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08/07/1992 | FRANCE | N°90BX00139

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 08 juillet 1992, 90BX00139


Vu la requête enregistrée le 9 mars 1990 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, présentée par M. Michel X..., demeurant 8, square Rollon, à Fecamp (76400) agissant au nom de son fils mineur Hugues X... qui demande que la cour :
1°) annule le jugement en date du 30 janvier 1990 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de Sarlat et le docteur Y... soient déclarés solidairement responsables des conséquences dommageables des fautes commises lors de l'hospitalisation du jeune Hugues X..., à la suite

de l'accident dont ce dernier a été victime le 6 août 1987 ;
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Vu la requête enregistrée le 9 mars 1990 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, présentée par M. Michel X..., demeurant 8, square Rollon, à Fecamp (76400) agissant au nom de son fils mineur Hugues X... qui demande que la cour :
1°) annule le jugement en date du 30 janvier 1990 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de Sarlat et le docteur Y... soient déclarés solidairement responsables des conséquences dommageables des fautes commises lors de l'hospitalisation du jeune Hugues X..., à la suite de l'accident dont ce dernier a été victime le 6 août 1987 ;
2°) déclare le centre hospitalier de Sarlat et le docteur Y... responsables du préjudice subi par son fils ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 1992 :
- le rapport de Mme PERROT, conseiller ; - les observations de Maître Herce, avocat de M. X... ; - les observations de Maître Le Bail, avocat du centre hospitalier de Sarlat et du docteur Y... ; - et les conclusions de M. LABORDE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, devant le tribunal administratif de Bordeaux, M. Michel X..., invoquant le préjudice subi par son fils Hugues, à la suite du diagnostic et des soins réalisés par le docteur Y... au centre hospitalier de Sarlat, a demandé la condamnation conjointe et solidaire du centre hospitalier et du docteur Y... à lui verser 114.000 F ; que, par un jugement du 30 janvier 1990, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions dirigées contre M. Y..., et comme non fondées les conclusions dirigées contre le centre hospitalier ; que M. Michel X... et son fils Hugues devenu majeur font appel de ce jugement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, les conclusions dirigées contre le docteur Y... :
Considérant, que si les fautes commises par les fonctionnaires ou agents publics, dans l'exercice de leurs fonctions, peuvent constituer des fautes de service de nature à engager la responsabilité de l'administration et si, dans cette mesure, la juridiction administrative est compétente pour apprécier la gravité de telles fautes et condamner la puissance publique, il n'appartient pas en revanche à la juridiction administrative de se prononcer sur les conclusions qui mettent en cause la responsabilité personnelle de ces agents publics ou fonctionnaires ; que dans la mesure où il demandait au tribunal administratif de condamner le docteur Y... conjointement et solidairement avec le centre hospitalier de Sarlat, M. X... présentait des conclusions qui doivent être regardées comme dirigées à titre personnel contre le docteur Y... ; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux, qui a, d'autre part, recherché, en examinant les conditions dans lesquelles les soins avaient été apportés à Hugues X..., si les fautes commises par le docteur Y... étaient de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier, a décliné sa compétence pour statuer sur de telles conclusions ; Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté au fond les conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier de Sarlat :
En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant que, blessé au coude gauche lors d'une chute, Hugues X... a été admis au centre hospitalier de Sarlat le 6 août 1987 ; que le médecin en service a, après avoir demandé des radiographies articulaires, diagnostiqué une luxation du coude gauche avec fracture de l'apophyse coronoïde ; qu'il a réduit la luxation et plâtré le coude le 7 août au matin, puis autorisé le 8 août le malade à rejoindre la colonie où il séjournait ; que l'enfant se plaignant de douleurs persistantes a été conduit à trois reprises au centre hospitalier et que lors de la troisième visite, le 21 août 1987, le médecin, constatant un début de paralysie du bras gauche, a recommandé aux parents de l'enfant venus le rejoindre de le faire examiner par un chirurgien spécialiste ; que, le 22 août, le chirurgien du centre hospitalier régional de Rouen a diagnostiqué une fracture, non de l'apophyse coronoïde, mais de l'épitrochlée, avec incarcération d'un fragment osseux qui comprimait le nerf cubital ; que les requérants soutiennent que l'erreur initiale de diagnostic et le retard à établir le diagnostic et l'intervention appropriés sont à l'origine des séquelles qu'Hugues X... conserve au bras gauche ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en référé que la nature réelle de la blessure du jeune garçon était facilement décelable à l'examen des radiographies prescrites lors de son entrée à l'hôpital ; que la persistance de la douleur après l'intervention du docteur Y..., et l'installation progressive d'une paralysie cubitale auraient dû inciter les médecins du centre hospitalier de Sarlat à orienter immédiatement l'enfant vers un service spécialisé ; qu'il n'est pas contestable que les séquelles conservées par Hugues X... proviennent directement du retard à apporter le diagnostic exact et les soins appropriés ; que, par suite, en réalisant un diagnostic erroné et en ne prenant pas toutes les dispositions pour assurer un meilleur suivi médical du patient, les médecins concernés ont commis une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Sarlat ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a rejeté les conclusions de MM. Michel et Hugues X... dirigées contre le centre hospitalier de Sarlat et a mis les frais d'expertises à la charge des requérants ;
En ce qui concerne le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Hugues X... a éprouvé, à la suite de la faute médicale ci-dessus relevée à la charge du centre hospitalier de Sarlat, des souffrances physiques et des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence excédant ceux qui auraient normalement résulté de la blessure subie par lui ; qu'il conserve aux dires de l'expert une incapacité permanente partielle de 8 % ; qu'il sera fait une équitable appréciation du préjudice ainsi subi par le requérant en lui allouant une indemnité de 50.000 F ;
Sur les autres conclusions de la requête :

Considérant, en premier lieu, que si M. Michel X..., père de la victime, demande la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 5.000 F, il ne fait état d'aucun élément de nature à justifier une telle demande ; que celle-ci ne peut dès lors qu'être rejetée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de condamner le centre hospitalier de Sarlat à verser à M. Hugues X... la somme de 6.000 F en application des dispositions précitées ;
Considérant enfin qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article R 217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de mettre les frais d'expertise à la charge du centre hospitalier ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 30 janvier 1990 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de MM. X... dirigées contre le centre hospitalier de Sarlat.
Article 2 : Le centre hospitalier de Sarlat est condamné à verser à M. Hugues X... la somme de 50.000 F.
Article 3 : Le centre hospitalier de Sarlat est condamné à verser à M. Hugues X... la somme de 6.000 F en application des dispositions de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Les conclusions de M. Michel X... et le surplus des conclusions de M. Hugues X... sont rejetées.
Article 5 : Les frais de l'expertise ordonnée en référé le 28 octobre 1988 sont mis à la charge du centre hospitalier de Sarlat.


Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-01,RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE LOURDE - ERREUR DE DIAGNOSTIC -Erreur dans le diagnostic d'une fracture du coude (1).

60-02-01-01-02-01-01 Le médecin qui, chez un enfant blessé au coude, diagnostique une fracture de l'apophyse coronoïde, alors que selon l'expert désigné par le tribunal la fracture de l'épitrochlée avec incarcération d'un fragment osseux était facilement décelable à l'examen des radiographies prescrites, qui ne prête attention ni au caractère instable de la réduction de la luxation à laquelle il a procédé, ni à la persistance de la douleur et à l'installation progressive d'une paralysie cubitale, commet une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier (1).


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1, R217

1.

Cf. CE, 1992-04-10, Epoux V., 79027


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Barros
Rapporteur ?: Mme Perrot
Rapporteur public ?: M. Laborde

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Date de la décision : 08/07/1992
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 90BX00139
Numéro NOR : CETATEXT000007475585 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1992-07-08;90bx00139 ?
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