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30/12/1992 | FRANCE | N°91BX00833

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 30 décembre 1992, 91BX00833


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 8 novembre 1991, présentée par le MINISTRE DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE EXTERIEUR et tendant à ce que la cour :
1°) ordonne le sursis à l'exécution du jugement rendu le 13 août 1991 par le tribunal administratif de Montpellier en tant que celui-ci a condamné l'Etat à verser à la société à responsabilité limitée Fons-Sicart une indemnité de 2.000.000 F augmentée d'une somme de 3.500 F au titre des frais irrépétibles, et à Mme X... une indemnité de 50.000 F, en réparation des préjudices subis par suite du rejet ill

gal d'une demande d'autorisation d'exploiter une carrière sur le territoire...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 8 novembre 1991, présentée par le MINISTRE DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE EXTERIEUR et tendant à ce que la cour :
1°) ordonne le sursis à l'exécution du jugement rendu le 13 août 1991 par le tribunal administratif de Montpellier en tant que celui-ci a condamné l'Etat à verser à la société à responsabilité limitée Fons-Sicart une indemnité de 2.000.000 F augmentée d'une somme de 3.500 F au titre des frais irrépétibles, et à Mme X... une indemnité de 50.000 F, en réparation des préjudices subis par suite du rejet illégal d'une demande d'autorisation d'exploiter une carrière sur le territoire de la commune de Salses (Pyrénées-orientales) ;
2°) annule partiellement ce jugement ;
3°) rejette les demandes à fin d'indemnité de la société à responsabilité limitée Fons-Sicart et de Mme X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 1992 :
- le rapport de Melle ROCA, conseiller ;
- et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le MINISTRE DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE EXTERIEUR demande l'annulation du jugement du 13 août 1991 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser à la société à responsabilité limitée Fons-Sicart une indemnité de 2.000.000 F avec intérêts ainsi que la somme de 3.500 F au titre des frais exposés non compris dans les dépens, et à Mme X..., gérante de cette société, la somme de 50.000 F, à titre de réparation des préjudices que celles-ci ont subis du fait de l'impossibilité d'exploiter une carrière sur le territoire de la commune de Salses ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêté pris le 5 juin 1981, déclaré illégal par le Conseil d'Etat et annulé le 8 mars 1985, le préfet des Pyrénées-orientales a rejeté la demande d'autorisation déposée par la société à responsabilité limitée Fons-Sicart en vue d'exploiter une carrière sur le territoire de la commune de Salses ; que la société ayant confirmé sa demande initiale le 2 mai 1985, un nouveau refus lui a été opposé par le préfet le 26 août 1985 au motif que les parcelles concernées par le projet se trouvaient dans la zone classée ND par le plan d'occupation des sols de la commune de Salses approuvé le 20 septembre 1983, zone naturelle dans laquelle l'ouverture et l'exploitation des carrières sont interdites ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, l'impossibilité d'exploiter la carrière envisagée pendant la période comprise entre le 5 juin 1981 et la date à laquelle le plan d'occupation des sols de la commune de Salses est devenu opposable aux tiers, a pour cause unique la décision illégale prise par le préfet ; qu'ainsi les préjudices invoqués résultant de l'impossibilité d'exploiter cette carrière sont la conséquence directe de la faute commise par l'administration ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré que la responsabilité de l'Etat était engagée ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne Mme X... :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en fixant à 50.000 F l'indemnité accordée à Mme X..., gérante de la société à responsabilité limitée Fons-Sicart, le tribunal administratif n'a pas fait une évaluation inexacte du préjudice qu'elle a subi résultant des difficultés auxquelles elle a dû faire face à la suite du refus illégal du préfet ; que ce montant englobe le préjudice moral dont l'intéressée a été victime ;
Considérant que si Mme X... prétend par ailleurs, par la voie du recours incident, qu'elle a subi une perte de salaire en sa qualité de gérante de l'ordre de 600.000 F, ce chef de préjudice qui n'est assorti d'aucune justification ne peut être retenu ;
En ce qui concerne la société à responsabilité limitée Fons-Sicart :

Considérant que la société à responsabilité limitée Fons-Sicart a droit à l'indemnisation, d'une part, du préjudice résultant de l'immobilisation des sommes correspondant au coût des études préalables qui ont été réalisées en vue de l'ouverture de la carrière, d'autre part, du manque à gagner résultant de l'impossibilité d'exploiter la carrière pendant la période comprise entre le 5 juin 1981, date de l'arrêté de refus d'autorisation illégal et la date à laquelle les dispositions du plan d'occupation des sols de la commune de Salses ont été rendues publiques ; que l'état du dossier ne permet pas de connaître la durée exacte de cette période et d'évaluer ces deux chefs de préjudice ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner une expertise aux fins d'indiquer la date de publication du plan d'occupation des sols de la commune de Salses approuvé le 20 septembre 1983, de déterminer le montant exact et l'utilité des différentes études préalables entreprises par la société, de préciser les caractéristiques essentielles du gisement dont l'extraction était envisagée ainsi que les conditions d'exploitation prévues, et d'évaluer le montant des bénéfices que l'on pouvait raisonnablement attendre de l'exploitation de la carrière pendant la période retenue au regard des prix et tarifs en vigueur à la fin de cette période ;
Sur le recours incident de la société à responsabilité limitée Fons-Sicart :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que dans le dernier état de ses conclusions présentées le 4 mai 1987 devant le tribunal administratif de Montpellier, la société à responsabilité limitée Fons-Sicart représentée par son mandataire liquidateur demandait que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 3.625.000 F ; que les conclusions de cette même société présentées devant la cour administrative d'appel par la voie du recours incident tendent à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 7.870.000 F ; que ces dernières conclusions sont irrecevables comme constituant une demande nouvelle en appel ;
Sur les conclusions de la société civile immobilière "La Come Francèze" :
Considérant que la société civile immobilière "La Come Francèze" demande à la cour d'annuler l'article 6 du jugement attaqué du 13 août 1991 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 2.632.500 F à titre de réparation du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait de l'impossibilité d'exploiter la carrière ; que ces conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel, ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions à fin de sursis à l'exécution du jugement attaqué :
Considérant que le MINISTRE DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE EXTERIEUR demande qu'en application de l'article R. 125 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué en tant qu'il porte condamnation à son encontre ; qu'il fait valoir à cet effet que l'exécution du jugement déféré risque d'exposer l'Etat à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies ;

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu, de faire droit partiellement aux conclusions du ministre en ordonnant qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à la société à responsabilité limitée Fons-Sicart une somme supérieure à 200.000 F ;
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur le recours du MINISTRE DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE EXTERIEUR contre le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 13 août 1991, il sera sursis à l'exécution de ce jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à la société à responsabilité limitée Fons-Sicart une indemnité supérieure à 200.000 F.
Article 2 : Le recours incident de la société à responsabilité limitée Fons-Sicart et de Mme X..., et les conclusions de la société civile immobilière "La Come Francèze" sont rejetés.
Article 3 : Il sera, avant de statuer sur le montant de l'indemnité à allouer à la société à responsabilité limitée Fons-Sicart, procédé par un expert désigné par le président de la cour, à une expertise. L'expert aura pour mission :
- d'indiquer la date exacte de publication du plan d'occupation des sols de la commune de Salses approuvé le 20 septembre 1983 ;
- de rechercher et de produire tous documents de nature à établir le montant exact et l'utilité des différentes études préalables qui ont été réalisées à la demande de la société à responsabilité limitée Fons-Sicart pour l'ouverture de la carrière ;
- de préciser les caractéristiques essentielles du gisement à exploiter ainsi que les conditions d'exploitation prévues, dont le tonnage annuel d'extraction ;
- d'évaluer le montant des bénéfices qu'aurait pu procurer l'exploitation de la carrière pour la période comprise entre le 5 juin 1981 et la date de publication du plan d'occupation des sols de la commune de Salses approuvé le 20 septembre 1983, au regard des prix et des tarifs en vigueur à la fin de cette période.
Article 4 : L'expert prêtera serment par écrit ; le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour dans le délai de trois mois suivant la prestation de serment.
Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.


Sens de l'arrêt : Sursis à exécution expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Sursis à exécution

Analyses

- RJ1 MINES ET CARRIERES - CARRIERES - QUESTIONS GENERALES - Réparation d'un préjudice - Rejet illégal d'une autorisation - Rejet renouvelé après annulation mais sur le fondement de la réglementation d'occupation des sols désormais applicable - Droit à indemnisation du demandeur de l'autorisation (1).

40-02-01, 60-04-01-03-02 La perte de bénéfices liée à l'impossibilité d'exploiter une carrière pendant la période comprise entre la date d'un premier arrêté préfectoral de refus d'autorisation déclaré illégal et la date d'un deuxième arrêté préfectoral refusant l'autorisation pour des motifs tirés des dispositions du plan d'occupation des sols de la commune désormais applicable, est la conséquence directe de la faute commise par l'administration en prenant une décision illégale.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - EXISTENCE - Lien entre le préjudice invoquée et une faute de service - Préjudice résultant d'une décision illégale - Préjudice causé au demandeur d'une autorisation d'ouverture d'une carrière - illégalement refusée - puis après annulation - refusée à nouveau - légalement - sur le fondement de la réglementation d'occupation des sols désormais applicable (1).


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R125

1. Comp. CE, 1990-03-07, Ministre de l'urbanisme, du logement et des transports c/ Bore de Loisy, n° 69881, T. p. 983


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Beyssac
Rapporteur ?: Mlle Roca
Rapporteur public ?: M. de Malafosse

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Date de la décision : 30/12/1992
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 91BX00833
Numéro NOR : CETATEXT000007479813 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1992-12-30;91bx00833 ?
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