Vu la requête, enregistrée le 19 avril 1993 au greffe de la cour, présentée pour le syndicat intercommunal à vocation multiple du Conflent dont le siège est ... (Pyrénées Orientales) ;
Le syndicat intercommunal à vocation multiple du Conflent demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 5 février 1993 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser à la Compagnie française de thermalisme (C.F.T.) la somme de 1.865,381 F majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 1989 ;
2°) de prononcer le sursis a exécution du jugement ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 1994 :
- le rapport de M. Desrame, conseiller ;
- et les conclusions de M. Laborde, commissaire du gouvernement ;
Considérant que durant l'été 1984 des débordements du réseau d'assainissement de la commune de Molitg-les-Bains (Pyrénées-Orientales) ont entraîné la pollution des eaux de certains captages exploités par la Compagnie française de thermalisme, dénommée, aujourd'hui "Chaîne thermale du soleil", pollution qui a eu pour conséquence la fermeture temporaire de l'établissement thermal ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas sérieusement contesté que la contamination a comme cause unique et directe le mauvais fonctionnement de l'ouvrage public constitué par le réseau d'égouts, lequel a enregistré huit débordements sur une période de 120 jours au cours de l'été et l'automne 1984 ; qu'à part une cause accidentelle résultant de la cassure du tournant dit "de la Chapelle", réparée le 23 août 1984, ces dysfonctionnements répétitifs ont des causes structurelles tenant à l'insuffisante profondeur des canalisations, au vieillissement des joints entraînant l'infiltration de radicelles et à la capacité d'évacuation insuffisante aux heures de pointes ; qu'ainsi le dommage subi par la société des eaux de Molitg présente, en l'absence de travaux d'amélioration du réseau d'égouts entrepris par le SIVOM du Conflent, le caractère d'un dommage permanent ;
Considérant que le SIVOM du Conflent soutient pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui que la Compagnie française de thermalisme aurait commis une faute en ne réalisant pas elle-même les travaux de nature à mettre ses captages à l'abri d'éventuels déversements d'eaux usées ;
Considérant que la source thermale de Molitg-les-Bains n'est pas déclarée d'utilité publique et ne bénéficie donc pas de ce fait d'un périmètre de protection ; que s'il appartient à l'exploitant d'une source thermale de veiller à l'entretien du site où se manifestent les émergences d'eau thermale et à exercer une surveillance rigoureuse sur la qualité des eaux livrées, il ne lui incombe pas de se protéger contre les agressions résultant d'un défaut d'entretien d'un ouvrage public extérieur au site ; qu'il s'en suit que le SIVOM du Conflent ne saurait valablement soutenir, pour s'exonérer de sa responsabilité, que la société thermale de Molitg-les-Bains, au demeurant installée sur les lieux avant la construction du réseau d'assainissement défectueux, devrait supporter une part de responsabilité du fait qu'elle n'aurait pas, de sa propre initiative, réalisé les travaux de nature à la mettre à l'abri de tout défaut d'entretien du réseau public d'évacuation des eaux usées passant à proximité de ses captages ;
Sur le préjudice :
Considérant que la Compagnie française de thermalisme a engagé à la suite de la pollution accidentelle de ses eaux d'importants travaux de protection de ses captages dont le montant non contesté s'élève à la somme de 1614631 F ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à bon droit que les premiers juges ont mis cette somme à la charge du SIVOM du Conflent ;
Considérant que la Compagnie française de thermalisme demande par la voie de l'appel incident la condamnation du SIVOM du Conflent à lui payer une somme supplémentaire de 362.916 F au titre des travaux de protection de ses forages, ainsi que l'augmentation des sommes allouées au titre du préjudice de notoriété et du préjudice commercial ;
Considérant que des travaux supplémentaires d'un montant de 362.916 F, bien que non encore réalisés par la Compagnie française de thermalisme à la date du rapport d'expertise, ont été jugés nécessaires par l'expert pour protéger les zones de captage ; qu'aucun document du dossier ne permet d'affirmer que le SIV0M du Conflent aurait de son coté réalisé des travaux rendant inutiles ceux prescrits par l'expert ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal administratif a exclu cette somme du montant de l'indemnisation due à la Compagnie française de thermalisme ;
Considérant qu'en évaluant à 40.000 F le préjudice commercial subi par la Compagnie française de thermalisme sur la base d'une perte de recettes évaluée par l'expert à 98.083 F, le tribunal n'a pas fait une évaluation erronée de la perte de bénéfices subie par la société thermale ;
Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que 95 analyses de divers prélèvements d'eau ont été effectuées entre le 10 août 1984 et le 18 novembre 1984, c'est-à-dire pendant toute la période pendant laquelle les eaux ont été polluées à la suite des débordements des égouts ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'affirme le SIVOM du Conflent, c'est à juste titre que le tribunal administratif a retenu ce chef de préjudice ;
Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice de notoriété subi par la Compagnie française de thermalisme en l'évaluant à la somme de 30.000 F, compte tenu du fait que la fermeture de son établissement est intervenue pendant une période de l'année où les curistes étaient très peu nombreux et qu'il n'est pas établi que cette fermeture ait eu un retentissement autre que local ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions du SIVOM du Conflent tendant à la réduction des indemnités allouées par les premiers juges doivent être rejetées ; que, par contre les conclusions incidentes de la Compagnie française de thermalisme tendant à l'augmentation des mêmes indemnités doivent être accueillies à hauteur de 362.916 F si mieux n'aime le SIVOM du Conflent réaliser lui même les travaux d'amélioration de son réseau d'égouts préconisés par l'expert ;
Article 1er : La requête du syndicat intercommunal à vocation multiple du Conflent est rejetée.
Article 2 : Le syndicat intercommunal à vocation multiple du Conflent est condamné à payer à la Compagnie française de thermalisme une somme supplémentaire de 362.916 F si mieux n'aime le syndicat intercommunal à vocation multiple du Conflent réaliser les travaux qui lui incombent.
Article 3 : Le surplus des conclusions incidentes de la Compagnie française de thermalisme est rejeté.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 5 février 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.