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01/06/1993 | FRANCE | N°91BX00568;91BX00589

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 01 juin 1993, 91BX00568 et 91BX00589


Vu 1°) la requête enregistrée le 31 juillet 1991 sous le n° 91BX00568 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, présentée pour la commune de Toulouse, représentée par son maire ; la commune de Toulouse demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 31 mai 1991 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à payer à la Société Bordelaise de Crédit Industriel et Commercial la somme de 182.370,72 F correspondant à une fraction du règlement du marché de travaux publics dont était titulaire la société S.O.T.E.P. et sous-traitante l

a S.A.R.L. "Société Toulousaine des Industries du Bâtiments" (S.T.I.B.) ...

Vu 1°) la requête enregistrée le 31 juillet 1991 sous le n° 91BX00568 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, présentée pour la commune de Toulouse, représentée par son maire ; la commune de Toulouse demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 31 mai 1991 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à payer à la Société Bordelaise de Crédit Industriel et Commercial la somme de 182.370,72 F correspondant à une fraction du règlement du marché de travaux publics dont était titulaire la société S.O.T.E.P. et sous-traitante la S.A.R.L. "Société Toulousaine des Industries du Bâtiments" (S.T.I.B.) qui avait cédé ses créances professionnelles à la Société Bordelaise de Crédit Industriel et Commercial (S.B.C.I.C.) ;
2°) de condamner la Société Bordelaise de Crédit Industriel et Commercial à lui payer 10.000 F au titre des frais irrépétibles ;

Vu 2°) la requête, enregistrée le 6 août 1991 sous le n° 91BX00589, présentée pour la Société Bordelaise de Crédit Industriel et Commercial dont le siège est ... ; la S.B.C.I.C. demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 31 mai 1991 par lequel le tribunal administratif de Toulouse n'a condamné la ville de Toulouse à lui verser que la somme de 182.370,72 F ;
2°) de condamner cette commune à lui verser la somme de 358.962,50 F assortie des intérêts de droit ainsi que 35.000 F à titre de dommages et intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°81-1 du 2 janvier 1981 ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 1993 :
- le rapport de Mme Perrot, conseiller ;
- les observations de Me X... Terre pour la commune de Toulouse ;
- et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête n°91BX00568 présentée pour la commune de Toulouse et la requête n°91BX00589 présentée pour la Société Bordelaise de Crédit Industriel et Commercial (S.B.C.I.C.) se rapportent au même litige relatif au paiement par la commune de Toulouse à la S.B.C.I.C. d'une créance cédée à cette dernière par la Société Toulousaine des Industries du Bâtiment (S.T.I.B.), sous-traitante de la S.A.R.L. "SOTEP" par l'exécution d'un marché de réfection de certains bâtiments communaux passé par celle-ci en février 1987 ; qu'il y a lieu, en conséquence, de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête de la commune de Toulouse :
Au fond :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises : "Tout crédit qu'un établissement de crédit consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ... Peuvent être cédées ou données en nantissement les créances liquides et exigibles, même à terme ..." ; que, d'autre part, en vertu de l'article 6 de ladite loi, le débiteur qui s'est expressément engagé au paiement direct ne peut opposer à l'établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la Société Toulousaine des Industries du Bâtiment a cédé, le 22 juin 1987, la créance d'un montant de 699.607,23 F qu'elle détenait sur la commune de Toulouse, à la Société Bordelaise de C.I.C. dans le cadre des dispositions législatives précitées, la commune de Toulouse, débiteur cédé, n'a pas émis d'acceptation formelle de cette créance dans les conditions prévues à l'article 6 de cette loi ; que, par suite, la S.B.C.I.C. ne peut prétendre à d'autres droits à l'égard de la commune de Toulouse que ceux que pouvait posséder la société cédante en qualité de sous-traitant admis au bénéfice du règlement direct par application des article 359 bis et suivants du code des marchés publics ;

Considérant qu'aux termes de l'article 359 ter dudit code : "Les mandatements à faire au sous-traitant sont effectués sur la base des pièces justificatives revêtues de l'acceptation du titulaire du marché.
Dès réception de ces pièces, la collectivité ou l'établissement contractant avise le sous-traitant de la date de réception de la demande de paiement envoyée par le titulaire et lui indique les sommes dont le paiement à son profit a été accepté par ce dernier.
Dans le cas où le titulaire d'un marché n'a ni opposé un refus motivé à la demande de paiement du sous-traitant dans le délai de quinze jours suivant sa réception, ni transmis celle-ci à la collectivité ou à l'établissement contractant, le sous-traitant envoie directement sa demande de paiement à la collectivité ou à l'établissement contractant.
La collectivité ou l'établissement contractant met aussitôt en demeure le titulaire, par lettre recommandée avec avis de réception postal, de lui faire la preuve dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre qu'il a opposé un refus motivé à son sous-traitant. Dès réception de l'avis, il informe le sous-traitant de la date de cette mise en demeure.
A l'expiration de ce délai et au cas où le titulaire ne serait pas en mesure d'apporter cette preuve, la collectivité ou l'établissement contractant dispose du délai prévu à l'article 353 pour mandater les sommes dues au sous-traitant, à due concurrence des sommes restant dues au titulaire" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que l'établissement de crédit, cessionnaire d'un sous-traitant, ne saurait prétendre au paiement direct des sommes correspondant à des factures qui n'ont pas été préalablement soumises au visa de l'entreprise titulaire du marché ; mais que, par ailleurs, la collectivité publique cosignataire du marché ne peut, dès lors que l'entreprise titulaire a apposé son visa sur les factures ainsi émises, s'opposer au paiement direct de sa dette au sous-traitant, avec lequel elle n'a aucune relation contractuelle, ou à son cessionnaire, en invoquant une éventuelle imputation sur cette dette du coût de réparation des malfaçons constatées dans l'exécution des travaux ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une seule des factures produites par la Société Bordelaise de C.I.C. et comportant le visa de la S.A.R.L. "SOTEP" titulaire du marché n'avait pas, lors de l'introduction de la requête de première instance, été réglée par la commune de Toulouse ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges n'ont condamné cette commune à verser à la S.B.C.I.C. que la somme de 182.370,72 F correspondant au montant non contesté de cette facture, à l'exclusion des autres sommes réclamées par elle et se rapportant à des factures dont il n'est même pas allégué qu'elles aient été soumises à la formalité du visa ;
Considérant que les conclusions de la Société Bordelaise de C.I.C. tendant au versement d'une somme de 35.000 F à titre de dommages et intérêts ne sont assorties d'aucune précision quant à la nature et à l'étendue du préjudice dont il est demandé réparation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Toulouse et la Société Bordelaise de C.I.C. ne sont pas fondées à demander, chacune pour leur part, l'annulation ou la réformation du jugement attaqué ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Toulouse tendant à ce que la Société Bordelaise de C.I.C. soit condamnée à lui verser la somme de 10.000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes de la commune de Toulouse et de la Société Bordelaise de Crédit Industriel et Commercial sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 91BX00568;91BX00589
Date de la décision : 01/06/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - Cession de créance (loi n° 81-1 du 2 janvier 1981) - Formes prescrites par l'article 6 de la loi - Cession non acceptée dans les formes que prévoit l'article 6 par le débiteur cédé - Conséquence - Cession ne conférant au cessionnaire que les droits que tirait le cédant de son admission au paiement direct.

39-05, 39-05-01-01-03(1) Lorsque le maître d'ouvrage, débiteur d'une créance cédée par un sous-traitant agréé et admis au bénéfice du paiement direct à un établissement de crédit en vertu de la loi du 2 janvier 1981, n'a pas émis d'acceptation formelle de cette cession conformément à l'article 6 de cette loi, l'établissement de crédit ne peut prétendre à d'autres droits à son égard que ceux que le cédant tirait de sa qualité de sous-traitant agréé admis au paiement direct. Dès lors que les factures correspondant aux travaux que ce sous-traitant a effectués ont été régulièrement soumises par le sous-traitant à la formalité du visa par l'entreprise titulaire du marché, prévue par les dispositions de l'article 359 ter du code des marchés publics, le maître de l'ouvrage doit s'acquitter de sa dette, sans pouvoir invoquer contre l'établissement de crédit cessionnaire, en "compensation", les désordres et malfaçons constatés dans l'exécution des travaux, lesquels relèvent de la responsabilité contractuelle de l'entreprise titulaire du marché.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REMUNERATION DU CO-CONTRACTANT - PRIX - REMUNERATION DES SOUS-TRAITANTS - Droit au paiement direct - Effets - (1) Cession de créance en vertu de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 par un sous-traitant agréé et admis au bénéfice du paiement direct - Cession non acceptée dans les formes que prévoit l'article 6 de cette loi par le débiteur cédé - Conséquence - Cession ne conférant au cessionnaire que les droits que tirait le cédant de son admission au paiement direct - (2) Sous-traitant agréé et admis au bénéfice du paiement direct - a) Droit au paiement direct de factures non soumises au visa de l'entreprise titulaire - Absence - b) Compensation du montant de factures visées par l'entreprise titulaire avec le coût de réparation de malfaçons dans l'exécution du marché - Absence.

39-05-01-01-03(2) Un sous-traitant agréé et admis au bénéfice du paiement direct ne saurait prétendre au paiement direct par le maître d'ouvrage de sommes correspondant à des factures qui n'ont pas été préalablement soumises au visa de l'entreprise titulaire du marché. Dès lors que l'entreprise titulaire a apposé son visa sur les factures émises par son sous-traitant, le maître d'ouvrage ne peut s'opposer au paiement direct de sa dette au sous-traitant, avec lequel il n'a aucune relation contractuelle, ou à son cessionnaire, en invoquant une éventuelle imputation sur cette dette du coût de réparation des malfaçons constatées dans l'exécution des travaux.


Références :

Code des marchés publics 359 bis, 359 ter
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 81-1 du 02 janvier 1981 art. 1, art. 6


Composition du Tribunal
Président : M. Thurière
Rapporteur ?: Mme Perrot
Rapporteur public ?: M. de Malafosse

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1993-06-01;91bx00568 ?
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