Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 3 octobre 1995, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU PLAN qui demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 8 juin 1995 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a réduit les bases d'imposition de l'impôt sur le revenu assignées à M. et Mme X... au titre des années 1989 et 1990 d'une somme respective de 240 000 F et 136 000 F, et déchargé les intéressés des droits correspondant à cette réduction ;
- de rétablir M. X... au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1989 et 1990 à concurrence du montant de la décharge prononcée par les premiers juges ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;
Vu le décret n 49-1473 du 14 novembre 1949 relatif à la coordination et à l'harmonisation des transports ferroviaires et routiers ;
Vu le décret n 86-567 du 14 mars 1986 relatif aux transports routiers de marchandises ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 1997 :
- le rapport de Melle ROCA, rapporteur ;
- les observations de Mme X... ;
- et les conclusions de M. VIVENS, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'article 39-1 du code général des impôts dispose : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : ...5 les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou des charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ..." ; qu'aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III du même code, dans sa rédaction applicable en 1989 et 1990 : "La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donne lieu à constitution de provisions dans les conditions prévues au 5 du 1 de l'article 39 ... du code général des impôts" ;
Considérant qu'au mois de mai 1986 M. X... a donné en location-gérance à la S.A.R.L. Transports X... un fonds de commerce de transport routier de marchandises qu'il exploitait jusqu'alors à titre individuel ; qu'au cours des années 1989 et 1990 il a constitué des provisions, d'un montant respectif de 240 000 F et 137 600 F, pour dépréciation des licences de transport ; que l'administration, refusant le principe de ces provisions, a réintégré leur montant dans les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu du contribuable des années 1989 et 1990 ; que par un jugement rendu le 8 juin 1995, dont le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU PLAN fait appel, le tribunal administratif de Pau a admis le bien-fondé desdites provisions et accordé à M. et Mme X... la décharge des droits correspondants au titre de l'impôt sur le revenu des années 1989 et 1990 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que sous l'empire du décret n 49-1473 du 14 novembre 1949 modifié, M. X... bénéficiait de licences de transport zone longue délivrées pour une durée illimitée et qui pouvaient être cédées, à titre onéreux, de manière isolée ; que le nombre global des licences de ce type était limité au plan national dès lors qu'il faisait l'objet d'un contingentement ; que le décret du 14 mars 1986 relatif aux transports routiers de marchandises, pris en application de la loi susvisée du 30 décembre 1982, a substitué à ce régime un système reposant sur des autorisations de transport délivrées par le préfet de région en fonction des nécessités économiques ; que si ces autorisations ont une durée de validité non limitée, elles ne peuvent être cédées indépendamment de la totalité du fonds de commerce auquel elles sont attachées ; qu'ainsi si les licences de transport zone longue régies par le décret de 1949 précité sont restées en vigueur jusqu'au 1er janvier 1996, les entreprises de transport ont pu, dès l'entrée en vigueur du décret du 14 mars 1986, solliciter gratuitement auprès de l'administration la délivrance d'autorisations de transport sous réserve de justifier de leur activité passée et des besoins de capacité de transport liés au développement attendu de leurs activités, des résultats de leur gestion, du respect des réglementations afférentes aux transports routiers, et de l'acquittement de leurs obligations envers les administrations fiscales et les organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales ; qu'il suit de là que les dispositions de la nouvelle réglementation rendaient probable en 1989 et 1990 une dépréciation des licences de transport ; que, dans ces conditions, M. X... était fondé à constituer au titre de ces deux années, en application de l'article 39-1-5 précité du code général des impôts, une provision, sans que le requérant puisse utilement invoquer la circonstance que l'intéressé aurait retrouvé en 1996 un nombre d'autorisations égal à celui des licences détenues ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU PLAN n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE à payer à M. et Mme X... la somme de 5 000 F au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont engagés ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU PLAN est rejeté.
Article 2 : L'Etat (MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE) versera à M. et Mme X... la somme de 5 000 F (cinq mille francs) sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.