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04/05/1995 | FRANCE | N°89BX00827

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 04 mai 1995, 89BX00827


Vu avec les pièces qui y sont visées l'arrêt en date du 16 avril 1992 par lequel la cour a, avant de statuer sur les conclusions de la requête, présentée par la SOCIETE ANONYME INTERBAIL, dont le siège est ... et tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de fautes commises par l'administration, ordonné une expertise aux fins de déterminer, en vue de l'évaluation du préjudice résultant de l'illégalité de l'autorisation accordée pour une micro-centrale hydroélectrique installée à Onard, sur l'Adour, la valeur des

installations de celle-ci ainsi que de fournir tous éléments utiles p...

Vu avec les pièces qui y sont visées l'arrêt en date du 16 avril 1992 par lequel la cour a, avant de statuer sur les conclusions de la requête, présentée par la SOCIETE ANONYME INTERBAIL, dont le siège est ... et tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de fautes commises par l'administration, ordonné une expertise aux fins de déterminer, en vue de l'évaluation du préjudice résultant de l'illégalité de l'autorisation accordée pour une micro-centrale hydroélectrique installée à Onard, sur l'Adour, la valeur des installations de celle-ci ainsi que de fournir tous éléments utiles pour l'évaluation du préjudice financier ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 janvier 1994, présenté par la SOCIETE ANONYME INTERBAIL, par lequel elle demande la capitalisation des intérêts ;
Vu, enregistré le 14 janvier 1994, le rapport de l'expertise effectuée en exécution de l'arrêt susvisé ;
Vu l'ordonnance en date du 26 janvier 1994 du président de la cour taxant et liquidant à la somme de 15.007,64 F les frais et honoraires de l'expertise ;
Vu l'ordonnance en date du 18 mai 1994 du président de la première chambre de la cour fixant au 30 juin 1994 la date de la clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 juin 1994, présenté pour la SOCIETE ANONYME INTERBAIL qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 1995 :
- le rapport de M. LEPLAT, président-rapporteur;
- les observations Me X..., pour la SOCIETE ANONYME INTERBAIL ;
- et les conclusions de M. LABORDE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par son arrêt susvisé, la cour a, d'une part, déclaré l'Etat responsable du préjudice subi par la SOCIETE ANONYME INTERBAIL du fait de l'illégalité fautive entachant l'arrêté en date du 8 octobre 1976 par lequel le préfet des Landes avait autorisé la réalisation d'une micro-centrale électrique et, d'autre part, ordonnée une expertise sur le montant du préjudice ; que, par les motifs du même arrêt qui constituent le support nécessaire du dispositif susrappelé, la cour a estimé que le préjudice de la SOCIETE ANONYME INTERBAIL était celui qu'elle subissait en tant que propriétaire des installations litigieuses devenues inexploitables ;
Considérant que le propriétaire d'une installation inexploitable du fait de l'administration a droit à une indemnité correspondant à la valeur de cette installation ; qu'en revanche, il ne saurait demander l'attribution d'une indemnité pour pertes de loyer venant s'ajouter à l'indemnité qui correspond à la valeur de l'immeuble; qu'en admettant même que les sommes que le preneur est tenu de verser, en vertu d'un contrat de crédit-bail immobilier et jusqu'au terme de celui-ci, à l'organisme financier propriétaire de l'installation qui fait l'objet de ce contrat n'aient pas exclusivement le caractère d'un loyer mais doivent être regardées comme constituant également la contrepartie des prestations de nature financière dont bénéficie le crédit-preneur, leur versement n'est pas directement lié à l'exploitation de l'installation et leur perte ne peut, par suite, être regardée comme la conséquence directe de l'illégalité qui est à l'origine de l'impossibilité de l'exploitation de l'installation; qu'ainsi, la SOCIETE ANONYME INTERBAIL n'est pas fondée, alors qu'au surplus il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait perdu toute chance de recouvrer ces sommes de la société partie au contrat de crédit-bail, à demander une indemnité correspondant à la part excédant la valeur de l'installation des sommes qu'aurait dû lui verser le crédit-preneur jusqu'au terme du contrat ; que pour les mêmes raisons, la société requérante n'est pas davantage fondée à demander que soient retenues, pour la détermination de la valeur de l'installation, les sommes correspondant à des impayés du titulaire d'un premier contrat de crédit-bail immobilier et à des indemnités dues au titre du même contrat, intégrés dans le prix servant d'assiette à un second contrat de crédit-bail relatif aux mêmes installations ainsi qu'à des frais de préfinancement, qui, si elles sont à prendre en compte pour la détermination du coût de l'opération de crédit-bail, sont sans rapport avec la valeur de l'installation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise établi en exécution de l'arrêt susvisé, que la valeur des éléments immobiliers des installations litigieuses s'élève à la somme de 3.794.233 F ; que contrairement à ce que soutient la SOCIETE ANONYME INTERBAIL, cette somme comprend le prix d'achat du terrain d'assiette des installations; qu'il n'y a pas lieu de retenir, pour la détermination de cette somme la totalité des factures produites par la société requérante, dès lors que certaines d'entre elles ne peuvent être regardées de manière certaine comme correspondant dans leur totalité à des travaux relatifs aux installations en cause et que les prix qui figurent sur d'autres sont manifestement excessifs; que doivent être déduites de cette somme, d'une part, celle, non contestée, de 35.000 F correspondant au prix de cession des installations après la fin de leur utilisation et, d'autre part, celle de 695.433 F correspondant à leur amortissement, lequel doit être calculé, comme l'a fait l'expert dans son rapport susmentionné, en fonction de la durée normale d'utilisation et non, comme le soutient la société requérante, selon les modalités particulières retenues pour les évaluations successives du prix de rachat dans le contrat de crédit-bail ; qu'en revanche la SOCIETE ANONYME INTERBAIL est fondée à soutenir que la somme de 654.000 F, relative à des travaux de renforcement ou d'amélioration des installations, dont la nécessité n'est pas contestée, doit être rajoutée à la somme susmentionnée ; que, dans ces conditions, l'indemnité correspondant à la valeur des installations immobilières doit être fixée à la somme de 3.727.800 F ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE ANONYME INTERBAIL, qui est constituée sous la forme d'une société immobilière pour le commerce et l'industrie a fait l'acquisition, le 1er juin 1984, des matériels d'équipement de la micro-centrale litigieuse et du fonds de commerce par le jeu de la garantie accordée à une société liée à l'exploitant des installations litigieuses par un contrat de crédit-bail mobilier ; qu'elle en est, ainsi, devenue propriétaire à une date où elle ne pouvait ignorer le caractère inexploitable de l'installation et en exécution de stipulations contractuelles dont la mise en jeu ne peut être regardée comme résultant directement de l'illégalité de l'arrêté préfectoral susévoqué ; que, dès lors, elle n'est fondée à demander aucune indemnité au titre de la perte de valeur de ces matériels et du fonds de commerce ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les études effectuées à la demande de la SOCIETE ANONYME INTERBAIL par différents géomètres, ingénieurs-conseil ou bureaux d'étude, à l'exception de celle, d'un coût de 19.521,26 F, qui était uniquement relative aux équipements et matériel, ainsi que l'expertise effectuée en exécution d'une ordonnance en date du 27 avril 1984 du président du tribunal administratif de Pau, ont été utiles à la solution du présent litige ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander, au titre de ces études et de cette expertise les sommes respectives de 181.916,44 F et de 47.161,40 F ;

Considérant que les frais de travaux et les honoraires de géomètre engagés par la SOCIETE ANONYME INTERBAIL à la suite de l'arasement par dynamitage, en septembre 1983, du barrage faisant partie des installations litigieuses sont la conséquence de l'exécution d'un jugement du tribunal administratif de Pau prononçant une condamnation pour contravention de grande voirie; qu'ainsi que la cour l'a expressément jugé par son arrêt susvisé, cette exécution n'a présenté aucun caractère fautif ; qu'il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à demander une indemnisation de ces frais et honoraires ;
Considérant que la SOCIETE ANONYME INTERBAIL demande que soient comprises dans l'indemnité qui doit lui être allouée des sommes correspondant à des frais d'assurances et de gardiennage et à diverse redevances et impositions locales ; que certaines de ces dépenses sont exclusivement relatives à l'assurance et à la surveillance des matériels et ne sauraient, dès lors, être retenues ; que, si la société requérante soutient à bon droit qu'elle n'était pas normalement redevable de certaines autres de ces dépenses et si elle justifie, du moins dans la plupart des cas, qu'elle les a effectivement supportées, elle n'établit pas l'existence d'un lien de causalité direct entre ces charges et la faute retenue à l'encontre de l'Etat ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, certaines de ces dépenses, telle la taxe foncière, incombent normalement à tout propriétaire et ne sauraient être rajoutées à l'indemnité correspondant à la valeur totale de l'immeuble ; qu'ainsi, cette demande doit être rejetée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à la SOCIETE ANONYME INTERBAIL une indemnité de 3.956.877,84 F ; que cette société, qui demande par ailleurs les intérêts au taux légal, n'est pas fondée à demander l'indexation de cette somme par application de l'indice du coût de la construction ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais et honoraires de l'expertise effectuée en exécution de l'arrêt susvisé, d'un montant de 15.007,64 F, doivent être mis à la charge de l'Etat ;
Sur les intérêts :
Considérant que la SOCIETE ANONYME INTERBAIL a droit que l'indemnité susmentionnée porte intérêts au taux légal non, comme elle le demande, à compter du 29 août 1984 mais à compter du 3 septembre 1984, date de la réception par l'administration de sa demande préalable d'indemnité ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 25 mars 1987, 27 juin 1988, 4 mai 1990, 8 janvier 1991, 15 janvier 1992 et 11 janvier 1994 ; qu'à chacune de ces dates, à l'exception de celle du 8 janvier 1991, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes, sauf en ce qui concerne celle tendant à la capitalisation au 8 janvier 1991 ;
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la SOCIETE ANONYME INTERBAIL une indemnité de 3.956.877,84 F avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 1984. Les intérêts échus les 25 mars 1987, 27 juin 1988, 4 mai 1990, 15 janvier 1992 et 11 janvier 1994 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Les frais et honoraires de l'expertise, d'un montant de 15.007,64 F, sont mis à la charge de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE ANONYME INTERBAIL est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89BX00827
Date de la décision : 04/05/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-04-03-02-01-04 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - PERTE DE REVENUS - PERTE DE VALEUR VENALE D'UN IMMEUBLE


Références :

Code civil 1154


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LEPLAT
Rapporteur public ?: M. LABORDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1995-05-04;89bx00827 ?
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