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30/11/1993 | FRANCE | N°91BX00496

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 30 novembre 1993, 91BX00496


Vu la requête enregistrée le 5 juillet 1991 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, présentée pour la société à responsabilité limitée "SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS" dont le siège est Centre commercial de Marnac, à Ramonville Saint Agne (Haute-Garonne) ;
La SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 17 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés qui ont été mises à sa charge au titre des années 1982

à 1984 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assigné...

Vu la requête enregistrée le 5 juillet 1991 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, présentée pour la société à responsabilité limitée "SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS" dont le siège est Centre commercial de Marnac, à Ramonville Saint Agne (Haute-Garonne) ;
La SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 17 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés qui ont été mises à sa charge au titre des années 1982 à 1984 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1984 par un avis de mise en recouvrement émis le 19 juillet 1988 ;
2°) de la décharger des impositions contestées ;
3°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 1993 :
- le rapport de Mme PERROT, conseiller ;
- et les conclusions de M. CATUS, commissaire du gouvernement ;

Sur la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable lors de l'imposition litigieuse : "Une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification" ; qu'en vertu de l'article L. 169 du même livre, issu de l'article 18-1 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 : "Pour l'impôt sur le revenu ..., le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, sauf application de l'article L. 168 A, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due" ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 168 A dudit livre, issu de l'article 18-IV de ladite loi : "Le droit de reprise ... s'exerce jusqu'à la fin de la quatrième année ... 1° aux vérifications pour lesquelles l'avis prévu à l'article L. 47 a été envoyé ou remis avant le 2 juillet 1986. 2° aux notifications de redressement adressées avant le 2 janvier 1987 lorsqu'elles ne sont pas consécutives à une vérification visée à l'article L. 47" ;
Considérant que la société requérante a été informée, par avis en date du 9 juin 1986 reçu le 10 juin, que l'administration se proposait d'entreprendre la vérification de sa comptabilité pour les années 1982 à 1985 ; que, si elle ne conteste pas qu'il résulte des dispositions susanalysées que, eu égard à la date d'envoi de l'avis de vérification, l'année 1982 n'était pas prescrite, elle soutient toutefois, en invoquant le bénéfice des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, que la prescription était acquise au regard de la réponse à la question écrite de M. X..., député, publiée au Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale du 3 novembre 1986, dont les termes ont été repris par une instruction administrative du 4 mai 1987, par laquelle le ministre chargé du budget a estimé que le nouveau délai de prescription devait également s'appliquer aux contrôles ayant débuté effectivement après le 1er juillet 1986, même si l'avis de vérification a été adressé au contribuable avant cette date ;
Considérant, qu'aux termes de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause de rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ..." ; que les instructions et réponses ministérielles relatives à la prescription du droit de reprise de l'administration en matière d'impôt sur le revenu ne concernent pas l'assiette de l'impôt ou la détermination de la matière imposable et ne constituent pas ainsi une interprétation du texte fiscal au sens des dispositions précitées ; que, par suite et en tout état de cause, la société requérante ne saurait utilement invoquer les termes de la réponse et de l'instruction ministérielle susrappelées sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Sur la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : "Sous peine de nullité, la vérification sur place des livres et documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : ... 2° Les autres entreprises industrielles et commerciales lorsque leur chiffre d'affaires n'excède pas 540.000 F ; ..." ; qu'il résulte de ce qui est dit ci-après que le chiffre d'affaires de la société d'exploitation des carburants a été, à bon droit, rehaussé par l'administration et que ce chiffre dûment rectifié a dépassé la limite susmentionnée pour l'exercice clos le 31 décembre 1982 ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en l'espèce la vérification de comptabilité qui a porté sur les années 1982 à 1985 aurait irrégulièrement duré six mois ne peut être accueilli ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le principe de l'imposition à l'impôt sur les sociétés :
Considérant que selon l'article 35 du code général des impôts : "1. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés. Ces personnes s'entendent notamment de celles qui achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux" ; que ces dispositions n'ont pas pour effet de modifier le régime d'imposition des plus-values auxquelles sont soumises les personnes morales assujetties à l'impôt sur les sociétés, qui sont régies par les articles 38 et 39 duodecies du code ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts qui est applicable, en vertu de l'article 209, aux sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés : "1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou long terme ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que pour bénéficier des règles particulières d'imposition qu'elles prévoient, les cessions immobilières doivent porter sur les éléments de l'actif immobilisé ; que ces règles sont applicables aux sociétés dont l'objet social est le négoce immobilier à la condition que la plus-value imposable ait été réalisée à l'occasion de la cession d'un élément de l'actif immobilisé, et non d'un immeuble faisant partie des stocks affectés au négoce de la société ;

Considérant que la société requérante a acquis en 1980 de la S.A.R.L. "SORECO" un immeuble à usage d'hôtel qu'elle a exploité du 1er juin 1980 au 30 septembre 1981 puis a revendu par appartements en avril et mai 1982 après y avoir réalisé d'importants travaux, avant de céder le fonds de commerce d'hôtel, le local commercial et les 27 appartements restants à la S.N.C. "SOPRODIM et compagnie" le 2 juin 1982 ; que le service a, lors de la vérification, estimé que cet immeuble faisait partie non de l'actif mais du stock de l'entreprise et a en conséquence réintégré dans le bénéfice de celle-ci la plus-value réalisée en 1982 et les amortissements comptabilisés en se fondant sur les dispositions de l'article 35-I-1° du code général des impôts ; que le ministre du budget demande, comme il en a le droit à tout moment de la procédure, que, par substitution de base légale, les redressements litigieux ne soient plus fondés sur l'article 35-I-1° du code général des impôts mais sur l'article 38 du même code ; que ladite substitution ne prive l'intéressée d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande du ministre ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société requérante a modifié ses statuts le 11 avril 1980, soit avant de commencer d'exploiter l'hôtel, et a élargi son objet social aux "acquisitions, ventes, locations de tous immeubles et droits immobiliers" ; que l'immeuble dont s'agit a été acquis et revendu à deux sociétés exerçant l'activité de marchands de biens et dont le gérant de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS détenait directement ou indirectement la majorité des parts sociales ; que la société a effectué d'autres opérations d'achat et revente d'immeubles au cours des années 1978, 1979 et 1983 ; que la vente de l'immeuble litigieux a représenté plus de 95 % du chiffre d'affaires de l'exercice 1982 ; qu'enfin, l'importance des travaux réalisés en 1980 et 1981, dont le coût atteignait environ quatre fois la valeur d'acquisition de l'immeuble, ne permet pas, contrairement à ce que soutient la S.A.R.L. requérante, de justifier la cessation rapide de l'exploitation par des circonstances économiques défavorables ; qu'il suit de là que la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS doit être regardée comme ayant acquis l'immeuble en vue de le revendre ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a regardé cet immeuble non comme une immobilisation mais comme un élément du stock commercial et a refusé d'appliquer à la plus-value réalisée le régime d'imposition prévu à l'article 39 duodecies susrapporté du code ;
Considérant qu'en l'absence de toute plus-value effectivement réalisée lors de la cessation d'activité en septembre 1981, la société requérante ne peut utilement faire valoir que la requalification comptable ainsi réalisée de l'immeuble impliquait que l'imposition fût établie au titre de l'année 1981 ;
En ce qui concerne le principe d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au cours de la période d'imposition : "Sont également passibles de la taxe sur la valeur ajoutée ... 6° Les affaires qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux" ; qu'aux termes de l'article 35 déjà cité du même code : "Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques, désignées ci-après ... 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles ..." ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS exerçait en réalité une activité de marchand de biens ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration l'a, pour l'opération en litige, assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions susrapportées de l'article 257-6° du code général des impôts ;
Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement du 19 juillet 1988 :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : "L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 comporte : 1° Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2° Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement. De même, ils n'ont pas à être portés lorsque le contribuable n'a pas fait la déclaration nécessaire au calcul des droits" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée rappelée en date du 19 juillet 1988 faisait expressément référence à la notification de redressements en date du 18 décembre 1986 adressée à la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS ; que la seule circonstance qu'il aurait mentionné comme période d'imposition le mois de décembre 1985 au lieu de la période 1982 à 1985 est sans influence sur le bien-fondé de l'imposition ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A.R.L. "SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS" n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui était suffisamment motivé, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes ;
Article 1er : La requête de la société à responsabilité limitée "SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS" est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 91BX00496
Date de la décision : 30/11/1993
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION DE COMPTABILITE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - PRESCRIPTION.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - EVALUATION DE L'ACTIF.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET.


Références :

CGI 35, 38, 39 duodecies, 209, 257
CGI Livre des procédures fiscales L47, L80 A, L169, L168 A, L52, R256-1
Loi 86-824 du 11 juillet 1986 art. 18-1, art. 18 Finances rectificative pour 1986


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme PERROT
Rapporteur public ?: M. CATUS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1993-11-30;91bx00496 ?
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