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15/02/1999 | FRANCE | N°96BX30193

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 15 février 1999, 96BX30193


Vu l'ordonnance du 1er septembre 1997 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis à la cour de céans le dossier de la requête des époux KICHENIN en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997 ;
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Paris les 22 janvier 1996 et 1er avril 1996, présentés pour les époux X... demeurant ... (La Réunion) ; les époux X... demandent à la cour :
1) d'annuler le jugement du 22 novembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de

la Réunion a décidé sur renvoi de la cour d'appel de Saint-Denis de...

Vu l'ordonnance du 1er septembre 1997 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis à la cour de céans le dossier de la requête des époux KICHENIN en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997 ;
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Paris les 22 janvier 1996 et 1er avril 1996, présentés pour les époux X... demeurant ... (La Réunion) ; les époux X... demandent à la cour :
1) d'annuler le jugement du 22 novembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a décidé sur renvoi de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion que le terrain correspondant à l'emprise du chemin de fer réunionnais appartenait à l'Etat et a fixé la limite du domaine public maritime avec leur propriété ;
2) de rejeter la demande des services fiscaux de la Réunion devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;
3) de prononcer un non-lieu à statuer ;
4) à titre subsidiaire, de constater qu'ils sont propriétaires de l'emprise du chemin de fer réunionnais ; que la limite de leur propriété en front de mer doit être constituée par une ligne droite allant du chemin Pêcheurs jusqu'à l'extrémité sud de leur propriété et située à 7,40 mètres à partir dudit chemin, au dessous de la clôture et de la haie de filaos ;
5) à titre très subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer la ligne inférieure de la zone des cinquante pas géométriques, correspondant à la limite supérieure du rivage de la mer ;
6) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 10 000 F en application de l'article L.8-1du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu l'ordonnance sur la marine d'août 1681 ;
Vu la loi n 63-1178 du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime ;
Vu la loi n 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ;
Vu le décret du 13 janvier 1922 ;
Vu le décret n 55-885 du 30 juin 1955 ;
Vu le décret du 27 août 1957 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18
janvier 1999 :
- le rapport de M. REY, rapporteur ;
- et les conclusions de M. DESRAME, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant au non-lieu à statuer :
Considérant que, par arrêté du 29 mai 1992, la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion saisie d'un litige opposant les époux X... à l'Etat a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur deux questions préjudicielles touchant à la délimitation du domaine public maritime et à l'interprétation des actes de ventes d'immeubles appartenant à l'Etat ; que ces questions étant toujours pendantes devant la juridiction judiciaire, il y a lieu d'y statuer ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort de l'examen de la copie de la minute de ce jugement qu'il est signé, conformément aux dispositions de l'article R.204 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, par le président de la formation de jugement et le rapporteur ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ledit jugement serait entaché d'irrégularité ;
Au fond :
Considérant que l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion en date du 11 juillet 1980, dont les requérants font état, a été rendu dans un litige relatif à la propriété des époux X... sur des terrains situés dans la zone des cinquante pas géométriques sur la commune de Saint-Paul et dont l'objet est ainsi différent de celui qui oppose les intéressés dans la présente instance au sujet de la délimitation du domaine public ; que, par suite, les requérants ne peuvent se prévaloir, dans le présent litige, de l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait à cette décision juridictionnelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.86 du code du domaine de l'Etat : "La réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques est constituée par une bande de terrain déjà délimitée dans le département de la Réunion et présentant, dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française et de la Martinique, une largeur de 81,20 mètres comptée à partir de la limite du rivage de la mer tel qu'il a été délimité en application de la législation et de la réglementation relatives à la délimitation du rivage de la mer." ; qu'aux termes de l'article L.87 du même code : "La zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques définie à l'article L.86 du présent code fait partie du domaine public maritime. Ces dispositions s'appliquent sous réserve des droits des tiers à l'entrée en vigueur de la loi n 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ..." et qu'aux termes de l'article 88 : "Les droits des tiers résultant soit de titres valides en vertu des dispositions de l'article 10 du décret n 55-885 du 30 juin 1955 relatif à l'introduction dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion, de la législation et de la réglementation métropolitaines concernant le domaine public maritime et l'exécution des travaux mixtes, et modifiant le statut de la zone dite des cinquante pas géométriques existant dans ces départements, soit de ventes ou promesses de vente consenties ultérieurement par l'Etat, soit enfin, dans le département de la Réunion, des éventuelles prescriptions acquises à la date de promulgation de la loi n 86-2 du 3 janvier 1986 précitée, sont expressément réservés." ;
En ce qui concerne l'emprise de l'ancienne voie du chemin de fer de la Réunion (C.F.R.) :
Considérant que la zone des cinquante pas géométriques était imprescriptible tant qu'elle faisait partie du domaine public de l'Etat ; que si le décret susvisé du 13 janvier 1922 a prévu, à certaines conditions, que certaines parcelles pourraient en être cédées, il n'a pas eu pour effet de déroger à l'imprescriptibilité de cette zone qui ne s'est trouvée supprimée dans son principe que par le décret susvisé du 30 juin 1955 plaçant cette zone dans le domaine privé de l'Etat ; qu'ainsi la prescription acquisitive sur des terrains situés dans cette zone n'a pu courir qu'à partir de la publication du décret du 30 juin 1955 et jusqu'à la promulgation de la loi susvisée du 3 janvier 1986 qui a réintégré la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine public maritime de l'Etat ;

Considérant que par une délibération du 27 novembre 1875 approuvée par la loi du 23 juin 1877, le conseil général de l'île de la Réunion a concédé la construction et l'exploitation du chemin de fer de la Réunion (C.F.R.) pour une durée de 99 ans ; que les terrains nécessaires à la voie ferrée située dans la zone des cinquante pas géométriques sont restés dans le domaine public de l'Etat et ont seulement changé d'affectation ; que si les portions de terrains correspondant à l'emprise du C.F.R. ont été incluses dans les lots mis en adjudication en application du décret susvisé du 13 janvier 1922, le droit de passage de la voie ferrée devenant, en vertu de l'article 6 du cahier des charges de l'adjudication, une servitude passive pour l'adjudicataire, les portions de terrain non incluses dans les lots mis en adjudication sont restées dans le domaine public de l'Etat jusqu'à la publication du décret du 27 août 1957 qui a seul pu prononcer le déclassement de la branche sud du C.F.R. ; qu'à la date de promulgation de la loi susvisée du 3 janvier 1986 qui a réintégré la zone des cinquante pas géométriques dans le domaine public maritime de l'Etat, il s'était écoulé moins de trente ans depuis le déclassement ; qu'ainsi aucune prescription acquisitive n'a pu affecter les portions de terrains correspondant à l'emprise du C.F.R. qui n'étaient pas incluses dans des lots mis en adjudication en application du décret du 13 janvier 1922 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la parcelle n 262 et la partie de la parcelle n 257 B, située au Sud-Ouest de la ligne AP figurant sur le plan produit par le directeur des services fiscaux devant le tribunal administratif n'ont pas été acquises par adjudication ; que par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la portion de l'emprise de l'ancienne voie du C.F.R. située au Nord-Est desdites parcelles devait être regardée comme faisant partie du domaine public de l'Etat ;
En ce qui concerne la limite de la propriété des époux X... en front de mer :
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 86 du code du domaine de l'Etat que, dans le département de la Réunion, la zone des cinquante pas géométriques est celle qui est délimitée par l'arrêté gubernatorial du 4 mai 1876 ; qu'ainsi la limite inférieure des cinquante pas géométriques est, comme l'ont estimé les premiers juges, celle matérialisée par les points EOF sur le plan annexé audit arrêté ;
Considérant que la zone comprise entre cette limite inférieure et la limite des plus hautes eaux correspond à des lais et relais de la mer ; que, comme telle, elle appartenait, avant l'intervention de la loi du 3 janvier 1986, au domaine privé de l'Etat ; qu'elle est, en principe, devenue une dépendance du domaine public à compter de l'entrée en vigueur des dispositions précitées de l'article L.87 du code du domaine de l'Etat ;

Considérant qu'à l'appui du moyen tiré de ce qu'ils auraient acquis par prescription trentenaire la propriété de terrains situés sur cette zone, les requérants se bornent à invoquer la présence de deux arbres qui auraient été plantés en 1937 ; que la présence de ces deux arbres, dont la date de plantation n'est d'ailleurs pas établie, est, à elle seule, insusceptible d'entraîner une prescription sur les terrains en cause ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les terrains situés au Sud-Ouest de la ligne EOF faisaient partie du domaine public maritime ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a décidé que le terrain correspondant à l'emprise du C.F.R. délimité par les points ABCD appartenait à l'Etat et que la limite de leur propriété et du domaine public maritime était constituée par la limite inférieure des cinquante pas géométriques matérialisée par les points EOF ;
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas partie perdante dans la présente instance verse aux époux X... une somme au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête des époux X... est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96BX30193
Date de la décision : 15/02/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - CONSISTANCE ET DELIMITATION - DOMAINE PUBLIC NATUREL - CONSISTANCE DU DOMAINE PUBLIC MARITIME - TERRAINS FAISANT PARTIE DU DOMAINE PUBLIC MARITIME.

PROCEDURE - INCIDENTS - NON-LIEU - ABSENCE.

PROCEDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGEE - CHOSE JUGEE PAR LA JURIDICTION JUDICIAIRE - CHOSE JUGEE PAR LE JUGE CIVIL.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R204, L8-1
Code du domaine de l'Etat L86, L87, 88, 86, annexe
Décret du 13 janvier 1922
Décret 55-885 du 30 juin 1955
Loi du 23 juin 1877
Loi 86-2 du 03 janvier 1986


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. REY
Rapporteur public ?: M. DESRAME

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1999-02-15;96bx30193 ?
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