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31/05/1994 | FRANCE | N°92BX00612

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 31 mai 1994, 92BX00612


Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 1992 au greffe de la cour, présentée pour M. et Mme Jean-François X..., demeurant ... (Lot-et-Garonne) ;
M. et Mme X... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1984, 1985 et 1986, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 50.000 F au titre de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et de

s cours administratives d'appel ;
2°) de prononcer la décharge desdite...

Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 1992 au greffe de la cour, présentée pour M. et Mme Jean-François X..., demeurant ... (Lot-et-Garonne) ;
M. et Mme X... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1984, 1985 et 1986, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 50.000 F au titre de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de prononcer la décharge desdites impositions ;
3°) de condamner l'Etat à leur payer la somme de 50.000 F, en application de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
4°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 1994 :
- le rapport de M. BOUSQUET, conseiller ;
- les observations de Me VOUILLE, avocat de M. et Mme X... ;
- et les conclusions de M. CATUS, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les déficits fonciers déduits par M. et Mme X... de leur revenu global provenaient, d'une part, du montant des travaux que l'administration a exclus des charges déductibles des revenus fonciers et, d'autre part, d'intérêts d'emprunt, taxes et frais divers dont le caractère déductible a été admis ; que M. et Mme X... ont contesté la réintégration dans leur revenu imposable des années 1984 à 1986 de la totalité de ces déficits, en faisant valoir que ceux-ci pouvaient être imputés sur le revenu global en application des dispositions de l'article 156 du code général des impôts relatives aux opérations groupées de restauration immobilière et que les travaux en cause étaient au nombre de ceux dont la déduction est admise par les dispositions de l'article 31 du même code ;
Considérant, d'une part, qu'alors même que le tribunal administratif avait jugé non déductibles les dépenses correspondant aux travaux effectués, les moyens fondés sur les dispositions de l'article 156 du code général des impôts n'étaient pas inopérants en ce qui concerne la partie des déficits provenant des intérêts d'emprunt, taxes et frais divers dont le caractère déductible a été admis ; qu'ainsi, les premiers juges ont commis une irrégularité en omettant de statuer sur ces moyens ;
Considérant, d'autre part, que le tribunal s'est borné, par une motivation sommaire, à déclarer non fondé chacun des moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition, sans justifier son appréciation au regard des faits précis et abondants exposés par les requérants ; qu'ainsi, le jugement attaqué ne peut être regardé comme suffisamment motivé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que ce jugement est irrégulier en la forme et doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme X... devant le tribunal administratif ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que si dans l'un de ses mémoires en défense, l'administration a indiqué, pour le démentir par la suite, avoir adressé à M. et Mme X... une demande de justifications sur le montant des travaux et des intérêts d'emprunt déduits, les requérants reconnaissent ne pas avoir reçu de demande de cette nature ; qu'ils ne sauraient, dès lors, utilement soutenir que les règles de forme prescrites par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales en cas d'envoi d'une demande de justifications n'ont pas été observées ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le service s'est borné à vérifier, dans le cadre du contrôle sur pièces, les déclarations de revenus fonciers de M. et Mme X... et l'imputabilité sur le revenu global des déficits qui y étaient mentionnés ; que, quelle qu'ait été l'ampleur des investigations effectuées sur ces deux points, le contrôle, limité à une catégorie de revenus, auquel il a ainsi été procédé, n'a pu constituer une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble dont les intéressés auraient dû être préalablement avisés dans les conditions prévues à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que des renseignements sur les travaux litigieux aient été demandés verbalement au conseil des requérants ne saurait signifier que les redressements contestés trouvent leur origine dans la vérification, effectuée au titre des mêmes années, de la comptabilité de l'activité de chirurgien de M. X... ;
Considérant, en quatrième lieu, que si les déficits fonciers dont l'imputation sur le revenu global a été remise en cause avaient été en partie enregistrés par la société civile immobilière "Val de Perlette" dont M. et Mme X... sont les seuls associés, ces derniers n'apportent à l'appui de leurs allégations aucun élément de nature à établir que le redressement ainsi opéré ne serait pas consécutif au contrôle sur pièces de leurs déclarations, mais ferait suite à une vérification de la comptabilité de cette société, dont ils n'avaient du reste jamais déclaré ni l'existence, ni les résultats ;
Considérant, en cinquième lieu, que l'administration soutient que, pour établir les redressements litigieux, elle s'est exclusivement fondée sur les renseignements figurant dans le dossier fiscal du contribuable et sur les informations recueillies auprès des services du cadastre et du bureau des hypothèques, services relevant de l'administration fiscale ; qu'à supposer même que le service ait en réalité, comme le soutiennent les requérants, exercé son droit de communication auprès d'entreprises privées ou d'administrations tierces, il résulte des notifications de redressement du 1er octobre 1987, ainsi que de la réponse aux observations du contribuable du 10 novembre 1987, que le vérificateur a mentionné dans ces documents l'ensemble des pièces et renseignements sur lesquels il s'est fondé pour refuser les déductions de déficit opérées par les contribuables ; qu'ainsi ces derniers ont été mis à même de les discuter et, le cas échéant, d'en demander la communication avant mise en recouvrement de l'impôt ; que, de même, à l'appui de ses écritures contentieuses, le directeur régional des impôts a exposé en détail les documents et renseignements sur lesquels il s'est fondé pour motiver sa décision de maintien des compléments d'imposition ; que, dès lors, les requérants ne sauraient, en tout état de cause, utilement soutenir que l'administration, qui n'est pas tenue d'aviser le contribuable de la mise en oeuvre de son droit de communication ni de lui communiquer spontanément les documents obtenus, aurait exercé ce droit en méconnaissance des règles de la procédure contradictoire ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ..." ; qu'il résulte de l'examen des notifications de redressement adressées le 1er octobre 1987, tant à M. et Mme X... qu'au gérant de la société civile immobilière "Val de Perlette", que ces documents comportent des indications suffisantes pour permettre aux intéressés d'engager valablement une discussion contradictoire avec l'administration, ainsi du reste qu'ils l'ont fait ; qu'ainsi, les requérants, qui ne sauraient utilement critiquer la pertinence de la motivation retenue pour contester la régularité de la procédure d'imposition, ne sont pas fondés à soutenir que les notifications en cause ne seraient pas suffisamment motivées au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que M. et Mme X... ont imputé sur leur revenu global les déficits fonciers provenant de trois immeubles sis ..., 63 rue Porte-Dijeaux et ..., dont ils sont copropriétaires dans le périmètre du secteur sauvegardé de Bordeaux, soit personnellement, soit par l'intermédiaire de la société civile immobilière "Val de Perlette" dont ils sont les seuls associés ;
Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : "L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque contribuable. Ce revenu net est déterminé ... sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ... Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : ... 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des cinq années suivantes ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires d'immeubles ayant fait l'objet de travaux exécutés dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière faite en application des dispositions des articles L. 313-1 à L. 313-15 du code de l'urbanisme ..." ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : "Les opérations de conservation, de restauration et de mise en valeur des secteurs sauvegardés sont réalisées conformément aux dispositions ci-après : ces opérations peuvent être décidées et exécutées soit dans les conditions fixées par les dispositions relatives à la rénovation urbaine, soit à l'initiative d'un ou plusieurs propriétaires groupés ou non en association syndicale. Dans ce cas, ce ou ces propriétaires y sont spécialement autorisés dans des conditions qui seront fixées par un décret en Conseil d'Etat qui précise notamment les engagements exigés d'eux quant à la nature et à l'importance des travaux" ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que l'imputation du déficit foncier sur le revenu global est réservée aux seuls propriétaires qui, pour exécuter les travaux de restauration immobilière, ont été ou se sont placés dans le cadre d'une opération collective de rénovation comportant le groupement de plusieurs propriétaires et que, dans le cas où elle n'est pas décidée par une collectivité publique, cette opération collective doit résulter de l'initiative du groupement des propriétaires ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le programme de rénovation des trois immeubles en cause a été élaboré à l'initiative d'un marchand de biens, l'Office de sauvegarde du patrimoine, qui a ensuite procédé à l'acquisition des bâtiments, puis les a revendus par lots en leur état futur de rénovation, à différents acquéreurs, dont les requérants, qui ont versé lors de l'achat des acomptes représentant une part importante des travaux à exécuter ; que, si l'autorisation spéciale prévue par l'article L. 313-3 précité ou le permis de construire a été sollicitée au nom d'associations foncières urbaines, ces demandes ont été présentées avant l'acquisition des lots et, par conséquent, antérieurement à l'adhésion des copropriétaires à ces associations ; qu'il ressort de ces circonstances que les opérations de restauration des immeubles ne peuvent être regardées comme ayant résulté de l'initiative de propriétaires groupés ; que, par suite, les requérants ne remplissent pas l'une des conditions exigées par les dispositions précitées pour imputer sur leur revenu global les déficits qu'ils ont enregistrés à l'occasion de la restauration de ces immeubles ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le montant de ces déficits, M. et Mme X... ne sont pas fondés à demander la décharge des impositions contestées ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que le bien-fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant que M. et Mme X... succombent dans la présente instance ; que leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser une somme de 50.000 F au titre des frais qu'ils ont exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 31 décembre 1991 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 92BX00612
Date de la décision : 31/05/1994
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - DROIT DE COMMUNICATION.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION DE COMPTABILITE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION APPROFONDIE DE SITUATION FISCALE D'ENSEMBLE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - CHARGES DEDUCTIBLES.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT DE REPONSE A UNE DEMANDE DE JUSTIFICATIONS (ARTICLES L - 16 ET L - 69 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES).


Références :

CGI 156, 31
CGI Livre des procédures fiscales L16, L47, L57
Code de l'urbanisme L313-3
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BOUSQUET
Rapporteur public ?: M. CATUS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1994-05-31;92bx00612 ?
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