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25/02/1993 | FRANCE | N°91BX00650

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 25 février 1993, 91BX00650


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 12 décembre 1991, présentée pour la SOCIETE DES CAFES DU MIDI, dont le siège social est ... (Haute Garonne) ;
La SOCIETE DES CAFES DU MIDI demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 8 octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 620.672 F majorée des intérêts de retard, capitalisés annuellement en réparation des préjudices résultant de l'application de l'arrêté en date du 10 novembre 1983 du préfet de la H

aute Garonne, et la somme de 50.000 F au titre des frais de procédure enga...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 12 décembre 1991, présentée pour la SOCIETE DES CAFES DU MIDI, dont le siège social est ... (Haute Garonne) ;
La SOCIETE DES CAFES DU MIDI demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 8 octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 620.672 F majorée des intérêts de retard, capitalisés annuellement en réparation des préjudices résultant de l'application de l'arrêté en date du 10 novembre 1983 du préfet de la Haute Garonne, et la somme de 50.000 F au titre des frais de procédure engagés et du préjudice moral résultant de la comparution de son dirigeant devant le tribunal correctionnel ;
2°) de condamner l'Etat à réparer son entier préjudice ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 1993 :
- le rapport de M. DESRAME, conseiller ;
- les observations de Me X... pour la SOCIETE DES CAFES DU MIDI ;
- et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société anonyme des CAFES DU MIDI demande, d'une part, la condamnation de l'Etat à réparer le manque à gagner qu'elle a subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du préfet de la Haute Garonne en date du 10 novembre 1983 taxant un certain nombre de prix pratiqués dans l'établissement "Mon Caf" qu'elle exploite place du Capitole à Toulouse ; qu'elle demande, d'autre part, une indemnité de 50.000 F au titre des frais de procédure et du préjudice moral qu'elle estime avoir subi suite à la comparution de son dirigeant devant le tribunal correctionnel de Toulouse ;
Sur les conclusions en indemnité fondées sur l'illégalité de l'arrêté du 10 novembre 1983 :
Considérant que par un arrêt du 4 décembre 1987, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du préfet de la Haute Garonne du 10 novembre 1983 pour incompétence de l'auteur de la décision, au motif que les délégations de compétence dans lesquelles il trouvait son fondement n'étaient pas définies avec suffisamment de précision dans les arrêtés du ministre de l'économie et des finances du 22 octobre 1982 et du 3 octobre 1983 ; que par suite l'arrêté préfectoral du 10 novembre 1983 est entaché d'une illégalité substantielle constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que la société requérante est donc fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'indemnisation au motif que l'illégalité de l'arrêté litigieux ne procédait que d'un vice de forme ;

Considérant que la somme de 620.672 F réclamée correspond selon les dires de la société au montant des diminutions de prix de vente illégalement imposés, abstraction faite de la taxe sur la valeur ajoutée durant la période allant du 22 novembre 1983 au 30 novembre 1986, date de la libération des prix ; que si la société fait état d'expertises, au demeurant non contradictoires, réalisées par un expert comptable, elle ne les produit pas au dossier ; qu'en première instance, l'administration a formellement contesté le montant et l'existence même du préjudice ; qu'ainsi la cour ne trouve pas au dossier les éléments lui permettant d'évaluer le montant du préjudice matériel subi par la société requérante ; qu'il y a lieu avant de statuer sur la demande d'indemnité à ce titre d'ordonner une expertise en vue de rechercher à partir des factures d'achat le pourcentage de ventes affecté par la taxation ; de décrire l'évolution du chiffre d'affaires avant, pendant et après la période de taxation et ainsi donner un avis sur les effets de la taxation et sur son application effective dans l'établissement à partir des relevés de prix s'ils existent pour la période concernée ; de fournir à la cour tous éléments permettant de déterminer avec précision la perte de bénéfice net qui en serait résultée pour la période du 22 novembre 1983 au 30 novembre 1986, compte tenu de la réglementation des prix qui aurait été de toutes façons applicable à la société et qui résulte de l'arrêté ministériel du 30 octobre 1983, de l'arrêté 84.45/A du 23 mai 1984, de l'arrêté 85.17/A du 8 février 1985 entérinant l'accord de régulation du n° 85.15 et de l'arrêté n° 86.10/A du 28 février 1986 entérinant l'accord de régulation n° 86.11, l'ensemble de ces dispositions s'appliquant à tous les débits de boissons, y compris ceux qui, comme l'établissement "Mon Caf", sont classés dans la catégorie luxe ;
Sur les conclusions en indemnité au titre du préjudice moral :
Considérant que suite au procès-verbal d'infraction à l'arrêté ministériel du 5 mai 1983, dressé le 4 août 1983 par les agents du service de la police économique, des poursuites pénales ont été engagées à l'encontre de M. Daurau-Bedin, président directeur général de la société LES CAFES DU MIDI, qu'elles ont donné lieu à un jugement de relaxe rendu le 23 octobre 1985 par le tribunal correctionnel de Toulouse ;
Considérant que ces agissements de l'administration ne sont pas détachables de la procédure suivie devant la juridiction pénale, que dans ces conditions l'autorité judiciaire est seule compétente pour statuer sur les conséquences dommageables qu'ont pu entraîner les fautes éventuellement commises par l'administration dans sa mission de contrôle des prix ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulouse a, sur ce point, rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que la SOCIETE DES CAFES DU MIDI demande à être indemnisée des frais de procédure qu'elle a engagés, que ses conclusions doivent être interprétées comme tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE DES CAFES DU MIDI la somme de 20.000 F ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 8 octobre 1991 est annulé.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur le préjudice matériel de la SOCIETE DES CAFES DU MIDI, procédé par un expert désigné par le président de la cour à une expertise en vue de déterminer :
- par rapport à l'ensemble du chiffre d'affaires de la société le pourcentage des ventes affecté par la taxation irrégulière résultant de l'arrêté préfectoral du 10 novembre 1983 ;
- l'évolution du chiffre d'affaires pendant la période concernée ;
- la perte de bénéfice net qui a pu résulter de la taxation compte tenu des prix pratiqués antérieurement et de l'évolution possible de ceux-ci dans le cadre de la réglementation générale pendant la période concernée ;
Article 3 : L'expert prêtera serment par écrit ; le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour dans le délai de quatre mois suivant la prestation de serment .
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statués en fin d'instance.
Article 5 : L'Etat versera à la SOCIETE DES CAFES DU MIDI la somme de vingt mille francs (20.000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE DES CAFES DU MIDI est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 91BX00650
Date de la décision : 25/02/1993
Sens de l'arrêt : Annulation expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REGLEMENTATION DES PRIX - GENERALITES - Responsabilité de l'Etat engagée du fait d'un arrêté pris incompétemment par le préfet pour taxer les prix dans un débit de boissons.

14-04-01, 60-01-04-01 Un arrêté préfectoral taxant les prix pratiqués dans un débit de boissons ayant été annulé pour incompétence de l'auteur de la décision (1), la société exploitant l'établissement demande réparation de son préjudice. L'illégalité substantielle ayant entraîné l'annulation de l'arrêté est de nature à engager la responsabilité de la puissance publique.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - Police - Incompétence du préfet pour taxer les prix pratiqués dans un débit de boissons (1).


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1

1.

Cf. CE, 1987-04-27, Ministre du budget c/ Société "Mercure Paris-Etoile", p. 147


Composition du Tribunal
Président : M. Beyssac
Rapporteur ?: M. Desrame
Rapporteur public ?: M. de Malafosse

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1993-02-25;91bx00650 ?
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