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02/12/1996 | FRANCE | N°94BX00833;94BX00834

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 02 décembre 1996, 94BX00833 et 94BX00834


Vu 1 ) sous le n 94BX00833 la requête enregistrée au greffe de la cour le 18 mai 1994 et complétée le 6 octobre 1994, présentée pour la COMMUNE DE MIREVAL dûment représentée par son maire ;
La COMMUNE DE MIREVAL demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 18 mars 1994 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il l'a condamnée à verser d'une part à la société Sodelor la somme de 673 500 F, avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 1983 et capitalisation des intérêts à la date du 28 septembre 1993, augmentée d'une somme de 10 000 F au titre

de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours admini...

Vu 1 ) sous le n 94BX00833 la requête enregistrée au greffe de la cour le 18 mai 1994 et complétée le 6 octobre 1994, présentée pour la COMMUNE DE MIREVAL dûment représentée par son maire ;
La COMMUNE DE MIREVAL demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 18 mars 1994 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il l'a condamnée à verser d'une part à la société Sodelor la somme de 673 500 F, avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 1983 et capitalisation des intérêts à la date du 28 septembre 1993, augmentée d'une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et à supporter d'autre part les frais d'expertise taxés à la somme de 19 896,58 F ;
- de rejeter la demande de la société SODELOR tendant à l'octroi d'une indemnité à raison du préjudice qu'elle aurait subi du fait des manoeuvres qui ont accompagné la vente des terrains lui appartenant à Mireval ;
Vu 2 ) sous le n 94BX00834, la requête enregistrée au greffe de la cour le 18 mai 1994 et complétée le 4 novembre 1994, présentée pour la S.A.R.L. SODELOR dont le siège social est situé ... à Aigues-Vives (Gard) ;
La S.A.R.L. SODELOR demande à la cour :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 mars 1994 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'Etat et de le réformer en tant qu'il a limité la condamnation de la COMMUNE DE MIREVAL à son égard à la somme de 673 500 F ;
- de condamner l'Etat à lui payer la somme de 46 551 336 F avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 1993 et capitalisation des intérêts à la date du 28 septembre 1993, ainsi que 10 000 F hors taxes au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et de condamner la COMMUNE DE MIREVAL à lui verser la somme de 11 228 478 F, avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 1983 et capitalisation des intérêts à la date du 28 septembre 1983, augmentée d'une somme de 10 000 F hors taxes au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4
novembre 1996 :
- le rapport de Melle ROCA, rapporteur ;
- et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes présentées respectivement par la COMMUNE DE MIREVAL et par la S.A.R.L. SODELOR sont dirigées à l'encontre du même jugement et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Considérant que par un jugement rendu le 18 mars 1994 le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, rejeté les conclusions à fin d'indemnité présentées par la S.A.R.L. SODELOR à l'encontre de l'Etat à raison des conséquences dommageables nées de la mention d'indications considérées comme fausses dans le certificat d'urbanisme négatif à elle délivré le 27 août 1982, d'autre part, condamné la COMMUNE DE MIREVAL à verser à cette même société la somme de 673 500 F en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des manoeuvres qui ont accompagné la vente de terrains lui appartenant situés à Mireval ; que la S.A.R.L. SODELOR demande en appel que l'Etat soit condamné à lui payer une indemnité de 46 551 336 F et que la somme que la COMMUNE DE MIREVAL a été condamnée à lui verser soit portée à 11 228 478 F ; que la COMMUNE DE MIREVAL demande à être déchargée de toute condamnation ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 311-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret n 77-757 du 7 juillet 1977 : "lorsqu'il est prévu que les dispositions du plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ne seront pas maintenues en vigueur à l'intérieur du ou des territoires compris dans la zone (d'aménagement concerté), la décision créant la zone devient caduque si, dans le délai de deux ans à compter de la publication dont elle fait l'objet, le plan d'aménagement de la zone n'est pas approuvé. Le délai peut être prorogé pour une durée d'un an par arrêté du préfet, publié dans les conditions définies à l'article R.311-6. Le point de départ du délai de deux ans mentionné à l'alinéa précédent est le 30 juin 1977, lorsque l'acte créant la zone a été publié avant cette date" ;
Considérant que par un arrêté pris le 12 octobre 1981 le préfet de l'Hérault a constaté, en application de l'article R.311-8 ci-dessus cité, la caducité au 30 juin 1979 de l'arrêté ministériel du 16 mars 1972, modifié le 11 octobre 1973, portant création sur des terrains appartenant à la S.A.R.L. SODELOR de la Z.A.C "Karland-Les Hauts de Mireval" ; que si la S.A.R.L. SODELOR soutient que la constatation de cette caducité a eu pour effet de rendre applicables aux terrains situés dans le périmètre de la zone, jusqu'alors régis par un plan d'aménagement de zone, les dispositions du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE MIREVAL publié le 12 janvier 1976 et approuvé le 22 janvier 1980, il résulte de l'instruction et notamment du plan de zonage annexé au plan d'occupation des sols fourni par l'administration que ledit plan, qui est intervenu après la création de la Z.A.C, ne comportait pas de dispositions régissant les terrains compris à l'intérieur de cette zone ; que, par suite, en l'absence de telles dispositions, c'est à bon droit que le préfet de l'Hérault a indiqué, dans le certificat d'urbanisme négatif délivré à la S.A.R.L. SODELOR le 27 août 1982, que s'appliquaient aux terrains dont s'agit les dispositions du règlement national d'urbanisme ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date du certificat contesté : "le certificat d'urbanisme indique, en fonction du motif de la demande, si, compte tenu des dispositions d'urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété applicables à un terrain, ainsi que de l'état des équipements publics existants ou prévus, et sous réserve de l'application éventuelle des dispositions législatives et réglementaires relatives aux zones d'aménagement concerté, ledit terrain peut ... a) être affecté à la construction ; b) être utilisé pour la réalisation d'une opération déterminée, notamment d'un programme de construction défini en particulier par la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors oeuvre" ; que, par ailleurs, aux termes de l'article L. 421.5 du même code : "Lorsque, compte tenu de la destination de la construction projetée, les travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte de ladite construction, le permis de construire ne peut être accordé si l'autorité qui le délivre n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de services publics lesdits travaux doivent être exécutés" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les terrains visés dans la demande présentée par la S.A.R.L. SODELOR, destinés à la réalisation dans les secteurs 4, 5 et 6 de l'ancienne Z.A.C d'un village touristique et d'une zone hôtelière, n'étaient desservis que par une seule voie privée de 2,7 kilomètres ; que le poste de transformation situé sur les lieux n'aurait permis l'alimentation en électricité que de quatre constructions ; que le forage et la station de pompage réalisés par une compagnie privée alimentaient le lotissement "Les Hauts de Mireval" ; qu'il n'est pas contesté qu'il n'existait aucun réseau public de distribution d'eau et d'assainissement, à l'exception du réseau d'assainissement desservant le lotissement précité ; que le préfet n'était pas en mesure de préciser dans quel délai et par quelle collectivité publique les travaux correspondants pouvaient être exécutés ; qu'il a pu, dès lors, au vu de ces éléments, légalement déclarer ces terrains inconstructibles ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ne peut être retenue ;
Sur la responsabilité de la COMMUNE DE MIREVAL :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif dont la mission a été modifiée par le Conseil d'Etat, que l'intervention, jugée fautive, du maire de Mireval qui a annoncé le 13 mai 1982 avant la date fixée pour l'adjudication d'une partie des terrains situés dans l'ancienne Z.A.C, que la commune exercerait son droit de préemption, a été de nature à elle seule à dissuader un certain nombre d'acheteurs potentiels de prendre part à l'opération et de contribuer, par le jeu normal des enchères, à augmenter le prix que la collectivité aurait à verser au cas où elle userait de son droit de préemption ; que la circonstance que les terrains dont s'agit ont été incorporés dans une Z.A.D avant qu'ait lieu d'adjudication est sans influence en l'espèce dès lors que la commune avait fait part de son intention de préempter dès le 13 mai 1982 avant la création de ladite Z.A.D ;
Considérant que pour déterminer le montant qui aurait été atteint par les enchères en l'absence de toute intervention du maire et fixer, par voie de conséquence, le montant de la réparation devant être accordée à la S.A.R.L. SODELOR, les premiers juges se sont référés, en l'absence de toute vente de terrains dans la zone géographique concernée au cours de l'année 1982, aux éléments figurant dans l'acte d'échange conclu le 3 juillet 1984 entre la COMMUNE DE MIREVAL et la société Good Year, lequel intéressait des terrains situés dans l'ancienne Z.A.C ; qu'à partir de ces éléments ils ont arrêté le prix des terrains dont s'agit à 7,50 F le mètre carré, après avoir pris en compte la plus-value apportée par les aménagements réalisés et avant d'opérer un abattement de 15 % lié au fait que le prix des ventes par adjudication entraîne le plus souvent une offre de prix inférieure au prix du marché ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment des données figurant dans le rapport de l'expert, que ce prix serait excessif ainsi que le soutient la commune, ou bien insuffisant comme le prétend la S.A.R.L. SODELOR ; que cette dernière ne saurait valablement, pour justifier son affirmation, prendre pour référence le prix du mètre carré qui a été retenu lors d'une cession amiable de deux parcelles situées dans l'ancienne Z.A.C qu'elle a consentie à l'Etat pour l'aménagement d'une route nationale, ledit prix résultant d'un arrangement entre les parties intéressées dont les termes exacts ne sont pas connus et correspondant à des terrains qui, par leur situation et au regard de l'objet de l'opération projetée, avaient une valeur différente de celle de l'ensemble des terrains dont s'agit ; que, dès lors, le tribunal administratif a fait une juste appréciation du préjudice subi par la S.A.R.L. SODELOR en le fixant, selon les conditions ci-dessus énoncées, à la somme de 673 500 F ;
Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la S.A.R.L. SODELOR a demandé le 23 décembre 1995 la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le tribunal administratif de Montpellier lui a accordée ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas été encore exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts à compter de la première capitalisation ordonnée par le tribunal administratif au 28 septembre 1993 ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation". Considérant que la S.A.R.L. SODELOR et la COMMUNE DE MIREVAL succombent dans la présente instance ; que leurs demandes tendant au bénéfice des dispositions ci-dessus citées ne peuvent donc qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la S.A.R.L. SODELOR à payer à l'Etat la somme que celui-ci réclame au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a engagés ;
Article 1er : Les intérêts afférents à l'indemnité de 673 500 F que la COMMUNE DE MIREVAL a été condamnée à verser à la S.A.R.L. SODELOR par l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 mars 1994, et échus le 23 décembre 1995, seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : La requête de la COMMUNE DE MIREVAL, le surplus de la requête de la S.A.R.L. SODELOR et les conclusions du ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement et des transports tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administrative d'appel sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94BX00833;94BX00834
Date de la décision : 02/12/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ABSENCE D'ILLEGALITE ET DE RESPONSABILITE.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - REGLES GENERALES D'UTILISATION DU SOL - REGLES GENERALES DE L'URBANISME - REGLEMENT NATIONAL D'URBANISME.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - APPLICATION DES REGLES FIXEES PAR LES P - O - S - OPPOSABILITE DU P - O - S.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PROCEDURES D'INTERVENTION FONCIERE - PREEMPTION ET RESERVES FONCIERES - DROITS DE PREEMPTION - DROIT DE PREEMPTION URBAIN (LOI DU 18 JUILLET 1985).

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PROCEDURES D'INTERVENTION FONCIERE - OPERATIONS D'AMENAGEMENT URBAIN - ZONES D'AMENAGEMENT CONCERTE (Z - A - C - ) - PLAN D'AMENAGEMENT DE ZONE (P - A - Z - ) - EFFETS.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - CERTIFICAT D'URBANISME - CONTENU.


Références :

Arrêté du 16 mars 1972
Code civil 1154
Code de l'urbanisme R311-8, L410-1, L421
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 77-757 du 07 juillet 1977


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Melle ROCA
Rapporteur public ?: M. CIPRIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1996-12-02;94bx00833 ?
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