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30/12/1991 | FRANCE | N°89BX00431

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 30 décembre 1991, 89BX00431


Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la Cour le 19 janvier 1989, par laquelle le président de la 7ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée le 11 juillet 1988 pour la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON" ;
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 juillet 1988 sous le n° 99931, présentée pour la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON" dont le siège social est

..., représentée par son président-directeur général et tendant à ce qu...

Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la Cour le 19 janvier 1989, par laquelle le président de la 7ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée le 11 juillet 1988 pour la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON" ;
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 juillet 1988 sous le n° 99931, présentée pour la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON" dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 11 mai 1988 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, de la retenue à la source, ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1979 à 1981 ;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 1991 :
- le rapport de M. PIOT, conseiller ;
- et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts d'Aquitaine a prononcé le dégrèvement à concurrence d'une somme de 135 F en droits et de 39 F en indemnités de retard pour 1980 et de 162 F en droits et de 28 F en indemnités de retard pour 1981 au titre des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de la retenue à la source sur les revenus distribués hors de France auxquels la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON" a été assujettie au titre desdites années ; que les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la date de réception de l'avis de vérification :
Considérant que l'administration fiscale a adressé à la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON", le 14 mars 1983, un avis de vérification l'informant que la vérification de comptabilité de l'entreprise débuterait le 29 mars 1983 ; qu'il résulte des mentions portées sur l'accusé de réception postal du pli recommandé contenant cet avis que celui-ci a été délivré le 15 mars 1983 ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, la société requérante a disposé, entre la réception dudit avis et le début de la vérification, d'un délai suffisant pour pouvoir se faire assister d'un conseil ;
En ce qui concerne le lieu de la vérification :
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification de comptabilité, que celles-ci se déroulent sur place, chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée ; que la société requérante, qui a toujours désigné dans ses déclarations tant pour l'impôt sur les sociétés que pour la taxe sur la valeur ajoutée, le domaine viticole du château Haut-Brion à Pessac comme son principal établissement où elle tenait sa comptabilité, n'est pas fondée à soutenir que la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ne pouvait être effectuée au lieu de son principal établissement ;
En ce qui concerne la notification de redressements :
Considérant qu'aux termes de l'article L 57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ;
Considérant, d'une part, que si la société requérante soutient que le redressement relatif à la provision pour hausse des prix ne serait pas suffisamment motivé, le moyen est inopérant en l'espèce, ladite provision n'étant pas en litige ;

Considérant, d'autre part, que la société intéressée a, de son propre chef, réintégré diverses dépenses qualifiées de somptuaires dans son bénéfice imposable au titre des années litigieuses ; qu'elle ne saurait dès lors soutenir utilement que la notification de redressements du 1er juillet 1983, qui s'est bornée sur ce point à prendre acte de cette décision du contribuable et à en tirer les conséquences pour l'imposition des revenus distribués, n'était pas suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article L 57 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne le délai de réponse à la notification de redressements :
Considérant qu'aux termes de l'article R 57-1 du livre des procédures fiscales : "La notification de redressements prévue par l'article L 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification" ;
Considérant que la société requérante a répondu le 29 juillet 1983 à la notification de redressements en date du 1er juillet 1983 ; que la réponse de l'administration aux observations du contribuable est datée du 2 août 1983 ; qu'ainsi, la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON" ne saurait, en tout état de cause, exciper de la méconnaissance des dispositions de l'article R 57-1 du livre des procédures fiscales précitées" ;
En ce qui concerne la motivation de la réponse de l'administration du 2 août 1983 aux observations de la société :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L 57 alinéa 2 du livre des procédures fiscales : "Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être également motivée" et qu'aux termes des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : "la motivation ... doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision" ;
Considérant, d'une part, que si la société requérante soutient que la réponse de l'administration relative au redressement concernant la provision pour hausse des prix ne serait pas suffisamment motivée, le redressement dont s'agit n'est pas en litige en l'espèce ; que dès lors, le moyen est inopérant ;
Considérant, d'autre part, que, comme il a été dit ci-dessus, s'agissant des dépenses somptuaires spontanément réintégrées et regardées comme des revenus distribués, le vérificateur a suffisamment répondu aux observations du contribuable en se référant aux dispositions de l'article 39-4 du code général des impôts ;
En ce qui concerne l'avis de mise en recouvrement du 13 septembre 1983 :
Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient la société requérante, ledit avis, qui fait référence à la notification de redressements régulière du 1er juillet 1983, est suffisamment motivé ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article L-257 A du livre des procédures fiscales : "Les avis de mise en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires et les mises en demeure peuvent être signées, sous l'autorité et la responsabilité du comptable, par les agents de la Recette ayant au moins le grade de contrôleur" et qu'aux termes de l'article 21-V de la loi de finances n° 88-1193 du 29 décembre 1988 : "Les avis de mises en recouvrement signés et rendus exécutoires et les mises en demeure signées antérieurement à la publication de la présente loi par les personnes visées à l'article L-257 A du livre des procédures fiscales sont réputés réguliers", que dans ces conditions, la société requérante ne saurait se prévaloir de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement litigieux, signé le 13 septembre 1983 par Mme X..., inspecteur des impôts, à la recette divisionnaire des impôts de Bordeaux ;
Considérant, enfin, que la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON" a été instituée redevable de la retenue à la source des distributions litigieuses ; que la circonstance que l'identité exacte du bénéficiaire n'ait pas été autrement précisée ne vicie pas l'avis de mise en recouvrement ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 39-4 du code général des impôts applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209-1 du même code : "qu'elles soient supportées directement par l'entreprise ou sous forme d'allocations forfaitaires ou de remboursements de frais, sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt ... les charges, à l'exception de celles ayant un caractère social, résultant de l'achat, de la location, ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences" ; que l'exclusion ainsi prévue ne s'applique pas aux résidences qui, figurant régulièrement à l'actif de l'entreprise, sont mises à la disposition d'un tiers, d'un dirigeant ou d'un membre du personnel par voie de location ou dans des conditions qui doivent être assimilées à une location ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions susrappelées que, dans la mesure où une résidence de plaisance ou d'agrément est utilisée par une entreprise à des fins commerciales ou publicitaires, fût-ce même dans le cadre d'une gestion commerciale normale, les charges correspondantes ne sont, en vertu de l'article 39-4 précité, pas déductibles ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la propriété dont s'agit constituait une résidence de plaisance et d'agrément et qu'elle était exclusivement affectée à des fins commerciales et publicitaires ; qu'il suit de là que les amortissements et frais d'entretien ne pouvaient être déduits et qu'ils ont été, à bon droit, réintégrés dans les bénéfices sociaux ;

Considérant, en second lieu, que si l'administration, dans sa notification de redressements et dans la confirmation qu'elle a adressée à la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON", à la suite de ses observations, pour motiver la retenue à la source pratiquée au taux de 5 % en vertu des dispositions de l'article 9-2 de la convention fiscale franco-américaine conclue le 28 juillet 1967 dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 16 juin 1988, a à tort assimilé les revenus distribués à des dividendes, elle a, postérieurement à l'établissement des impositions litigieuses, invoqué d'autres justifications des redressements opérés, notamment les dispositions de l'article 22-1 de ladite convention, applicable en l'espèce, qui prévoit que les revenus non spécialement mentionnés dans la convention sont imposables dans l'Etat de la source ; qu'une telle substitution de base légale est possible, l'administration étant en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de faire valoir, dans les limites des redressements régulièrement notifiés, tout moyen nouveau de nature à démontrer le bien-fondé des impositions ;
Considérant, en troisième lieu, que si la société requérante allègue que l'application d'une retenue à la source en raison du caractère étranger du bénéficiaire pourrait constituer une discrimination contraire tant au pacte international relatif aux droits civils et politiques signé à New-York le 19 décembre 1966 et publié par le décret du 29 janvier 1981 en vertu de la loi du 25 juin 1980 autorisant l'adhésion de la France à ce pacte qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ratifiée par la France et publiée au Journal officiel le 4 mai 1974, ce moyen n'est assorti d'aucune précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur les indemnités de retard :
Considérant, en premier lieu, que les indemnités de retard, qui n'impliquent aucune appréciation par l'administration fiscale du comportement du contribuable, n'ont pas le caractère d'une sanction ; que, par suite, le moyen invoqué par la société requérante et tiré de ce que la lettre du 8 août 1983 ne serait pas autrement motivée, est inopérant ;
Considérant, en second lieu, que la société intéressée ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui sont inapplicables aux procédures relatives aux taxations fiscales ;
Considérant, en troisième lieu, que, comme il a déjà été dit ci-dessus, lesdites indemnités n'ayant pas le caractère d'une sanction, le moyen tiré de la méconnaissance des principes applicables en matière pénale, tels que réaffirmés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 décembre 1990, est inopérant ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en l'absence de toute erreur viciant la procédure d'imposition, la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON" n'est pas fondée à invoquer l'article L 80 CA du livre des procédures fiscales ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que les pénalités seraient prescrites n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux, a rejeté sa demande ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON" tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et sur les pénalités mises à sa charge au titre des années 1980 et 1981 à concurrence des sommes respectives de 174 F et de 190 F.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme "DOMAINE CLARENCE DILLON" est rejeté.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - CONVENTIONS INTERNATIONALES.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION DE COMPTABILITE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES - PENALITES - MAJORATIONS.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - CHARGES DIVERSES.


Références :

CGI 39 par. 4, 209 par. 1
CGI Livre des procédures fiscales L57, R57-1, L257
Décret 81-76 du 29 janvier 1981
Loi 80-460 du 25 juin 1980
Loi 88-1193 du 29 décembre 1988 art. 21 Finances rectificative pour 1988
Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966


Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: PIOT
Rapporteur public ?: de MALAFOSSE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Date de la décision : 30/12/1991
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 89BX00431
Numéro NOR : CETATEXT000007476219 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1991-12-30;89bx00431 ?
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