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06/04/1993 | FRANCE | N°91BX00601

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 06 avril 1993, 91BX00601


Vu la requête, enregistrée le 9 août 1991 au greffe de la cour, présentée pour M. André X..., Mme Thérèse Y... épouse X... et Melle Régine X..., demeurant tous lieu-dit "Septfonds" à Sainte-Livrade-sur-Lot (Lot-et-Garonne) ;
Ils demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 mai 1991 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à leur verser seulement la somme de 257.893 F au principal, en réparation du préjudice subi par leur propriété à la suite de l'effondrement de la berge du Lot, le 4 juillet 1988 ;
2°) de condamner l'E

tat à leur verser la somme de 873.679 F, avec intérêts au taux légal à compte...

Vu la requête, enregistrée le 9 août 1991 au greffe de la cour, présentée pour M. André X..., Mme Thérèse Y... épouse X... et Melle Régine X..., demeurant tous lieu-dit "Septfonds" à Sainte-Livrade-sur-Lot (Lot-et-Garonne) ;
Ils demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 mai 1991 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à leur verser seulement la somme de 257.893 F au principal, en réparation du préjudice subi par leur propriété à la suite de l'effondrement de la berge du Lot, le 4 juillet 1988 ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 873.679 F, avec intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 1989 ;
3°) de mettre les frais d'expertise à la charge de l'Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 1993 :
- le rapport de M. BRENIER, conseiller ; - les observations de Me Barrière, avocat des consorts X... et de Me Kappelhoff-Lançon, avocat de l'Electricité de France ; - et les conclusions de M. LABORDE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête des consorts X... tend à la réformation du jugement en date du 28 mai 1991 du tribunal administratif de Bordeaux déclarant l'Etat responsable pour un tiers des dommages occasionnés aux berges, en partie effondrées le 4 juillet 1988, de la propriété des requérants située en bordure du Lot, sur le territoire de la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires l'y contraignant, l'Etat n'a pas l'obligation d'assurer la protection des propriétés riveraines des cours d'eau navigables ou non navigables contre l'action naturelle des eaux ; qu'il ressort au contraire des articles 33 et 34 de la loi du 16 septembre 1807 que cette protection incombe aux propriétaires intéressés ; que, toutefois, la responsabilité de l'Etat peut être engagée lorsque les dommages subis ont été provoqués ou aggravés soit par l'existence ou le mauvais entretien d'ouvrages publics, soit par une faute commise par l'autorité administrative ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée en référé, que les extractions autorisées jusqu'au mois de décembre 1979, sur la totalité de la section du Lot comprise entre les communes de Villeneuve-sur-Lot et de Temple-sur-Lot, ont fragilisé les berges de cette section ; que si aucune extraction n'a, depuis cette date, été autorisée au droit de la propriété des requérants, des autorisations d'extraction ont été délivrées, notamment en 1985, en aval de celle-ci ; qu'en accordant de telles autorisations alors que les services compétents avaient connaissance des atteintes portées aux berges du fleuve, l'Etat a commis une faute engageant sa responsabilité ;
Considérant que si, en vertu des dispositions combinées du code du domaine public fluvial, du code du domaine de l'Etat et du code minier, l'administration a une obligation générale de contrôle et de surveillance des activités d'extraction dans le lit des cours d'eau domaniaux, la circonstance que le procès-verbal de contravention de grande voirie, dressé le 15 juillet 1985 et concernant une extraction illégalement effectuée à proximité de la propriété des requérants, n'ait pas été transmis au tribunal administratif, ne suffit pas à établir que l'administration ait commis, dans la surveillance qu'elle devait exercer sur les sociétés titulaires d'autorisations d'extraction, une faute lourde seule de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte également de l'instruction que le batillement que provoqueraient les conditions de la navigation sur le Lot n'a pas constitué une cause de l'effondrement de la berge ; qu'ainsi les consorts X... ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat pour la faute qu'aurait commise celui-ci en réglementant cette navigation ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dommages produits par l'effondrement de la berge sont imputables pour une part aux requérants qui, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, avaient la charge d'assurer la protection de leur propriété et qui n'ont, alors que la fragilité des berges leur était connue, mis en place des ouvrages, sous la forme d'enrochements, que sur une partie, qui n'a pas subi de désordres, de leur berge ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts X... sont fondés à soutenir que le tribunal administratif s'est livré à une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à un tiers seulement la part des dommages imputables à l'Etat ; que ce dernier n'étant pas fondé dans sa demande de mise hors de cause, il y a lieu de partager par moitié la responsabilité encourue par les parties ;
Sur la réparation :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le processus d'érosion des berges n'a pu être enrayé, contrairement à ce que soutient l'administration, au moment de l'arrêt des extractions intervenu en 1989, mais ne peut cesser avant que le lit de la rivière ait retrouvé ses caractéristiques naturelles ; qu'ainsi l'administration n'est pas fondée à soutenir que le montant de la réparation devrait être limité à la valeur vénale de la berge effondrée ; que le tribunal a fait une exacte appréciation des préjudices subis par les consorts X... en fixant à 773.679 F leur préjudice matériel et à 60.000 F le préjudice résultant pour eux des troubles dans les conditions d'existence consécutifs à l'effondrement ; que, compte tenu du partage de responsabilité susindiqué, il y a lieu de porter à 416.840 F la somme que l'Etat est condamné à payer aux requérants ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en mettant les frais de l'expertise ordonnée en référé à parts égales à la charge de l'Etat et à celle des consorts X... ;
Article 1er : La somme de deux cent cinquante sept mille huit cent quatre vingt treize francs (257.893 F), assortie des intérêts à compter du 2 octobre 1989, que l'Etat a été condamné à verser aux consorts X... par le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 mai 1991 est portée à quatre cent seize mille huit cent quarante francs (416.840 F).
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 mai 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts X... est rejeté.


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