Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux respectivement les 30 juillet et 7 octobre 1991, présentés pour l'AGENCE NATIONALE pour l'INDEMNISATION des FRANCAIS d'OUTRE-MER (A.N.I.F.O.M.) ;
L' A.N.I.F.O.M. demande à la cour :
1°) d'annuler la décision en date du 28 mai 1991 par laquelle la commission du contentieux de l'indemnisation de Montpellier a annulé sa décision du 27 décembre 1989 qui avait rejeté la demande de levée de forclusion présentée par les consorts Z... en application de l'article 4 de la loi du 16 juillet 1987, pour des biens situés à Saïgon (Viet-Nam) ;
2°) de rejeter la demande de levée de forclusion présentée par les consorts Z... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 46-2389 du 28 octobre 1946 ;
Vu la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 ;
Vu la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 ;
Vu le décret n° 71-188 du 9 mars 1971 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 1993 :
- le rapport de Mme PERROT, conseiller ;
- et les conclusions de M. LABORDE, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le directeur général de l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER (A.N.I.F.O.M.) fait appel de la décision en date du 28 mai 1991 par laquelle la commission du contentieux de l'indemnisation de Montpellier a déclaré recevable la demande d'indemnisation des consorts Z... relative aux biens de la société des établissements
Y...
situés à Saïgon (Viet-Nam) ;
Sur la régularité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret susvisé du 9 mai 1971 relatif à l'organisation et au fonctionnement des commissions du contentieux de l'indemnisation : "- Le secrétaire de la commission, après avoir enregistré la requête, en communique une copie à l'agence nationale pour l'indemnisation des français d'outre-mer ... L'agence dispose également pour déposer ses observations en réponse à celles du demandeur ou des intervenants d'un délai de deux mois à compter de leur notification ... Les observations mentionnées au présent article sont établies en autant d'exemplaires que de parties en cause. Elles sont notifiées par le secrétariat à toutes les parties en cause par lettre recommandée avec demande d'avis de réception" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la décision en date du 27 décembre 1989 par laquelle le directeur de l'A.N.I.F.O.M. a rejeté leur demande de levée de forclusion, les consorts Z... ont saisi la commission du contentieux de l'indemnisation d'une nouvelle requête en date du 4 janvier 1990 puis de mémoires en date des 7 mars et 6 avril 1991 ; qu'aucun de ces documents n'a été communiqué à l'A.N.I.F.O.M. ; qu'ainsi la procédure suivie, qui n'a pas respecté les prescriptions de l'article 9 précité du décret du 9 mars 1971, n'était pas régulière ; que la décision de la commission du contentieux de l'indemnisation de Montpellier en date du 28 mai 1991 doit en conséquence être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les consorts Z... devant la commission du contentieux de l'indemnisation ;
Sur le bien-fondé de la demande des consorts Z... :
Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 16 juillet 1987 : "Les personnes qui répondent aux conditions du titre 1er de la loi du 15 juillet 1970 et qui n'ont pas dans les délais prévus à son article 32 demandé à bénéficier des dispositions de ladite loi peuvent déposer une demande d'indemnisation pendant une durée d'un an à compter de la date de publication de la présente loi sous réserve que la dépossession ait été déclarée auprès d'une autorité administrative française avant le 15 juillet 1970 ou que les biens dont l'indemnisation est demandée aient été évalués par l'A.N.I.F.O.M. pour des indivisaires ou des associés" ;
Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 15 juillet 1970 : "bénéficient du droit à indemnisation au titre de la présente loi, les personnes physiques remplissant les conditions suivantes : 1° - avoir été dépossédées avant le 1er juin 1970, par suite d'évènements politiques d'un bien mentionné au titre II de la présente loi et situé dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France." ; et qu'aux termes de l'article 12 de la même loi : "La dépossession mentionnée à l'article 2 doit résulter soit d'une nationalisation, d'une confiscation ou d'une mesure similaire intervenue en application d'un texte legislatif ou réglementaire ou d'une décision administrative, soit de mesures ou de circonstances ayant entraîné en droit ou en fait la perte de la disposition et de la jouissance du bien." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Y... mère a présenté le 11 juin 1969 aux services du ministère des affaires étrangères une demande d'aide pour assurer la défense des intérêts de la société des établissements
Y...
; que cette demande, et les courriers des 15 juin et 19 septembre 1969 par lesquels il y a été répondu, faisaient apparaître que les biens de cette société avaient fait l'objet entre 1955 et 1969 de ventes et locations diverses par des personnes non mandatées et de dégradations non réparées ; que, dans ces circonstances, Mme Y... doit être regardée comme ayant perdu la disposition et la jouissance des biens en cause et comme ayant déclaré cette perte avant le 15 juillet 1970 ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler la décision en date du 27 décembre 1989 par laquelle le directeur de l'A.N.I.F.O.M. a refusé de relever les consorts Z... de la forclusion qu'ils encouraient, et d'inviter l'A.N.I.F.O.M. à instruire leur demande d'indemnisation ;
Article 1er : La décision de la commission du contentieux de l'indemnisation de Montpellier en date du 28 mai 1991, ensemble la décision en date du 27 décembre 1989 par laquelle le directeur général de l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER a rejeté la demande de lever de forclusion présentée par les consorts Z... et relative aux biens de la société des établissements
Y...
, sont annulées.
Article 2 : Mme Pauline X... est renvoyée devant l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER afin qu'il soit procédé au calcul de l'indemnité à laquelle elle peut prétendre.