Vu le recours, enregistré le 14 février 1994 au greffe de la cour, présentée pour le MINISTRE DU BUDGET ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 1er juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a accordé décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1984 à 1986 ;
2°) de rétablir M. Y... aux rôles de l'impôt sur le revenu à raisons de ces impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 1995 :
- le rapport de M. LOOTEN, conseiller ;
- et les conclusions de M. BOUSQUET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Y... a fait l'objet d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble au titre des années 1984, 1985 et 1986 ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que la demande faite par un vérificateur à un contribuable, qui fait l'objet d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, de lui communiquer les relevés de ses comptes bancaires aurait un caractère contraignant ; que dès lors, la circonstance que le vérificateur n'aurait pas informé M. Y... du caractère non contraignant de la demande de communication des relevés de ses comptes bancaires est sans influence sur la régularité de la procédure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que le vérificateur n'aurait pas informé M. Y... du caractère non contraignant de la demande de communication des relevés de ses comptes bancaires pour prononcer le dégrèvement des impositions litigieuses ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant en premier lieu que si le requérant soutient que l'administration lui aurait adressé des demandes de justifications tout en conservant des photocopies de relevés de ses comptes bancaires, il résulte de l'instruction que le fait de ne pas disposer de ces photocopies n'a pas été, en l'espèce de nature à empêcher l'intéressé d'individualiser les opérations faites par lui sur ses comptes bancaires ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que les demandes de justifications ont été formulées dans des conditions qui ne lui permettaient pas de faire valoir ses droits ;
Considérant en second lieu que si le requérant soutient que, contrairement aux dispositions de l'article L.16 A du livre des procédures fiscales, la mise en demeure en date du 27 août 1987 ne fait pas apparaître les éléments de réponse attendus par l'administration, il résulte du texte de cette mise en demeure qu'elle précisait les raisons pour lesquelles les réponses apportées à la première demande étaient considérées comme insuffisantes ou non admises ; qu'ainsi ce moyen manque en fait ;
Considérant en troisième lieu que si l'administration a adressé à M. Y... une notification de taxation d'office, datée du 5 octobre 1987, dès le 9 octobre suivant, il ressort des pièces du dossier que cette notification n'est parvenue à l'intéressé que le 16 octobre 1987 soit après l'expiration du délai de trente jours ouvert par la réception, le 7 septembre 1987, de la demande d'éclaircissements et de justifications ; qu'ainsi le contribuable qui n'a fourni aucun document complémentaire postérieurement à sa réponse du 2 octobre 1987, n'a pas été privé du délai minimum de trente jours ouvert par les dispositions de l'article L.16 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant en quatrième lieu que pour les années 1984, 1985 et 1986 l'administration a constaté que les comptes bancaires et les comptes courants ouverts au nom de M. Y... retraçaient des versements s'élevant à 424.120 F, 448.650 F et 111.158 F alors que le contribuable n'avait déclaré comme revenus au titre de ces années que 65.000 F, 147.648 F et 39.598 F ; que les éléments ainsi réunis par l'administration étaient suffisants pour l'autoriser à demander au contribuable, en application des dispositions de l'article L.16 du livre des procédures fiscales, des justifications quant à l'origine des ressources dont il avait pu disposer ;
Considérant enfin qu'il n'est pas contesté que la réponse donnée le 2 octobre 1987 par le contribuable aux demandes d'éclaircissements et de justifications doit être regardée comme équivalant à un défaut de réponse et que c'est à bon droit que par application des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales l'administration a taxé d'office les crédits bancaires et en comptes courants d'origine inexpliqués ; que, par suite, par application de l'article L.193 du livre des procédures fiscales il appartient à M. Y... d'apporter la preuve de l'exagération des impositions en litige ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne les versements en espèce :
Considérant que l'administration a taxé d'office les apports en espèces effectués en 1984, du 6 février au 12 avril, pour un montant de 234.285 F, en 1985 pour un montant de 37.800 F et en 1986 pour un montant de 21.950 F ; que le ministre en appel déclare renoncer à taxer les sommes de 31.500 F et 9.000 F provenant de retraits de même nature effectués sur le compte de Mme Y... respectivement effectués en 1985 et 1986 ; qu'en invoquant des retraits en espèces qui correspondent en fait à des émissions de chèques de montants différents des crédits dont s'agit, effectués du 14 avril 1983 au 23 septembre 1983, M. Y... ne justifie pas de l'origine de ses apports de 1984 ; que si le contribuable affirme que le surplus des sommes en litige au titre des années 1985 et 1986, soit 6.300 F et 3.950 F proviendrait du remboursement d'un crédit consenti à M. A... en 1983 pour financer l'achat d'un immeuble détenu en indivision par le requérant et MM. X... et Roldan, M. Y... ne produit aucune pièce de nature à établir que cette vente aurait été faite à crédit et que les vendeurs auraient eux-mêmes consenti le crédit nécessaire ; qu'en outre les sommes qui auraient été versées par M. A... ne correspondent pas aux montants supposés des mensualités de ce crédit ;
Sur les remises de chèques et virements au titre des années 1984, 1985 et 1986 :
Considérant que M. Y... affirme que les remises de chèques et virements s'expliqueraient par la vente d'un véhicule de marque Renault en 1984 pour la somme de 30.000 F et que pour le surplus ces sommes correspondraient, à hauteur de 210.400 F, à des virements du compte de M. Z... sur ses propres comptes ; que s'agissant de la vente de véhicule, il ne produit pas de copie de la carte grise ni de certificat d'assurance correspondant à ce véhicule ; que M. Y... ne justifie pas, en tout état de cause, de l'origine des sommes qu'il aurait versées au bénéfice des époux Z... ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a prononcé le dégrèvement des impositions litigieuses ;
Article 1ER : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de M. Y... sont fixées à 364.593 F pour 1984, 294.162 F pour 1985, 164.069 F pour 1986.
Article 2 : L'impôt sur le revenu calculé conformément aux bases définies à l'article 1er est remis à la charge de M. Y....
Article 3 : Le jugement en date du 1er juillet 1993 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.