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20/03/1997 | FRANCE | N°94BX01726

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 20 mars 1997, 94BX01726


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 21 novembre 1994, présentée par la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE, représentée par son maire en exercice ;
La commune demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 7 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre les sociétés Arici et Fils, Lamecol, Sud Ouest Etanchéité, Pascual Frères, Chaveron et Bureau Veritas et tendant à leur condamnation solidaire à réparer les désordres qui affectent la salle polyvalente à la construction de laquelle ils ont participé ;
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de condamner solidairement la SCP Chaveron et le Bureau Veritas pour faute, ...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 21 novembre 1994, présentée par la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE, représentée par son maire en exercice ;
La commune demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 7 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre les sociétés Arici et Fils, Lamecol, Sud Ouest Etanchéité, Pascual Frères, Chaveron et Bureau Veritas et tendant à leur condamnation solidaire à réparer les désordres qui affectent la salle polyvalente à la construction de laquelle ils ont participé ;
- de condamner solidairement la SCP Chaveron et le Bureau Veritas pour faute, et les sociétés Arici et Fils, Lamecol, Sud Ouest Etanchéité et Pascual Frères sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, à lui payer la somme de 1.241.890 F, indexée sur l'évolution de l'indice du bâtiment, correspondant au coût des travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres, et la somme de 100.000 F en réparation du trouble de jouissance subi ;
- de condamner solidairement les parties défenderesses à lui payer la somme de 50.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 1997 :
- le rapport de M. BEC, rapporteur ;
- les observations de Me NOVO, avocat de la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE ;
- les observations de Me DUPOUY, avocat de la société Arici et Fils ;
- les observations Me MILON substituant Me LATOURNERIE, avocat de la SCP Chaveron ;
- les observations de M. X... pour la SCP Barrière Eyquem, avocat de la société Lamecol ;
- les observations de Me MONET, avocat de la société Sud Ouest Etanchéité ;
- les observations de Me Y... pour la SCP Guy Vienot-Bryden, avocat du Bureau Veritas ;
- et les conclusions de M. BRENIER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE a confié les travaux de construction d'une salle de sports aux entreprises Arici et Fils pour les travaux de maçonnerie, et Lamecol pour les travaux de charpente, la SCP d'architecture Chaveron assurant une mission d'ingénierie et d'architecture, et le Bureau Veritas, celle de contrôle de la solidité des ouvrages et des équipements liés ; que, dès avant la réception de l'ouvrage, des déformations de la toiture ont donné lieu, de la part du maître de l'ouvrage, à des réserves, levées lors de la réception, prononcée le 24 novembre 1985, sur l'assurance de l'architecte et du Bureau Veritas que ces déformations n'avaient qu'un caractère esthétique, et ne compromettaient pas sur la solidité de l'ouvrage ; qu'à partir d'août 1989, la commune a constaté des infiltrations répétées, ainsi que la fissuration des murs pignons ;
Sur la responsabilité :
Considérant que la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE, tant devant le tribunal que devant la cour, recherche la responsabilité solidaire de l'architecte et du Bureau Veritas, sur le fondement de la responsabilité pour faute, et des sociétés Arici et Fils, Lamecol, Sud Ouest Etanchéité et Pascual Frères, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs ;
En ce qui concerne la responsabilité décennale des entreprises :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la cause de la déformation de la couverture de la salle polyvalente réside dans l'affaissement des fondations des murs pignons, lesquels, en s'inclinant, ont imposé des contraintes anormales à la charpente, aggravées par la rigidité des liaisons entre les murs et la charpente, d'une part, entre les différents éléments de la charpente, d'autre part ; que ces déformations sont à l'origine des infiltrations répétées constatées par la commune, et d'une fatigue prématurée de la charpente, consécutive aux contraintes anormales qui lui sont imposées ; que si la déformation de la toiture était apparente lors de la réception, ses causes et la gravité de ses conséquences ne sont apparues que postérieurement ; que ces désordres, que le maître de l'ouvrage n'était pas en mesure de connaître dans toute leur étendue et conséquences lors de la réception, sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et à le rendre impropre à sa destination ; qu'ils sont ainsi au nombre des désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs ; que, par suite, la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation des entreprises, au motif que les désordres étaient apparents lors de la réception ;
Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, et l'affaire étant en l'état, de statuer sur l'ensemble des moyens et des conclusions présentés par la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE ;

Considérant, d'une part, que la réalisation des fondations et des murs pignons incombait à la société Arici et Fils ; qu'il résulte de l'instruction que les fondations ont été réalisées dans de mauvaises conditions climatiques, empêchant un régalage et un compactage corrects des fonds de fouille, et que les murs pignons ont été montés sans coordination suffisante avec la réalisation de la charpente ;
Considérant, d'autre part, que la réalisation de la charpente par la société Lamecol a comporté une liaison entre pannes de nature à accentuer leur déformation, contraire aux recommandations du Bureau Veritas ;
Considérant que ces vices de construction sont la conséquence de fautes dans l'exécution des travaux, imputables à l'entreprise Arici et Fils et à la société Lamecol, de nature à engager la responsabilité décennale de ces entreprises à l'égard de la COMMUNE DE MARTIGNAS, maître de l'ouvrage ; que la société Arici et Fils n'établit pas que le maître de l'ouvrage serait intervenu dans la réalisation des fondations pour imposer leur achèvement dans de mauvaises conditions ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir de son absence à l'expertise ordonnée en référé, versée aux débats ; que la circonstance qu'une réfaction aurait été opérée sur le montant du marché, est sans influence sur sa responsabilité envers le maître de l'ouvrage ;
Considérant en revanche qu'il ne ressort pas de l'instruction que les conditions dans lesquelles sont intervenues les entreprises Sud Ouest Etanchéité et Pascual Frères, pour la réalisation de la zinguerie et de la couverture, aient pris une part dans l'apparition des désordres, qui ne peuvent, par suite, engager la responsabilité de ces deux entreprises ;
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de l'architecte et du Bureau Veritas :
Considérant que la circonstance que le Bureau Véritas et la SCP Chaveron auraient manqué, vis-à-vis de la COMMUNE DE MARTIGNAS, à une obligation de conseil et d'assistance en minimisant les conséquences de la déformation de la toiture et en l'incitant, par là même, à lever, lors de la réception, les réserves formulées, cette faute n'a occasionné à la commune aucun préjudice dès lors que, ainsi qu'il a été précédemment dit, le maître de l'ouvrage était recevable à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs et qu'au surplus le dommage subi par ladite commune résulte non des conditions dans lesquelles la réception a été prononcée mais des désordres qui se sont ultérieurement manifestés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer l'entreprise Arici et Fils ainsi que la société Lamecol solidairement responsables des désordres litigieux et de rejeter les conclusions présentées contre les autres constructeurs ;
Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le montant des travaux nécessaires pour mettre un terme aux désordres constatés, et qui consistent, après dépose de la toiture existante, à reprendre les portiques de charpente, à renforcer les murs pignons et à redresser les chéneaux, peuvent être évalués à 354.000 F hors taxes ; que si l'expert a admis une variation de 5 % de cette évaluation, pour tenir compte des résultats d'une éventuelle consultation des entreprises, il ne ressort pas de l'instruction que la commune ait procédé à une telle consultation ; que le montant des travaux effectués par la commune de sa seule initiative, et qui inclut la réfection de certaines parties de l'installation électrique, ne permet pas de regarder l'évaluation proposée par l'expert comme insuffisante, dès lors qu'il concerne des travaux différents de ceux préconisés par l'expert, et dont la nécessité n'est pas établie ;
Considérant qu'il appartenait à la commune de procéder aux réparations dès que les causes des désordres et les moyens d'y remédier étaient connus, soit à la date du dépôt du rapport de l'expert ; que, par suite, celle-ci n'est pas fondée à réclamer que le montant des travaux fixé par l'expert soit réévalué sur la base de l'évolution d'un indice de la construction ;
Considérant enfin que si la commune soutient avoir subi, du fait des troubles de jouissance qu'elle invoque, un préjudice qu'elle évalue à 100.000 F, elle n'établit pas l'existence de perturbations dans l'utilisation effective de ladite salle ;
Considérant par suite qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en fixant à la somme de 425.000 F toutes taxes comprises, augmentée des intérêts à compter du 31 juillet 1992, date de leur demande devant le tribunal administratif de Bordeaux, le montant de l'indemnité que l'entreprise Arici et Fils et la société Lamecol devront payer solidairement à la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais et honoraires de l'expertise, effectuée en exécution de l'ordonnance du 10 octobre 1990, taxés et liquidés à la somme de 25.813,52 F doivent être mis à la charge solidaire de l'entreprise Arici et Fils et de la société Lamecol ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que l'entreprise Arici et Fils et la société Lamecol succombent dans la présente instance ; que leur demande tendant à ce que la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE soit condamnée à leur verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la SCP Chaveron, du Bureau Veritas, de la société Sud Ouest Etanchéité et de l'entreprise Pascual Frères ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner solidairement l'entreprise Arici et Fils et la société Lamecol à payer à la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE la somme de 10.000 F ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 7 juillet 1994 est annulé.
Article 2 : L'entreprise Arici et Fils et la société Lamecol sont condamnées solidairement à payer à la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE la somme de 425.000 F, augmentée des intérêts à compter du 31 juillet 1992.
Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 25.813,52 F sont mis à la charge, solidairement, de l'entreprise Arici et Fils et de la société Lamecol.
Article 4 : L'entreprise Arici et Fils et la société Lamecol paieront solidairement à la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE la somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Les conclusions présentées par le Bureau Veritas, la SCP Chaveron, l'entreprise Pascual Frères et la société Sud Ouest Etanchéité sont rejetées.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE MARTIGNAS-SUR-JALLE est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 94BX01726
Date de la décision : 20/03/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - QUESTIONS GENERALES - RECEPTION DES TRAVAUX.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - CHAMP D'APPLICATION.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - CHAMP D'APPLICATION.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ARCHITECTE - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BEC
Rapporteur public ?: M. BRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1997-03-20;94bx01726 ?
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