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30/05/1995 | FRANCE | N°94BX00665

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3e chambre, 30 mai 1995, 94BX00665


Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET enregistré le 20 avril 1994 au greffe de la cour ;
Le MINISTRE demande à la cour :
1 °) d'annuler le jugement en date du 6 janvier 1994 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a dégrevé la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Midi des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre respectivement de la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1987 par les avis de mise en recouvrement N° 902251 et 902252 du 1er juin 1990 et des années 1984 à

1986 sous les articles n° 55014 et 55016 du rôle de la commune de La...

Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET enregistré le 20 avril 1994 au greffe de la cour ;
Le MINISTRE demande à la cour :
1 °) d'annuler le jugement en date du 6 janvier 1994 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a dégrevé la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Midi des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre respectivement de la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1987 par les avis de mise en recouvrement N° 902251 et 902252 du 1er juin 1990 et des années 1984 à 1986 sous les articles n° 55014 et 55016 du rôle de la commune de Lattes mis en recouvrement le 30 mai 1990 ;
2°) de rétablir les impositions dont le dégrèvement a été ordonné par ledit jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 1995 :
- le rapport de M. LOOTEN, conseiller ; - et les conclusions de M. BOUSQUET, commissaire du gouvernement ;

Sur l'application de la loi fiscale :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 266-1 a. du code général des impôts : "La base d'imposition est constituée : a) pour les livraisons de biens et les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de la livraison ou de la prestation ..." ; qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, pris sur le fondement de l'article 273 dudit code pour l'application de l'article 271 de celui-ci qui a transposé les dispositions de l'article 19-1 de la 6ème directive du conseil des communautés européennes en date du 27 juin 1977 : "Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations égale au montant de cette taxe multiplié par le rapport existant entre le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées" ; qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 256-1 et du 1° de l'article 261 d) du code général des impôts, et de l'article 260 B du même code dans sa rédaction applicable avant le 15 juillet 1991, que les opérations portant sur les devises visées au d) du 1° de l'article 261 C sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée mais peuvent y être assujetties sur option : que, dans ce cas le montant des recettes provenant de ces opérations doit être pris en compte, pour le rapport défini à l'article 212 de l'annexe II précité, tant au numérateur qu'au dénominateur :

Considérant, qu'au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, les opérations de change et notamment de change manuel, même si elles donnent lieu à un contrat d'achat et de vente portant sur les devises, consistent en un échange d'instruments de paiement, dans lequel l'intervention de l'établissement bancaire ne peut être regardée que comme une prestation de service, dont la rémunération est constituée par la commission perçue et le profit de change réalisé ; que, c'est cette rémunération, et non le prix des devises échangées, qui constitue pour l'établissement bancaire qui procède à l'opération tant la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée que la recette ou le chiffre d'affaires au sens de l'article 212 de l'annexe II précité qui a transposé l'article 19-1 de la 6ème directive du conseil des communautés européennes en date du 17 mai 1977, relatif au calcul du prorata de déduction ; que le I de l'article 7 de la loi n° 91-719 du 26 juillet 1991, à caractère interprétatif, dans la mesure où il dispose que les opérations mentionnées au d) du 1° de l'article 261 C du code général des impôts, parmi lesquelles figurent les opérations de change, notamment de change manuel, doivent être regardées comme des prestations de services dont le chiffre d'affaires est constitué par le montant des profits et autres rémunérations, se borne à expliciter la règle de droit déjà applicable, avant l'intervention dudit article, aux opérations de change et ne saurait porter atteinte aux principe de "sécurité juridique" et de "confiance légitime", dont le non-respect ne peut, en tout état de cause, avoir pour effet de faire obstacle à l'application de la loi ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de saisir la cour de justice de la communauté européenne d'une question préjudicielle relative à la conformité au droit communautaire de l'article 7-1 de la loi précitée du 26 juillet 1991, il doit être considéré que pour la période antérieure au 29 juillet 1991, pendant laquelle il résultait des dispositions combinées de l'article 256-I du d) du 1°) de l'article 261 C et de l'article 260 B du code général des impôts que les opérations portant sur les devises, parmi lesquelles les opérations de change manuel étaient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, mais pouvaient être assujetties sur option, cette rémunération constitue le chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, et peut seule figurer tant au numérateur en cas d'option qu'au dénominateur, dans tous les cas, du rapport servant à calculer la fraction de taxe déductible ;
En ce qui concerne la taxe sur les salaires :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 231 du code général des impôts que l'assiette de la taxe sur les salaires due par les personnes ou organismes qui ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement des rémunérations "est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total" ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, que pour le calcul du rapport visé par l'article 231-1 du code général des impôts, il y a lieu d'évaluer le chiffre d'affaires réalisé sur les opérations de change manuel au montant du profit brut réalisé sur ces opérations ; que, par suite, l'administration a fait, en l'occurrence, une correcte application de l'article 231.1 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts pour prononcer les dégrèvements litigieux ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Midi ;
Sur le bénéfice de la doctrine administrative :
Considérant que si l'instruction de la direction générale des impôts 3 L-1-79, en date du 31 janvier 1979 qualifie les opérations de change manuel de "livraisons de biens meubles corporels", cette position n'a été admise qu'au point de vue de la territorialité et du fait générateur de l'impôt, et ne comporte aucune interprétation formelle relative à l'assiette de la taxe ou l'étendue du droit à déduction ;
Sur la demande de compensation présentée par la Caisse :
Considérant que par son mémoire en date du 10 août 1994, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Midi déclare se désister de l'instance ; qu'elle doit ainsi être regardée comme s'étant désistée de ses conclusions reconventionnelles ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Midi est partie perdante en appel ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du MINISTRE DU BUDGET tendant à l'annulation de la condamnation prononcée au profit de la caisse au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que toutefois, le MINISTRE DU BUDGET, qui tient du décret du 29 décembre 1962, le pouvoir d'émettre un titre exécutoire à l'effet d'obtenir le reversement de sommes dont une personne privée est redevable envers l'Etat n'est pas recevable à demander au juge administratif d'ordonner la restitution des sommes en cause ;
Article 1er : Le jugement en date du 6 janvier 1994 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2ème : Les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les salaires auxquels la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Midi a été assujettie au titre respectivement de la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1987 par les avis de mise en recouvrement N° 902251 et 902252 du 1er juin 1990 et des années 1984 à 1986 sous les articles n° 55014 et 55016 du rôle de la commune de Lattes mis en recouvrement le 30 mai 1990 sont remis intégralement à sa charge.
Article 3ème : Le surplus des conclusions du MINISTRE DU BUDGET est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 94BX00665
Date de la décision : 30/05/1995
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITE DES INTERPRETATIONS ADMINISTRATIVES (ART - L - 80 A DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS.


Références :

CGI 266, 273, 260, 256-1, 261, 261 C, 260 B, 231
CGIAN2 212, 261 C
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 62-1529 du 29 décembre 1962
Loi 91-719 du 26 juillet 1991 art. 7, art. 7-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LOOTEN
Rapporteur public ?: M. BOUSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1995-05-30;94bx00665 ?
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