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06/07/1998 | FRANCE | N°95BX00137

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 06 juillet 1998, 95BX00137


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux les 30 janvier et 9 novembre 1995, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE CHATEAUROUX-DEOLS-MONTIERCHAUME pris en la personne de son président, domicilié à la mairie de Châteauroux (Indre) ;
Le syndicat demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 8 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire de la Société d'Equipement de l'Indre (S.E.I.), de l'Etat et des

entreprises Marcel et Colas à lui livrer le canal d'évacuation des ea...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux les 30 janvier et 9 novembre 1995, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE CHATEAUROUX-DEOLS-MONTIERCHAUME pris en la personne de son président, domicilié à la mairie de Châteauroux (Indre) ;
Le syndicat demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 8 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire de la Société d'Equipement de l'Indre (S.E.I.), de l'Etat et des entreprises Marcel et Colas à lui livrer le canal d'évacuation des eaux résiduaires situé sur la zone industrielle, à lui verser 2 253 400 F pour les travaux de remise en état et une indemnité complémentaire de 1 000 000 F avec les intérêts ainsi qu'à supporter les frais d'expertise ;
2 ) de condamner la partie adverse à lui verser 15 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 1998 :
- le rapport de Melle ROCA, rapporteur ;
- les observations de Maître FAU, avocat de la Société d'Equipement de l'Indre ;
- les observations de Maître Y... de la SCP Villatte-Liere-Labonne, avocat de la société Colas centre ouest ;
- les observations de Maître X... de la SCP Abegg-Leguy-Masson, avocat de la société Techna ;
- et les conclusions de M. VIVENS, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un traité de concession en date du 21 juin 1974, le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE CHATEAUROUX-DEOLS -MONTIERCHAUME a concédé à la Société d'Equipement de l'Indre (S.E.I.) l'aménagement de la zone d'aménagement concerté à usage principal d'activités industrielles de La Maltrie ; que l'article 1er du cahier des charges de la concession mettait notamment à la charge de cette société la réalisation d'un canal de raccordement au réseau d'assainissement ; que, pour l'exécution de ces travaux, la S.E.I. a confié l'étude de l'avant-projet à M. Z..., ingénieur-conseil, aux droits duquel vient en appel la société Saunier Techna et sollicité le concours de la direction départementale de l'équipement de l'Indre pour l'étude du projet et la direction des travaux ; qu'elle a également passé un marché avec l'entreprise Marcel, aux droits de laquelle est venue la société des carrières de Clion, en vue de la réalisation des travaux et que, par un avenant à ce marché, les travaux d'étanchéité ont été confiés à la société anonyme Colas centre ouest en tant que sous-traitant agréé ;
Considérant que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE CHATEAUROUX-DEOLS-MONTIERCHAUME sollicite l'annulation du jugement attaqué qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire de la S.E.I., de l'Etat, de la société des carrières de Clion et de la S.A. Colas centre ouest à indemniser le préjudice résultant des malfaçons qui affectent l'ouvrage ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant, d'une part, que le syndicat requérant a produit la délibération qui l'autorise à ester en justice ; qu'il n'était pas tenu de produire cette habilitation dans le délai d'appel ;
Considérant, d'autre part, que la requête qui comprend l'exposé de faits et de moyens et qui déclare, s'agissant des conclusions, solliciter le bénéfice de son recours introductif d'instance, répond aux exigences de l'article R.87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête est recevable ;
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la S.E.I. :
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que prétend la S.E.I., le syndicat requérant a dès sa demande de première instance mis en jeu la responsabilité contractuelle de son mandataire ; que s'il n'a pas invoqué à ce stade de la procédure l'obligation de résultat qui selon lui incomberait à la S.E.I., la nature de cette obligation invoquée pour la première fois en appel ne constitue pas une demande nouvelle ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'ouvrage aurait fait l'objet d'une remise dans les formes prévues par le cahier des charges ; que la réception définitive de l'ouvrage n'a pas été prononcée ; que compte-tenu de la date d'apparition des désordres et de leur persistance, ladite réception ne peut être regardée comme implicitement acquise même si l'ouvrage a été mis en service et le décompte général et définitif des travaux approuvé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu du traité de concession liant le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE CHATEAUROUX-DEOLS-MONTIERCHAUME et la Société d'Equipement de l'Indre, celle-ci avait notamment pour mission de réaliser un canal pour le raccordement au réseau d'assainissement de la zone d'aménagement concertée à usage principal d'activités industrielles de La Maltrie, objet de la concession ; qu'il résulte de l'instruction que l'ouvrage de raccordement livré en 1979 par la S.E.I. présentait dès l'origine des défauts d'étanchéité ; que la société devait en conséquence intervenir auprès des constructeurs pour que ceux-ci remédiassent à ces défauts afin d'assurer un parfait achèvement des travaux ; qu'il résulte du rapport de l'expert qu'en juillet 1984, c'est-à-dire cinq ans après la réception provisoire, une reprise générale de l'étanchéité du canal de raccordement apparaissait nécessaire sans que la S.E.I. ait justifié le retard ainsi apporté à la mise en conformité de l'ouvrage à son usage ; que le cahier des charges de la concession ne confiait au syndicat aucune mission de conception ou de surveillance des travaux ; qu'ainsi, la S.E.I. ne saurait invoquer une faute du syndicat de nature à atténuer sa responsabilité ; que le coût des travaux nécessaires à la mise en conformité de l'ouvrage s'élève selon l'expert désigné par le tribunal administratif à 1.900.000 F H.T. ; qu'il n'est pas établi que les travaux ainsi préconisés ne sont pas de nature à remédier aux désordres ; qu'il n'y a pas lieu d'indexer leur montant sur le coût de la construction dès lors que le syndicat requérant n'allègue pas avoir été dans l'impossibilité de procéder à leur mise en oeuvre lors du dépôt du rapport d'expertise ; que si le syndicat demande une "indemnité complémentaire" de 1.000.000 F avec intérêts de droit il n'assortit ses prétentions d'aucune justification précise ;
Considérant que le syndicat a droit aux intérêts de la somme susmentionnée de 1 900 000 F H.T. à compter du 14 mars 1988, date du dépôt de sa demande introductive d'instance ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 6 août 1997 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ladite demande ;
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la Société d'Equipement de l'Indre les frais de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal administratif ;
En ce qui concerne la responsabilité décennale des constructeurs :
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, l'ouvrage n'a fait l'objet ni d'une remise ni d'une réception définitive, laquelle ne saurait être regardée comme implicitement acquise ; qu'il suit de là que la responsabilité des constructeurs ne peut être recherchée par le syndicat sur le terrain de la garantie décennale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE CHATEAUROUX-DEOLS-MONTIERCHAUME est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Société d'Equipement de l'Indre à lui verser la somme de 1 900 000 F et à supporter les frais d'expertise ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, de réformer le jugement attaqué ;
Sur les conclusions en garantie dirigées par la Société d'Equipement de l'Indre contre l'Etat, la société Saunier Techna, la société des carrières de Clion et la société anonyme Colas centre ouest :
Considérant qu'il résulte du rapport de l'expertise ordonnée en première instance que les désordres ont principalement pour cause les erreurs de conception du maître d'oeuvre, la direction départementale de l'équipement de l'Indre, qui a sous-estimé les sous-pressions auxquelles pourrait être soumis le canal et les défauts d'exécution du caniveau en béton imputables à la société des carrières de Clion ; qu'en outre, la société Colas centre ouest qui a proposé le procédé d'étanchéité et l'a mis en oeuvre, n'a pas attiré l'attention du maître d'oeuvre sur les risques de détérioration en cas de sous-pression ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la S.E.I. aurait eu un rôle dans la survenance des désordres ou qu'elle aurait imposé, comme le soutient la direction départementale de l'équipement de l'Indre, le choix du procédé d'étanchéité ; que l'entretien de l'ouvrage ne lui incombait pas dès lors que sa réception définitive n'avait pas été prononcée ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que M. Z... aux droits duquel vient la société Saunier Techna, aurait, dans la rédaction de l'avant-projet sommaire, commis des erreurs de nature à engager sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner solidairement l'Etat, la société des carrières de Clion et la société Colas centre ouest qui ont tous concouru à la survenance des désordres à garantir la Société d'Equipement de l'Indre de la condamnation prononcée contre elle ;
Sur les conclusions en garantie formées par l'Etat, la société des carrières de Clion et la société Colas centre ouest :
En ce qui concerne l'Etat :

Considérant que, dans les observations qu'il a présentées au tribunal administratif, en réponse à la communication qui lui avait été faite des conclusions de la demande du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE CHATEAUROUX-DEOLS-MONTIERCHAUME dirigées contre l'Etat, le préfet du département de l'Indre a conclu, à titre principal, à ce que lesdites conclusions soient rejetées et à ce que l'Etat soit mis hors de cause et, à titre subsidiaire, à ce que la S.E.I., M. Z..., la société des carrières de Clion et la société Colas centre ouest soient condamnés à garantir l'Etat de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge ; qu'en rejetant, par le jugement susvisé, les conclusions du syndicat dirigées contre l'Etat, le tribunal administratif avait fait droit aux conclusions principales de cette dernière partie et n'avait, par suite, pas eu à se prononcer sur ses conclusions subsidiaires ; que le jugement susvisé devant, en conséquence de ce qui a été dit ci-dessus, être réformé et les conclusions de la demande du syndicat dirigées contre la S.E.I. et les conclusions en garantie de celle-ci contre l'Etat devant être accueillies, la cour se trouve saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, des conclusions subsidiaires d'action récursoire de l'Etat ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, ni la S.E.I. ni M. Z... aux droits duquel vient la société Saunier Techna, n'ont leur responsabilité engagée dans la survenance des désordres ; qu'en revanche, eu égard au rôle de l'Etat de conception, de direction et de surveillance des travaux et aux manquements aux règles de l'art des sociétés des carrières de Clion et Colas centre-ouest dans la réalisation du caniveau en béton et la mise en place du procédé d'étanchéité, il sera fait une juste appréciation des fautes respectives de chacun en condamnant la société des carrières de Clion et la société Colas centre ouest à garantir l'Etat à hauteur de 50 % de la condamnation prononcée contre lui ;
En ce qui concerne la société des carrières de Clion :
Considérant que si la société des carrières de Clion demande à être garantie par l'Etat, ces conclusions qui n'ont pas été présentées devant les premiers juges sont irrecevables ;
En ce qui concerne la société Colas centre ouest :
Considérant que si la société Colas centre ouest demande à être garantie par la société des carrières de Clion à laquelle elle est liée en tant que sous-traitant, ce litige concerne une question de droit privé qui ne ressort pas de la compétence du juge administratif ;
Sur les conclusions au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 susvisé font obstacle à ce que le syndicat requérant qui n'est pas la partie perdante soit condamné à verser à la S.E.I., à la société des carrières de Clion et à la société Colas centre ouest les sommes qu'elles demandent au titre des frais qu'elles ont exposés non compris dans les dépens ;
Considérant que si le syndicat demande que "la partie adverse" soit condamnée à lui verser 15 000 F, il ne précise pas contre qui ces conclusions sont dirigées ; qu'elles sont, par suite, irrecevables ;
Article 1er : La Société d'Equipement de l'Indre est condamnée à verser au SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE CHATEAUROUX-DEOLS-MONTIERCHAUME la somme de 1 900 000 F H.T. (un million neuf cent mille francs hors taxes). Cette somme portera intérêts à compter du 14 mars 1988. Les intérêts échus le 6 août 1997 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée en référé le 16 mai 1984 sont mis à la charge de la Société d'Equipement de l'Indre.
Article 3 : L'Etat, la société des carrières de Clion et la société Colas centre ouest sont condamnés solidairement à garantir la Société d'Equipement de l'Indre de la condamnation prononcée contre elle.
Article 4 : La société des carrières de Clion et la société Colas centre ouest sont condamnées à garantir l'Etat à concurrence de 50 % de la condamnation prononcée contre lui.
Article 5 : Les appels en garantie formés par la société des carrières de Clion et la société Colas centre ouest sont rejetés.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE CHATEAUROUX-DEOLS-MONTIERCHAUME et des conclusions en garantie de l'Etat est rejeté.
Article 7 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Limoges est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 8 : Les conclusions formées au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel par la Société d'Equipement de l'Indre, la société des carrières de Clion et la société Colas centre ouest sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95BX00137
Date de la décision : 06/07/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - CONDITIONS D'EXECUTION DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS EN L'ABSENCE D'ALEAS - MARCHES - MAUVAISE EXECUTION.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RESPONSABILITE DU MAITRE DE L'OUVRAGE DELEGUE A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R87, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Melle ROCA
Rapporteur public ?: M. VIVENS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1998-07-06;95bx00137 ?
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