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05/11/1998 | FRANCE | N°98BX01320

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 05 novembre 1998, 98BX01320


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 24 juillet 1998 sous le n 98BX01320, et son original enregistré le 27 juillet 1998, ainsi que le mémoire rectificatif enregistré le 3 août 1998, présentés pour la Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) représentée par son président en exercice, dont le siège social est ... à Velizy-Villacoublay (Yvelines) ; la COGEMA demande que la cour :
- annule le jugement en date du 9 juillet 1998, par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé, à la demande de

l'Association pour la défense du pays arédien et du Limousin (ADEPAL),...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 24 juillet 1998 sous le n 98BX01320, et son original enregistré le 27 juillet 1998, ainsi que le mémoire rectificatif enregistré le 3 août 1998, présentés pour la Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) représentée par son président en exercice, dont le siège social est ... à Velizy-Villacoublay (Yvelines) ; la COGEMA demande que la cour :
- annule le jugement en date du 9 juillet 1998, par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé, à la demande de l'Association pour la défense du pays arédien et du Limousin (ADEPAL), l'arrêté du 20 décembre 1995 du préfet de la Haute-Vienne autorisant la COGEMA à exploiter un entreposage d'oxyde d'uranium appauvri sur le site industriel de Bessines à Bessines-sur-Gartempe, et a condamné l'Etat à verser à l'ADEPAL la somme de 2.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
- ordonne le sursis à l'exécution de ce jugement, fixe en application de l'article R.142 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel la clôture d'instruction antérieurement au 10 septembre 1998 et subsidiairement pose des questions préjudicielles à la cour de justice des communautés européennes ;
- condamne les associations requérantes à lui verser la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 52-1265 du 29 novembre 1952 ;
Vu la loi n 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée par la loi n 92-646 du 12 juillet 1992 ;
Vu la loi n 76-663 du 19 juillet 1976 ;
Vu la loi n 83-630 du 12 juillet 1983 ;
Vu la loi n 92-3 du 3 janvier 1992 ;
Vu le décret n 55-1064 du 4 août 1955 ;
Vu le décret n 63-1228 du 11 décembre 1963 ;
Vu le décret n 66-450 du 20 juin 1966 modifié par le décret n 88-521 du 18 avril 1988 ;
Vu le décret n 77-1133 du 21 septembre 1977 ;
Vu le code des communes et le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code rural ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 1998 :

- le rapport de D. BOULARD, rapporteur ;
- les observations de Me BRIARD, avocat de la COGEMA ;
- les observations de Me GODARD, avocat de l'ADEPAL et de la FLEPNA ;
- et les conclusions de J-F. DESRAME, commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne l'intervention :
Considérant que la Fédération limousine pour l'étude et la protection de la nature a intérêt au maintien du jugement attaqué ; que, par suite, son intervention est recevable ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté contesté :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, tel qu'il a été complété par la loi n 92-646 du 13 juillet 1992 : "Est un déchet au sens de la présente loi tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon. Est ultime au sens de la présente loi un déchet, résultant ou non du traitement d'un déchet, qui n'est plus susceptible d'être traité dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux" ;
Considérant que par arrêté du 20 décembre 1995, pris sur le fondement de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, le préfet de la Haute-Vienne a autorisé la COMPAGNIE GENERALE DES MATIERES NUCLEAIRES (COGEMA) à exploiter sur le territoire de la commune de Bessines-sur-Gartempe un entreposage de sesquioxyde d'uranium appauvri à l'intérieur du site industriel de Bessines ; que cet oxyde d'uranium appauvri, s'il est issu du traitement par séparation isotopique de l'uranium naturel pour la production de l'oxyde d'uranium enrichi, lequel de par sa concentration accrue en matière fissile est un combustible des réacteurs à eau pressurisée, reste susceptible d'être à son tour enrichi par un procédé de même nature et pour le même usage ; que l'utilisation future par la COGEMA de l'oxyde d'uranium appauvri était visée par la demande de celle-ci et par l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne ; que la circonstance que cette utilisation puisse être différée en considération de données notamment économiques n'est pas de nature à faire regarder l'oxyde d'uranium appauvri dont il s'agit comme un déchet ni à plus forte raison comme un déchet ultime ; que, par suite, la COGEMA est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 20 décembre 1995, le tribunal administratif a estimé qu'avaient été en l'espèce méconnues les dispositions applicables aux déchets, telles celles de l'article 7 de la loi susvisée du 15 juillet 1975 obligeant à soumettre pour avis l'étude d'impact à la commission locale d'information et de surveillance ainsi qu'au conseil municipal de la commune d'implantation et celles du décret n 77-1133 du 21 septembre 1977 exigeant la constitution de garanties financières ; qu'il y a donc lieu d'annuler ce jugement ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'Association de défense du pays arédien et du limousin (ADEPAL) tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel ;
Sur la compétence du préfet :

Considérant, en premier lieu, que l'ADEPAL soutient que le dépôt litigieux est une installation nucléaire de base qui, à ce titre, relève d'une autorisation ministérielle en vertu du décret du 11 décembre 1963 modifié relatif aux installations nucléaires ;
Considérant qu'aux termes de ce décret, les installations qu'il vise "sont des installations nucléaires de base lorsque la quantité ou l'activité totale des substances radioactives pouvant y être détenues est supérieure au minimum fixé dans le type d'installation et le radioélément considéré" par arrêté interministériel ; que selon le b du I de l'article premier de l'arrêté interministériel du 11 mars 1996, que relayent les dispositions de la nomenclature des installations classées notamment dans ses rubriques 1700 et 1711, sont des installations nucléaires de base les dépôts se présentant sous forme de sources non scellées et contenant des radio nucléides du groupe 4 dont l'activité totale est égale ou supérieure à 3700 TBq ; qu'aux termes du 2 de l'annexe II du décret n 66-450 du 20 juin 1966 modifié par le décret n 88-521 du 18 avril 1988, auxquels renvoient et que précisent les dispositions de l'arrêté du 11 mars 1996 et de la nomenclature des installations classées, l'uranium appauvri n'est pas considéré comme un mélange de substances radioactives et reste classé dans le groupe 4 de radiotoxicité la plus faible à la condition que le rapport de l'activité de l'uranium 234 à l'activité de l'uranium 238 ne soit pas supérieur à l'unité ;
Considérant que l'oxyde d'uranium appauvri dont l'entreposage est projeté à Bessines répond à cette dernière condition, ce qui conduit à retenir une activité totale, compte tenu de ce classement et du tonnage autorisé, inférieure au seuil précité ; que si l'ADEPAL fait valoir que la présence d'un isotope artificiel, qui a été tolérée dans une faible proportion par l'arrêté en cause à titre d'impuretés résultant des procédés de traitement, implique que l'oxyde d'uranium appauvri dont il s'agit soit regardé comme un mélange de substances radioactives de radiotoxicités différentes, il ne résulte pas de l'instruction que le total des activités massiques des éléments d'uranium ainsi considérés excède, ni même atteigne, les seuils fixés par l'arrêté susvisé du 11 mars 1996 ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que le classement opéré par les dispositions réglementaires précitées reposerait sur une erreur de fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'installation en cause relèverait du régime des installations nucléaires de base doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 11 du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi susvisée du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l'environnement : "Le préfet statue dans les trois mois du jour de réception par la préfecture du dossier de l'enquête transmis par le commissaire enquêteur. En cas d'impossibilité de statuer dans ce délai, le préfet, par arrêté motivé, fixe un nouveau délai" ;

Considérant que l'ADEPAL soutient que faute d'une motivation suffisante des arrêtés de prorogation, le délai fixé par les dispositions susmentionnées de l'article 11 du décret du 21 septembre 1977 était expiré et le préfet dessaisi de la demande lorsqu'il a statué ; que toutefois, l'expiration de ce délai ne fait pas naître de décision implicite et ne dessaisit pas l'autorité administrative qui reste tenue de statuer sur la demande ; que, dès lors et en tout état de cause, le moyen fondé sur l'article 11 du décret du 21 septembre 1977 ne peut être accueilli ;
Sur la qualité du pétitionnaire :
Considérant que la COGEMA a présenté sa demande d'autorisation en qualité d'exploitante du dépôt d'oxyde d'uranium appauvri ; que la circonstance qu'elle ne serait pas propriétaire des produits entreposés ne lui enlève pas cette qualité ; que l'ADEPAL ne saurait utilement invoquer les dispositions de la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs qui, outre qu'elles ne concernent pas les produits dont l'entreposage est projeté, sont en elles-mêmes sans effet sur la qualification d'exploitant au regard de la législation sur les installations classées ;
Sur la composition du dossier :
Considérant, en premier lieu, que le 4 de l'article 2 du même décret du 21 septembre 1977 précise que, "lorsque l'implantation d'une installation nécessite l'obtention d'un permis de construire, la demande d'autorisation devra être accompagnée ou complétée dans les 10 jours suivant sa présentation par la justification du dépôt de la demande de permis de construire" ; qu'il résulte de l'instruction que la justification du dépôt de la demande de permis de construire a été apportée avant l'autorisation d'exploiter délivrée le 20 décembre 1995 ; que, par suite, la double circonstance que le délai de 10 jours prévu par la disposition précitée n'a pas été respecté et que la justification du dépôt n'aurait pas figuré dans le dossier soumis à l'enquête est sans influence sur la légalité de l'autorisation accordée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la demande de la COGEMA porte mention de ses "capacités techniques et financières" comme l'exige le 5 de l'article 2 du décret du 21 septembre 1977 susvisé ; que le plan d'ensemble visé par le 3 du premier alinéa de l'article 3 de ce même décret a pu être régulièrement produit à une échelle de 1/500, dès lors que l'administration a admis une telle échelle et que les dispositions de cet article applicables à la date de la décision attaquée autorisent une échelle réduite jusqu'au 1/1000 ; que les plans versés au dossier de la demande comportent les indications de la nature de celles requises par les dispositions de l'article 3 susmentionnées du décret du 21 septembre 1977 ; que sur ces documents n'ont pas à figurer, non plus que dans l'étude d'impact ou dans l'étude de danger, les éléments relatifs à d'autres projets d'exploitation, seulement envisagés dans leur principe par la COGEMA et distincts dans leur objet de celui propre à l'installation litigieuse ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 4 du premier alinéa de l'article 3 du décret du 21 septembre 1977 susvisé : "Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement ... L'étude d'impact présente successivement : a) Une analyse de l'état initial du site et de son environnement ... b) Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation.. c) Une analyse de l'origine, de la nature et de la gravité des inconvénients susceptibles de résulter de l'exploitation de l'installation considérée ... d) Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les solutions envisagées, le projet présenté a été retenu ; e) Les mesures envisagées par le demandeur pour supprimer, limiter et si possible compenser les inconvénients de l'installation ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ... g) ...une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets de l'installation sur l'environnement ... Afin de faciliter la prise de connaissance par le public des informations contenues dans l'étude, celle-ci fera l'objet d'un résumé non technique" ;
Considérant que l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête comporte les informations requises par les dispositions réglementaires susmentionnées, informations qui ont fait l'objet du résumé non technique que ces dispositions exigent ; que ces indications sont données avec une précision suffisante eu égard à la nature de l'installation en cause et des produits entreposés ; qu'en particulier et contrairement à ce qui est soutenu par l'ADEPAL, une analyse est faite du point de vue radiologique tant en ce qui concerne l'état initial du site qu'en ce qui concerne les effets de l'installation ; que la circonstance que l'étude d'impact ne décrive pas les effets d'ordre psychologique qui seraient susceptibles d'être attachés à l'exploitation en cause en raison de "l'image du nucléaire" invoquée par l'association, ne l'entache pas d'insuffisance, à supposer même que ces effets puisse avoir une traduction socio-économique ; que cette étude détaille les raisons justifiant le parti retenu ; que la COGEMA n'était pas dans l'obligation de rechercher des solutions alternatives au projet présenté ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les dépenses, lesquelles n'avaient pas à comprendre les frais de transport des produits stockés, aient été sous-estimées ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du 5 du premier alinéa de l'article 3 du décret du 21 septembre 1997 précité : l'étude de danger "d'une part, expose les dangers que peut présenter l'installation en cas d'accident, en présentant une description des accidents susceptibles d'intervenir, que leur cause soit d'origine interne ou externe, et en décrivant la nature et l'extension des conséquences que peut avoir un accident éventuel, d'autre part, justifie les mesures propres à réduire la probabilité et les effets d'un accident, déterminées sous la responsabilité du demandeur. Cette étude précise notamment, compte tenu des moyens de secours publics portés à sa connaissance, la nature et l'organisation des moyens de secours privés dont le demandeur dispose ou dont il s'est assuré le concours en vue de combattre les effets d'un éventuel sinistre ... Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des dangers de l'installation et de leurs conséquences prévisibles ..." ;
Considérant que l'étude de dangers décrit de manière suffisamment précise les risques induits par l'entreposage lui-même, dont ceux liés aux chutes de conteneurs, à leur corrosion ou aux épandages accidentels ; que les risques extérieurs à l'installation y sont également analysés ; que l'étude énonce les mesures propres à réduire la probabilité ou les effets des risques ainsi décrits ; qu'elle expose les divers moyens de secours ; que les données de cette étude correspondent aux caractéristiques de l'installation projetée et à celles de son site ; qu'il n'apparaît pas que, du fait de sa localisation, le site de Bessines soit exposé à un risque de chute d'aéronefs tel qu'il appelle des observations spécifiques ; que l'absence d'analyse des risques liés aux transports hors de l'enceinte de l'exploitation n'entache pas l'étude d'irrégularité ;
Sur la commission d'enquête et l'enquête :
Considérant, en ce qui concerne la commission d'enquête, que le 3ème alinéa de l'article 2 de la loi n 83-630 du 12 juillet 1983 issue du I de l'article 3 de la loi n 95-101 du 2 février 1995, qui prévoit l'établissement d'une liste d'aptitude départementale et oblige à choisir les membres de la commission d'enquête parmi les personnes figurant sur cette liste, n'était pas entré en vigueur faute de décret d'application à la date à laquelle l'arrêté a été pris ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de ses dispositions ne saurait être accueilli ; que si le président du tribunal administratif de Limoges a visé, dans son acte du 14 septembre 1994, la demande du préfet de la Haute-Vienne tendant à ce que soit nommée une commission d'enquête, cette mention ne révèle pas que la décision procédant à la nomination de cette commission et à la désignation de ses membres n'émanerait pas du président du tribunal administratif ; que l'absence d'indication relative à la qualité des commissaires enquêteurs dans la décision susvisée du 14 septembre 1994 ou dans les avis d'enquête publique ne vicie pas de manière substantielle la procédure suivant laquelle l'autorisation contestée a été accordée ; qu'aucun élément du dossier ne permet de mettre en cause l'impartialité des commissaires enquêteurs ; que les doutes émis à cet égard par l'ADEPAL ne suffisent pas à justifier la mesure d'instruction qu'elle demande sur ce point ;

Considérant en ce qui concerne le déroulement de l'enquête que si l'ADEPAL se prévaut de ce qu'aucune permanence n'a été tenue en dehors des jours ouvrables, de ce que le dossier n'était consultable que jusqu'à 16 heures du lundi au jeudi et jusqu'à 15 heures le vendredi et de ce que la commission d'enquête n'était pas présente le 3 décembre 1994 à 9 heures, ces circonstances n'établissent pas, alors que de très nombreuses observations ou oppositions ont été portées sur les registres d'enquête, que des personnes intéressées auraient été empêchées de faire connaître leur avis ; que ne peuvent être utilement invoqués les termes d'une circulaire qui ne visent pas les opérations de la nature de celle en litige ; qu'il n'est pas davantage établi que des pressions de nature à vicier l'enquête publique auraient été exercées ; que ne constitue pas en l'espèce une telle pression, le fait que des plaquettes d'information émanant de la COGEMA ont été déposées, durant un temps limité, dans des locaux où le dossier soumis à l'enquête pouvait être consulté ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en renonçant à organiser, en raison de difficultés pratiques, une réunion publique, le président de la commission d'enquête ait pris une décision entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que si la prolongation de l'enquête a été formalisée par un arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 7 décembre 1994, il ressort des pièces versées au dossier que la décision elle-même de prolonger l'enquête a été prise par la commission d'enquête le 5 décembre 1994 et a d'ailleurs été visée comme telle par ledit arrêté ;
Considérant que la remise tardive du rapport de la commission d'enquête au regard des délais prévus par l'article 7 du décret du 21 septembre 1977 invoqué par l'ADEPAL ne rend pas irrégulière la procédure au terme de laquelle l'arrêté contesté a été pris ;
Sur les consultations et avis :
Considérant, d'une part, que l'ADEPAL conteste la régularité de la délibération du 12 décembre 1994, par laquelle le conseil municipal de Bessines-sur-Gartempe a donné un avis favorable à l'installation de l'entrepôt en cause sur son territoire ; qu'il ressort des éléments du dossier que le conseil municipal s'est prononcé pour un vote à bulletin secret et que ce vote a été précédé d'un exposé du maire ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un conseiller municipal ayant manifesté la volonté de s'exprimer en ait été empêché ; que le moyen tiré du caractère irrégulier de la convocation du conseil municipal n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que la qualité, détenue par trois conseillers municipaux, de salarié ou d'ancien salarié de la COGEMA ne leur conférait pas un intérêt à l'affaire objet de la délibération, au sens de l'article L.121-35 du code des communes ; que la circonstance qu'un autre conseiller municipal ait eu, en qualité d'artisan, à travailler pour la COGEMA, ne lui confère pas davantage un tel intérêt ;

Considérant, d'autre part, que les moyens tirés de l'absence de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'absence de transmission de cet avis au comité départemental d'hygiène manquent en fait ; qu'il n'est pas établi que l'avis des services de la direction régionale de l'environnement aurait été donné dans des conditions irrégulières ; que le préfet a pu légalement statuer sur la demande d'autorisation d'exploiter sans attendre l'avis d'autorités ou d'organismes qu'il n'avait pas lui-même saisis et qu'il n'était pas tenu de saisir ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de la loi du 3 janvier 1992 :
Considérant que si aux termes du I de l'article 1er, applicable à la date de la décision contestée, du décret du 29 mars 1993 relatif aux procédures d'autorisation et de déclaration prévues par l'article 10 de la loi n 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, les installations, ouvrages, travaux et activités nécessaires à l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement doivent respecter les règles de fond prévues par la loi du 3 janvier 1992 susvisée, ils restent toutefois soumis, en vertu de ces mêmes dispositions, "aux seules règles de procédure instituées par la loi du 19 juillet 1976 et le décret du 21 septembre 1977 susvisés" ; que, par suite, les moyens tirés de l'inobservation des règles de procédure spécifique imposées par la loi du 3 janvier 1992 ne sauraient être accueillis ; que les mentions faites en application de ces règles dans le dossier soumis à l'enquête publique, lequel comprend par ailleurs, notamment dans l'étude d'impact, des informations et commentaires suffisants sur les données hydrologiques du site, n'affectent pas la régularité de cette enquête ;
Sur le moyen tiré de l'inobservation de la procédure d'instruction mixte :
Considérant que l'installation d'entreposage en cause n'est pas au nombre des travaux visés par les dispositions de la loi du 29 novembre 1952 sur les travaux mixtes et limitativement énumérés par l'article 4 du décret du 4 août 1955 auquel renvoie cette loi ; que par suite le moyen tiré de l'inobservation de la procédure d'instruction mixte que régissent ces textes doit être écarté ;
Sur les moyens tirés des modifications apportées au projet et d'un détournement de procédure :
Considérant qu'en fixant la composition isotopique de l'uranium appauvri, exprimée non plus pour ses principaux éléments en valeurs moyennes comme dans la demande mais en valeurs maximales afin d'en faciliter le contrôle, et en réduisant les quantités pouvant être stockées, le préfet de la Haute-Vienne, qui est resté dans les limites de ses attributions, n'a pas apporté au projet des modifications de nature à justifier une nouvelle instruction ;
Considérant que la présence, dans les conditions évoquées ci-dessus, d'un isotope artificiel ne révèle pas que l'uranium appauvri dont il s'agit ait une origine et une destination autres que celles indiquées dans la demande et retenues dans l'arrêté attaqué, et ne permet pas d'établir le détournement de procédure allégué ; qu'aucun autre élément du dossier ne permet de tenir pour établi un tel détournement de procédure ;
Sur les autres moyens :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée a pu légalement prévoir comme condition préalable à l'entreposage dont il autorise le principe, l'achèvement du réaménagement de la zone imposé par un arrêté antérieur pris dans le cadre d'une autre exploitation du site ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les prescriptions de l'arrêté contesté tant en ce qui concerne les bâtiments et leurs équipements que les modalités de l'entreposage lui-même sont adaptées à la nature du produit stocké, de radioactivité limitée et de caractère stable ; que ces prescriptions ainsi que les dispositifs de surveillance et de contrôle imposés, notamment quant au suivi des substances entreposées et aux mesures des niveaux de radioactivité, permettent de garantir les intérêts protégés par l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 ; qu'en retenant une limite de dose d'exposition annuelle à l'extérieur de l'installation pour les personnes du public égale à la limite fixée par les dispositions réglementaires en vigueur, le préfet ne s'est pas livré à une inexacte appréciation des risques de l'espèce ; que le principe de précaution mentionné à l'article L.200-1 du code rural, qui n'a pas été méconnu en l'occurence, n'implique pas que des normes d'application future soient anticipées ; qu'ainsi et en tout état de cause, l'association ne peut se prévaloir des limites fixées par la directive 96/29 EURATOM du conseil des communautés européennes du 13 mai 1996, dont le délai de transposition n'est pas expiré ;
Considérant, enfin, que l'ADEPAL ne peut utilement invoquer les stipulations de conventions internationales dans le champ desquelles n'entre pas l'installation projetée ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de la convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination ne peut être accueilli ; qu'en tout état de cause, l'association ne peut utilement se prévaloir ni des stipulations de la convention de Paris du 20 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'ont pas nécessairement pour effet d'imposer aux exploitants la souscription d'une assurance, ni de celles de l'article 5 de la convention de Vienne du 26 septembre 1986 sur l'assistance en cas d'accident nucléaire ou de situation d'urgence radiologique qui régissent uniquement les rapports entre les Etats et l'Agence internationale de l'énergie atomique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ADEPAL n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 20 décembre 1995 ;
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Limoges :
Considérant que dès lors qu'il est statué sur le fond du litige, les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Limoges sont devenues sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la COGEMA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à l'ADEPAL la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner l'ADEPAL à rembourser ces mêmes frais à la COGEMA ;
Article 1er : L'intervention de la Fédération limousine pour l'étude et la protection de la nature (FLEPNA) est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 juillet 1998 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par l'Association pour la défense du pays arédien et du Limousin (ADEPAL) devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) tendant au sursis à exécution du jugement susvisé du tribunal administratif de Limoges.
Article 5 : Les conclusions de la COGEMA et de l'ADEPAL tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 98BX01320
Date de la décision : 05/11/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ELECTRICITE - INSTALLATIONS NUCLEAIRES.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE - ETUDE D'IMPACT.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE - ETUDE D'IMPACT - CONTENU.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE - ETUDE D'IMPACT - CONTENU - CONTENU SUFFISANT.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - CHAMP D'APPLICATION DE LA LEGISLATION.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - CHAMP D'APPLICATION DE LA LEGISLATION - INSTALLATIONS ENTRANT DANS LE CHAMP D'APPLICATION DE LA LOI N° 76-663 DU 19 JUILLET 1976.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS NUCLEAIRES.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - AUTRES MESURES PROTECTRICES DE L'ENVIRONNEMENT - LUTTE CONTRE LA POLLUTION DES EAUX.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - ENQUETE PUBLIQUE PREALABLE AUX TRAVAUX SUSCEPTIBLES D'AFFECTER L'ENVIRONNEMENT (LOI DU 12 JUILLET 1983).


Références :

Arrêté interministériel du 11 mars 1996
Code des communes L121-35
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code rural L200-1
Décret 55-1064 du 04 août 1955 art. 4
Décret 63-1228 du 11 décembre 1963
Décret 66-450 du 20 juin 1966 annexe II
Décret 77-1133 du 21 septembre 1977 art. 11, art. 2, art. 3, art. 7
Décret 88-521 du 18 avril 1988
Décret 93-742 du 29 mars 1993 art. 1
Loi 52-1265 du 29 novembre 1952
Loi 75-633 du 15 juillet 1975 art. 1, art. 7
Loi 76-663 du 19 juillet 1976 art. 1
Loi 83-630 du 12 juillet 1983 art. 2
Loi 91-1381 du 30 décembre 1991
Loi 92-3 du 03 janvier 1992 art. 10
Loi 92-646 du 13 juillet 1992
Loi 95-101 du 02 février 1995 art. 3


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: D. BOULARD
Rapporteur public ?: J-F. DESRAME

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1998-11-05;98bx01320 ?
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