, dès lors que la faute commise par l'Etat maître de l'ouvrage délégué, lui est opposable ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 août 1988 est annulé en tant qu'il a, d'une part, condamné solidairement le bureau d'études techniques SERI-RENAULT-INGENIERIE à réparer les désordres de la piscine "caneton" de Colomiers, d'autre part, condamné ledit bureau d'études à garantir MM. A..., X... et Z..., dans la proportion de 19,3 % des sommes mises à leur charge et enfin condamné solidairement le bureau d'études techniques SERI-RENAULT-INGENIERIE à supporter la charge de la moitié des frais d'expertise.
Article 2 : La somme que MM. A..., X... et Z..., et la société Eurelast ont été condamnés solidairement à payer à la commune de Colomiers est portée de 519.693 F à 623.631 F TTC ; ladite somme portera intérêts légaux à compter du 24 février 1988.
Article 3 : MM. A..., X... et Z... et la société A.M.S. sont condamnés à payer solidairement la somme de 17.890 F TTC à la commune de Colomiers ; ladite somme portera intérêts légaux à compter du 24 février 1988.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 août 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 et 3 ci-dessus.
Article 5 : Les conclusions des appels incidents et des appels provoqués des héritiers de MM. A..., X... et Z..., et de la commune de Colomiers sont rejetées.


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