La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/1991 | FRANCE | N°89BX00990

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 17 décembre 1991, 89BX00990


Vu la décision en date du 26 janvier 1989, enregistrée au greffe de la Cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 10ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le recours présenté le 2 juin 1988 pour le MINISTRE DE LA DEFENSE sous le n° 98708 ;
Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement les 2 juin et 29 septembre 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le minis

tre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 m...

Vu la décision en date du 26 janvier 1989, enregistrée au greffe de la Cour le 3 mars 1989, par laquelle le président de la 10ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le recours présenté le 2 juin 1988 pour le MINISTRE DE LA DEFENSE sous le n° 98708 ;
Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement les 2 juin et 29 septembre 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 mars 1988 par lequel le Tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser à la société Fougerolle la somme de 826.335,46 F avec intérêts moratoires à compter du 9 août 1983, en réparation du préjudice résultant de sujétions supplémentaires imposées à la société pour l'exécution du marché conclu le 5 mai 1981 pour la construction de la base navale de l'Adour à Anglet (Pyrénées-Atlantiques) ;
2°) de rejeter la demande présentée pour la société Fougerolle devant le Tribunal administratif de Pau ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 1991 :
- le rapport de M. PIOT, conseiller ; - les observations de Me X... substituant la SCP Peignot et Garreau avocat de la société Fougerolle ; - et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le MINISTRE DE LA DEFENSE a, par marché conclu à prix forfaitaire le 5 mai 1981, confié à la société Fougerolle, agissant en qualité de mandataire commun d'un groupement d'entreprises, la réalisation de différents lots de travaux de construction de la base navale de l'Adour à Anglet (Pyrénées-Atlantiques) ; que tant le ministre intéressé que la société Fougerolle contestent le jugement du Tribunal administratif de Pau en date du 15 mars 1988 qui a accordé à la société Fougerolle une somme de 826.335,46 F assortie des intérêts moratoires à compter du 9 août 1983 en réparation du préjudice résultant de sujétions supplémentaires qui lui ont été imposées pour l'exécution dudit marché ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si le MINISTRE DE LA DEFENSE soutient que le tribunal administratif aurait omis de répondre au moyen tiré de ce qu'aucune réserve n'avait été émise sur l'ordre de service ayant ordonné le déplacement des baraques de chantier, il ressort, toutefois, de l'examen du jugement attaqué que ce moyen manque en fait ;
Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de la société Fougerolle devant le tribunal administratif :
Considérant que, d'après l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché litigieux, en cas de contestation par l'entrepreneur de la réponse faite par l'administration à son mémoire en réclamation, celui-ci doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la réponse du service, faire parvenir à la personne responsable du marché un mémoire complémentaire puis saisir le tribunal administratif à l'expiration d'un délai de trois mois à partir de la date de réception du mémoire complémentaire par le maître de l'ouvrage ;
Considérant que la société Fougerolle a, le 9 août 1983, remis à la personne responsable du marché un mémoire de réclamation auquel cette dernière a répondu par lettre du 31 août 1983 ; qu'elle a, le 23 novembre 1983, adressé, dans le délai de trois mois prévu par les dispositions susrappelées dudit cahier, un mémoire complémentaire explicitant les motifs de sa réclamation ; qu'aucune décision du ministre concerné ne lui ayant été notifiée dans le délai de trois mois prévu par les mêmes dispositions, la société Fougerolle a pu valablement saisir le tribunal administratif le 22 mai 1984 sans que la forclusion tirée de l'absence de saisine de la juridiction dans un délai de six mois en cas de décision implicite de refus à la suite du mémoire en réclamation puisse lui être opposée ; que, par suite, le moyen invoqué par le MINISTRE DE LA DEFENSE doit être écarté ;
Sur la prétendue renonciation de la société Fougerolle à toute réclamation relative à l'exécution du marché pour tout fait antérieur à la signature de l'avenant du 17 mai 1982 :

Considérant que si le ministre prétend que, par l'article 6 de l'avenant signé le 17 mai 1982, la société Fougerolle aurait renoncé à toute réclamation ou réserve pour tout fait antérieur à sa signature à l'exclusion du montant du lot n° 8, il ressort des termes de l'article 1er dudit avenant que celui-ci avait pour seul objet le remplacement d'un co-traitant défaillant dans l'exécution du lot concerné ; que, par suite, le ministre ne saurait donner une portée générale qu'elle n'a pas à la clause finale de cet avenant ;
Sur la forclusion alléguée par le MINISTRE DE LA DEFENSE tirée de l'absence de réserves aux ordres de service :
Considérant qu'aux termes de l'article 2-52 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché litigieux : "Lorsque l'entrepreneur estime que les prescriptions d'un ordre de service appellent des réserves de sa part, il doit, sous peine de forclusion, les présenter par écrit au maître d'oeuvre dans un délai de quinze jours décompté ainsi qu'il est précisé à l'article 5" ; que si le ministre soutient que l'entreprise Fougerolle n'aurait émis aucune réserve sur divers ordres de service, cette assertion n'est assortie de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé qu'en ce qui concerne l'ordre de service qui lui prescrivait le déplacement des baraques de chantier dans le délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées ; qu'il n'est toutefois ni établi ni même allégué par l'administration que ledit ordre de service ait contenu des mentions relatives à la rémunération des travaux ainsi commandés ; que, par suite, la société Fougerolle, qui n'avait aucune réserve à formuler au sujet de cette rémunération, n'était pas forclose à en demander le paiement au moment où elle l'a sollicité ;
Sur les préjudices résultant des sujétions imprévues consécutives à la modification du système de fondations :
Considérant que des difficultés exceptionnelles et imprévisibles rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à une indemnité au profit des entrepreneurs que dans la mesure où ceux-ci justifient, soit que ces difficultés sont imputables à un fait de l'administration, soit qu'elles ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en raison de la nature du terrain rencontré, l'administration a dû modifier le système de fondations initialement prévu ; que dès lors l'entreprise Fougerolle a été contrainte, sur ordres de service de l'administration, d'une part, d'arrêter le chantier pendant quarante quatre jours, d'autre part, de reporter le battage des pieux à une période de l'année où la mise en place d'un crassier s'est avérée nécessaire pour stabiliser le sol ; que ces difficultés excédaient, compte tenu des conditions d'exécution prévues au devis, les communes prévisions des parties lors de la passation du marché, qu'ainsi le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a reconnu à la société Fougerolle le droit à des indemnisations pour sujétions imprévues au titre de l'immobilisation de son matériel et de son personnel, de la mise en place d'un crassier et de l'augmentation des frais généraux consécutive à la prolongation du chantier ;
Sur les conclusions incidentes de la société Fougerolle tendant à la réparation du préjudice subi par elle du fait de la défaillance de la société Olivar :
Considérant que si elle soutient que s'agissant d'une procédure dite "d'appel d'offres combiné" l'administration a commis une faute en retenant la société Olivar dont l'offre de prix initiale comportait une erreur grossière dans le calcul des prix unitaires, l'entreprise Fougerolle ne saurait reprocher à l'administration de ne pas s'être aperçue de l'erreur qui entachait les prix de l'offre de la société Olivar alors qu'il résulte des pièces du marché qu'elle a agi en qualité de mandataire des entreprises groupées conjointes et qu'elle pouvait, par elle-même, constater l'erreur dénoncée ; qu'elle n'est pas davantage fondée à invoquer les circulaires ministérielles des 9 mars 1982 et 5 novembre 1985, postérieures au marché litigieux ;
Sur les conclusions incidentes de la société Fougerolle tendant à la réparation du préjudice financier subi par elle en raison de retards de règlement par l'administration :
Considérant qu'aux termes de l'article 13-23 du même cahier des clauses administratives générales : "Le mandatement de l'acompte doit intervenir quarante cinq jours au plus tard après la date à laquelle le projet de décompte est remis par l'entrepreneur au maître d'oeuvre ... le mandatement suivi d'une suspension de paiement est assimilable à un défaut de mandatement" ;
Considérant que si, pour justifier sa demande, la société Fougerolle soutient que la suspension de paiement doit s'entendre comme un retard anormal apporté au règlement et doit donner lieu à réparation de la part du maître de l'ouvrage, la société intéressée n'établit pas que le retard intervenu dans le paiement des sommes qui lui restaient dues soit imputable au mauvais vouloir de l'administration ; que, dès lors, ce retard n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat et à lui ouvrir droit à une indemnité en sus des intérêts moratoires ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni le MINISTRE DE LA DEFENSE, ni la société Fougerolle, par la voie du recours incident, ne sont fondés à demander la réformation du jugement attaqué ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE et les conclusions d'appel incident de la société Fougerolle sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 89BX00990
Date de la décision : 17/12/1991
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - ALEAS DU CONTRAT - IMPREVISION.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REMUNERATION DU CO-CONTRACTANT - INDEMNITES - TRAVAUX SUPPLEMENTAIRES.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - INTERETS.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - RECEVABILITE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - VOIES DE RECOURS - APPEL - MOYENS RECEVABLES EN APPEL.


Références :

Circulaire du 09 mars 1982
Circulaire du 05 novembre 1985


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: PIOT
Rapporteur public ?: CIPRIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1991-12-17;89bx00990 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award