Vu la requête et le mémoire ampliatif enregistré au greffe de la cour le 12 avril 1995 et le 19 juin 1995, présentés pour l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES (O.M.I.) ;
L'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 8 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé le titre exécutoire émis le 25 mars 1993 par l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES à l'encontre de la société Gardiol ;
2 ) de rejeter la demande formée par la société Gardiol devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3 ) de condamner la société Gardiol au paiement d'une somme de 12.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 1996 :
- le rapport de M. VIVENS, rapporteur ;
- et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aucune disposition ne prescrit que les délégations de signature accordées par le directeur de l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES, établissement public national, fassent l'objet d'une publication au Journal Officiel ; que la délégation de signature consentie le 26 octobre 1992 par le directeur à M. Bernard Y..., chef du service de l'intégration, a fait l'objet d'une publication dans les bulletins officiels du ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et du ministère des affaires sociales ; que dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la diffusion de ces bulletins, cette publication a été suffisante pour rendre cette délégation de signature opposable aux employeurs utilisant une main-d'oeuvre étrangère ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur l'insuffisance de la publicité donnée à la délégation de signature dont bénéficiait M. Y... pour annuler l'état exécutoire émis le 25 mars 1993 à l'encontre de l'entreprise Gardiol ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'entreprise Gardiol tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Sur la régularité de l'état exécutoire :
Considérant qu'aux termes de l'article R.341-20 du code du travail : "Le directeur peut déléguer ses pouvoirs pour des affaires déterminées à tout agent de l'office" ; que ces dispositions autorisaient le directeur de l'office des migrations internationales à déléguer à M. Bernard Y..., chef du service de l'intégration, le pouvoir de signer les décisions d'application de la contribution prévue par l'article L.341-7 du code du travail et les titres de recouvrement correspondants ;
Considérant que la contribution spéciale mise à la charge de la société Gardiol concerne deux travailleurs turcs en situation irrégulière ; qu'elle n'excède pas la limite de "trois infractions pour un même employeur" fixée par la délégation consentie à M. Y... ;
Considérant que par une lettre du 13 décembre 1991, le directeur départemental du travail et de l'emploi de l'Hérault a informé la société Gardiol de la mise en oeuvre de la procédure de recouvrement de la contribution spéciale et lui a indiqué qu'elle disposait d'un délai de quinze jours pour lui faire parvenir ses observations ; que, dès lors, la procédure contradictoire établie par l'article R.341-33 du code du travail a été respectée ; que, du reste, la société Gardiol a fait valoir ses observations par une correspondance du 8 janvier 1992 ;
Considérant que l'état exécutoire émis le 25 mars 1993 par le directeur de l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES à l'encontre de la société Gardiol comporte l'indication des éléments de liquidation des sommes dues, la mention des textes applicables et le relevé des infractions, par référence au procès-verbal établi le 27 août 1991 ; que cette motivation répond aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant que la société Gardiol ne saurait utilement se prévaloir du fait que le procès-verbal établi par l'inspecteur du travail aurait méconnu une circulaire DPM n 90-919 ; dès lors que celle-ci n'a qu'un caractère interprétatif ;
Sur le bien-fondé de l'état exécutoire :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.341-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : "Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France" ; que l'article L.341-7 du même code dispose : "Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l article L.341-6 premier alinéa sera tenu d'acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES ..." ;
Considérant que l'inspecteur du travail a constaté le 27 août 1991 la présence, sur le chantier de construction d'une micro-centrale à Saint-Guilhem-le-Désert, de deux ressortissants turcs démunis le titre de travail ; que ces ouvriers étaient encadrés par la maîtrise de la société Gardiol et inclus dans les équipes de l'entreprise et qu'ils utilisaient le matériel de la société Gardiol ; que si l'entreprise soutient que ces ressortissants turcs étaient salariés d'un sous-traitant, M. X..., ce dernier n'était pas présent sur le chantier ; que la sous-traitance n'était pas mentionnée sur le chantier et n'avait qu'un caractère fictif, compte tenude la subordination existant entre les travailleurs incriminés et l'entreprise Gardiol ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES à la demande de la société Gardiol, que l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'état exécutoire émis le 25 mars 1993 à l'encontre de la société Gardiol ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Gardiol à payer à l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES la somme de 5.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, par contre, ces dispositions font obstacle à ce que l'OFFICE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la société Gardiol la somme qu'elle réclame à ce titre ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 8 février 1995 est annulé.
Article 2 : La demande formée par la société Gardiol devant le tribunal administratif de Montpellier et ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.
Article 3 : La société Gardiol est condamnée à verser à l'office des migrations internationales la somme de 5.000 F (cinq mille francs) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.