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15/06/1993 | FRANCE | N°90BX00369;90BX00385

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 15 juin 1993, 90BX00369 et 90BX00385


Vu 1°) sous le n° 90BX00369, le recours, enregistré le 4 juillet 1990 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 avril 1990 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat et la Communauté Urbaine de Bordeaux à verser, par moitié, la somme de 287.280 F à MM. X... et Guy Y... et a ordonné une expertise en vue d'évaluer le préjudice supplémentaire des requérants ;
2°) de rejeter la demande présentée par MM. X... et Guy Y...

devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Vu 2°) sous le n° 90BX003...

Vu 1°) sous le n° 90BX00369, le recours, enregistré le 4 juillet 1990 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 avril 1990 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat et la Communauté Urbaine de Bordeaux à verser, par moitié, la somme de 287.280 F à MM. X... et Guy Y... et a ordonné une expertise en vue d'évaluer le préjudice supplémentaire des requérants ;
2°) de rejeter la demande présentée par MM. X... et Guy Y... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Vu 2°) sous le n° 90BX00385, la requête, enregistrée le 2 juillet 1990, au greffe de la cour, présentée pour la Communauté Urbaine de Bordeaux ; la Communauté Urbaine de Bordeaux demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 avril 1990 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat et la Communauté Urbaine de Bordeaux à verser, par moitié, la somme de 287.280 F à MM. X... et Guy Y... et a ordonné une expertise en vue d'évaluer le préjudice supplémentaire des requérants ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... et Guy Y... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat, la commune de Lormont et la région Aquitaine à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 1993 :
- le rapport de M. BOUSQUET, conseiller ;
- les observations de Me Cambray-Deglane, avocat de la Communauté Urbaine de Bordeaux ;
- les observations de Me Sutre substituant Me Civilise, avocat de MM. X... et Guy Y... ;
- les observations de Me Noyer, avocat de la région Aquitaine ;
- et les conclusions de M. LABORDE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER et la requête de la Communauté Urbaine de Bordeaux sont dirigés contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert mandaté par les consorts Y... et dont le juge administratif peut utiliser les conclusions à titre d'élément d'information, que la mise en place, en août 1987, d'un réseau d'éclairage public de forte puissance le long de la route nationale 10 sur la commune de Lormont, a perturbé le cycle végétal des chrysanthèmes entreposés à proximité de cette voie et appartenant aux consorts Y..., horticulteurs et pépiniéristes ; que soixante pour cent des sept mille deux cents pots que les intéressés destinaient à la commercialisation lors de la fête de la Toussaint sont devenus invendables en raison de troubles de la floraison ; que les consorts Y..., qui ont la qualité de tiers par rapport aux ouvrages publics litigieux, ont subi de ce fait un préjudice anormal et spécial de nature à leur ouvrir droit à réparation ;
Considérant, d'une part, que les lampadaires éclairant la route nationale constituent une dépendance du domaine public de l'Etat ; que c'est, par suite à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité de l'Etat, maître de l'ouvrage, qui ne peut se prévaloir utilement, pour s'exonérer vis à vis des victimes, de la circonstance que l'entretien et le fonctionnement des ouvrages incombaient à la commune ;
Considérant, d'autre part, que si les compétences de la commune de Lormont en matière de voirie ont été transférées à la Communauté Urbaine de Bordeaux, conformément à l'article L. 165-7 du code des communes, il n'en va pas de même en matière d'éclairage public, lequel est ici mis en cause indépendamment de la voie publique ; que, par suite, la Communauté Urbaine de Bordeaux est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu sa responsabilité ; qu'en revanche, la commune de Lormont, chargée de l'entretien et du fonctionnement de l'éclairage public sur son territoire est responsable, même sans faute, vis à vis des tiers des dommages causés par cet éclairage ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les consorts Y... sont fondés à demander la condamnation de la commune de Lormont ;
Considérant, enfin, que c'est à bon droit que le tribunal administratif a mis hors de cause la région Aquitaine, qui s'est bornée à participer financièrement à l'aménagement de la route nationale sous forme de fonds de concours à l'Etat, sans en assurer la maîtrise d'ouvrage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être réformé en tant qu'il condamne la Communauté Urbaine de Bordeaux et qu'il met hors de cause la commune de Lormont ;

Considérant, en ce qui concerne la faute de la victime invoquée par les personnes mises en cause, que les consorts Y... avaient planté leurs chrysanthèmes en juin 1987, soit avant la mise en place du nouvel éclairage public ; qu'à supposer qu'ils aient été à même de mesurer l'incidence possible sur leurs plantations de la modification d'intensité de l'éclairage, il résulte de l'instruction qu'ils ne disposaient pas d'un terrain de remplacement pour y transporter les pots de chrysanthèmes et qu'aucune pratique d'ombrage artificiel ne pouvait être mise en oeuvre avec ce type de culture ; qu'ainsi, les consorts Y... ne peuvent être regardés comme ayant commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat et de la commune de Lormont ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant, en premier lieu, que l'expert mandaté par les consorts Y... a évalué à 287.280 F les pertes de fleurs destinées à être vendues lors de la fête de la Toussaint 1987 ; que cette estimation, retenue par les premiers juges, n'est pas sérieusement contestée ;
Considérant, en deuxième lieu, que pour évaluer le surplus du préjudice allégué, le tribunal administratif a ordonné une expertise en vue, soit de déterminer le coût des travaux nécessaires au maintien de l'exploitation dans les mêmes lieux, soit d'évaluer les frais qu'occasionnerait son transfert ; que, si les consorts Y... demandent la réformation du jugement, en tant qu'il n'a pas inclus dans la mission d'expertise l'évaluation de leur "préjudice d'image de marque", il n'apportent, sur l'existence et le montant de ce préjudice, aucun commencement de preuve qui pourrait être utilement soumis à l'examen ou à l'appréciation de l'expert ;
Considérant en troisième lieu que, si les consorts Y... demandent également à être indemnisés des pertes qu'ils ont subies en 1988 et 1989, ces conclusions qui ont fait, du reste, l'objet d'une requête distincte devant le tribunal administratif le 20 février 1991, constituent une demande nouvelle, irrecevable en appel ;
Sur les dépens de première instance :
Considérant que, si le jugement attaqué a cru devoir décider que les frais de l'expertise qu'il a ordonnée seraient avancés par les consorts Y..., il n'a pas statué sur leur dévolution définitive ; que, par suite, il n'appartient pas au juge d'appel, dans le cadre de la présente instance, de se prononcer sur cette dévolution et d'ordonner le remboursement de ces frais aux consorts Y..., ainsi qu'ils le demandent ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les conclusions des consorts Y... et de la région Aquitaine tendant à l'application de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel doivent être regardées comme tendant à obtenir le bénéfice de l'article L.8-1 du même code ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat et la commune de Lormont à verser tous deux la somme de 3.000 F aux consorts Y... sur le fondement de l'article L.8-1 susmentionné ; qu'en revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce que les consorts Y..., qui n'ont pas la qualité de partie perdante, soient condamnés à payer à la région Aquitaine et la commune de Lormont les sommes de 5.000 F que celles-ci réclament au titre des frais non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE LA MER est rejeté.
Article 2 : La somme de 287.280 F que le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 avril 1990 a accordée aux consorts Y... est mise à la charge par moitié de l'Etat et de la commune de Lormont.
Article 3 : La Communauté Urbaine de Bordeaux est mise hors de cause.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 avril 1990 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Les conclusions du recours incident des consorts Y... sont rejetées.
Article 6 : L'Etat et la commune de Lormont verseront chacun aux consorts Y... la somme de 3.000 F, au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 7 : Les conclusions présentées par la commune de Lormont et la Région Aquitaine sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


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