Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés le 27 mai 1994 au greffe de la cour, présentés pour M. Bernard X... demeurant centre commercial Saint-Nicolas à Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne) ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 5 avril 1994 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de la contrainte résultant de l'imputation par le comptable du trésor de Colomiers de versements effectués en 1990 à titre d'acomptes pour l'impôt sur le revenu de l'année 1989 au règlement de cotisations d'impôt sur le revenu établies au titre des années 1974 à 1977 ;
2°) d'annuler la contrainte dont s'agit et la décision de rejet du trésorier-payeur-général de la Haute-Garonne en date du 1er juillet 1991 notifiée le 3 juillet ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 17.990 F en application de l'article L. 8-1 du livre des procédures fiscales ;
4°) de prononcer le sursis à exécution du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 1995 :
- le rapport de Mme PERROT, conseiller ; - et les conclusions de M. BOUSQUET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... conteste l'imputation, par le trésorier-principal de Colomiers (Haute-Garonne), sur la dette fiscale afférente à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 1974 à 1977, des versements qu'il a effectués le 2 mai 1990 en vue du paiement d'acomptes provisionnels au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 1989 ; qu'il fait appel du jugement en date du 5 avril 1994 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté l'opposition à contrainte qu'il avait formée à raison de cette imputation ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si le comptable du Trésor a informé le 9 novembre 1990 M. X... de l'imputation de la somme de 304.960 F versée par lui le 2 mai 1990 au règlement de la dette fiscale relative à l'impôt sur le revenu restant dû au titre des années 1974 à 1977 et si un nouveau courrier qui confirmait cette imputation et restituait à l'intéressé sa caution bancaire lui a été adressé le 26 novembre 1990 aucun élément du dossier ne permet de déterminer la date à partir de laquelle pouvait être décompté le délai de deux mois prévu à l'article R. 281-2 du livre des procédures fiscales et ouvert au contribuable pour faire opposition à l'imputation qu'il conteste ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que ce délai était expiré lorsque M. X... a saisi le trésorier-payeur-général d'une réclamation contentieuse les 30 avril et 11 juin 1991 ;
Sur la prescription :
Considérant qu'aux termes des articles 1850 et 1975 du code général des impôts repris à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : "Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui avait présenté devant le directeur des services fiscaux une réclamation relative aux impositions mises à sa charge au titre des années 1974 à 1977 assortie d'une demande de sursis de paiement pour laquelle il a constitué une garantie sous la forme d'une caution bancaire, n'a pas saisi le tribunal administratif dans le délai prévu à l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales de la décision de rejet de sa réclamation qui lui a été notifiée le 26 août 1980 ; que, bien que les impositions dont s'agit fussent redevenues exigibles le 26 octobre 1980, l'intéressé, qui a fait savoir au comptable du Trésor à la suite d'une demande de celui-ci que "son dossier était toujours en instruction à la direction des services fiscaux et qu'il avait saisi la commission compétente de son affaire" a poursuivi jusqu'en 1990 le paiement des frais afférents à la caution bancaire qu'il avait obtenue et n'a, à aucun moment, sollicité du comptable précité la main-levée de cette caution dont le document contractuel original lui a été seulement restitué le 26 novembre 1990 en même temps que l'imputation litigieuse lui était confirmée ; qu'en procédant ainsi, et notamment en laissant se poursuivre régulièrement le débit sur son compte des frais afférents à la caution bancaire, M. X... doit être regardé comme ayant périodiquement interrompu entre le 26 octobre 1980 et le 9 novembre 1990, date à laquelle le trésorier-principal l'a informé de l'imputation qu'il conteste, la prescription prévue par les dispositions susrapportées de l'article L. 274 ; qu'il n'est par suite pas fondé à soutenir qu'à la date du 9 novembre 1990 les impositions relatives aux années 1974 à 1977 n'étaient plus exigibles ;
Sur la régularité de l'imputation :
Considérant qu'aux termes de l'article 1253 du code civil : "Le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu'il paye, quelle dette il entend acquitter" ; qu'aux termes de l'article 357 E de l'annexe III au code général des impôts : " Les versements effectués en vertu des articles 357 A à 357 C sont encaissés par le comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs détenteur des rôles servant de base aux dits versements ou pour son compte, dans les conditions prévues par l'article 1680 du code général des impôts. Le débiteur est tenu, au moment du versement, d'indiquer les numéros des rôles et des articles dont le montant sert de base au calcul du versement et de fournir toutes précisions utiles sur l'origine des déductions que ledit montant aurait pu subir en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article 357 B. Le montant des versements sera ultérieurement imputé en l'acquit des impositions à l'impôt sur le revenu établies, au cours de l'année pendant laquelle les versements auront été effectués, à raison des revenus réalisés par le contribuable pendant l'année précédente." ... ;
Considérant que M. X... fait valoir que le comptable n'était pas en droit d'imputer au paiement des dettes fiscales les plus anciennes un versement qu'il avait expressément affecté au paiement des acomptes provisionnels sur l'impôt sur le revenu de l'année 1989 ; qu'il résulte des dispositions précitées que le comptable du Trésor, s'il a reçu au cours de l'année 1990 des versements qui, en raison de la mise en recouvrement tardive, intervenue au mois de mars 1991, de l'impôt sur le revenu perçu en 1989 par M. X... n'étaient affectés à aucune dette exigible, n'a pu régulièrement, avant le 1er janvier 1991, les imputer, contre la volonté du contribuable, au règlement des dettes fiscales exigibles les plus anciennes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. X... tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposés ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 5 avril 1994 est annulé.
Article 2 : M. X... est déchargé de l'obligation de payer résultant de l'imputation, réalisée le 9 novembre 1990, de son versement de 304.960 F au paiement des dettes fiscales afférentes aux cotisations d'impôt sur le revenu dues par lui au titre des années 1974 à 1977.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.