VU le recours enregistré au greffe de la Cour le 3 octobre 1990, présenté par le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET et tendant à ce que la Cour :
- annule le jugement du 19 avril 1990 par lequel le Tribunal administratif de Limoges a accordé à M. X... la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition d'un véhicule au cours de l'année 1987 ;
- remette à la charge de M. X... la somme de 20.819 F de T.V.A. majorée des intérêts moratoires ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 1991 :
- le rapport de M. CHARLIN, conseiller ;
- et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;
Sur la déduction de la T.V.A. ayant grevé l'acquisition du véhicule :
Considérant qu'aux termes de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts : "Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usage mixte, qui constituent une immobilisation, n'ouvrent pas droit à déduction" ; qu'aux termes de l'article 207 de ladite annexe II : "Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable." ; qu'enfin aux termes de l'article 269 du même code : "1. Le fait générateur de la taxe est constitué : a) Pour les livraisons et les achats, par la délivrance des biens ; 2. La taxe est exigible : a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 ... lors de la réalisation du fait générateur." ;
Considérant que M. X... a acquis, le 2 septembre 1987, pour les besoins de son activité professionnelle, un véhicule Toyota, classé dans la catégorie camionnette par le service des mines et qui comportait en conséquence deux places assises ; que, si l'administration soutient, pour refuser le droit à déduction de la T.V.A. ayant grevé son acquisition, que ce véhicule disposait en série de points d'ancrage permettant l'installation de sièges ou banquettes supplémentaires à l'arrière, elle n'apporte aucune justification ou précision de nature à démontrer la présence réelle de cet équipement ; que, dès lors, elle n'établit pas qu'à la date de sa délivrance, ce véhicule était conçu pour le transport des personnes ou à usage mixte ;
Sur la compensation :
Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts sont également soumis à la T.V.A. : "8° Les prélèvements, utilisations, affectations de biens achetés, ..., ou transformés par les assujettis ... lorsque ces opérations sont faites .... pour les besoins d'une activité imposable si le droit à déduction de la taxe afférente au bien ... peut faire l'objet d'une exclusion, d'une limitation ou d'une régularisation." ; que selon l'article 174 de l'annexe II au même code : "Les cas d'exclusion, de limitation et de régularisation prévue au 8° de l'article 257 du code général des impôts sont ceux qui sont prévus aux articles 210 et suivants." ; qu'au nombre des cas d'exclusion visés par l'article 257-8° figure notamment celui prévu par l'article 237 de la même annexe ; qu'enfin en vertu de l'article 175 de cette annexe, la taxe est due lors de la première utilisation du bien ;
Considérant qu'au sens des dispositions précitées, la modification d'un véhicule de type camionnette, appartenant à un assujetti, par l'adjonction d'un siège arrière ayant pour effet de permettre le transport des personnes constitue une transformation qui, lorsque le véhicule continue à être utilisé pour les besoins de l'activité imposable de l'assujetti, est une opération imposable à la T.V.A. qui n'ouvre pas droit à déduction ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que, le 14 septembre 1987, M. X... a fait installer à l'arrière de son véhicule une banquette relevable autorisant le transport des personnes et fixée au chassis au moyen d'un écrou ; que, compte tenu de la modification ainsi apportée à ses caractéristiques initiales, ce véhicule doit être regardé comme présentant le caractère de véhicule conçu pour le transport des personnes ; qu'ainsi, en application des dispositions précitées du code général des impôts, cette opération, constitutive d'une livraison à soi-même imposable, ne peut, par application de l'article 237 de l'annexe II précité, ouvrir droit à déduction de la T.V.A., sans que le moyen tiré de l'usage presqu'exclusivement professionnel puisse y faire obstacle ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article L.203 du livre des procédures fiscales, l'administration est fondée à demander le bénéfice de la compensation à hauteur de la somme de 20.819 F, entre d'une part la déduction de la T.V.A. ayant grevé au taux normal l'acquisition du véhicule et d'autre part, l'insuffisance de taxation et l'exclusion de la déduction de la taxe découlant de sa première utilisation après transformation en véhicule conçu pour le transport des personnes ou à usage mixte ;
Sur le reversement des intérêts moratoires versés à M. X... en exécution du jugement attaqué :
Considérant qu'en vertu de l'article R. *208-1 du livre des procédures fiscales pris pour l'application de l'article L.208 du même livre, il appartient au comptable de payer d'office les intérêts en même temps que les sommes remboursées en raison des dégrèvements prononcés ; qu'il résulte nécessairement des mêmes dispositions que lorsque l'instance fiscale aboutit devant le juge d'appel au rétablissement de l'impôt, les intérêts perçus à tort doivent, selon les mêmes principes, être reversés par le contribuable sur l'invitation qui lui en sera faite par le comptable ; qu'en l'absence d'un litige né et actuel à ce sujet, l'administration ne peut valablement demander au juge de l'impôt d'ordonner, corrélativement à la restitution des sommes correspondant aux dégrèvements reconnus injustifiés, le reversement desdits intérêts ; qu'il en résulte que de telles conclusions ne sont pas recevables ;
Sur les autres conclusions présentées par M. X... :
Considérant que M. X... n'est, en tout état de cause, pas fondé à solliciter alternativement la restitution d'une somme de 10.389,73 F en correction d'erreurs commises dans le calcul de la T.V.A. déductible, dès lors qu'il n'assortit le relevé versé au dossier d'aucun justificatif approprié ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET est fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Limoges en date du 19 avril 1990 et le reversement de la somme de 20.819 F restituée à M. X... en exécution dudit jugement ; que le surplus de ses conclusions ainsi que celles de M. X... tendant à l'octroi d'une restitution supplémentaire doivent être rejetés ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Limoges en date du 19 avril 1990 est annulé.
Article 2 : La T.V.A. qui a été restituée à M. X... au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1987 est remise intégralement à sa charge.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre et la requête de M. X... sont rejetés.