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30/03/2000 | FRANCE | N°96BX32100

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 30 mars 2000, 96BX32100


Vu l'ordonnance, en date du 2 septembre 1997, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis à la cour administrative d'appel de Bordeaux la requête présentée pour M. Michel X..., demeurant 62 résidence les Cyclades, Fort-de-France, (97200) ;
Vu la requête et les mémoires, enregistrés les 22 juillet 1996, 20 septembre 1996, 9 juin 1997 et 25 février 2000 par lesquels M. X... demande :
1? d'annuler le jugement, en date du 15 mai 1996, par lequel le président tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté ses demandes tendant à :
- l'a

nnulation pour excès de pouvoir de la décision, en date du 3 mai 1993...

Vu l'ordonnance, en date du 2 septembre 1997, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis à la cour administrative d'appel de Bordeaux la requête présentée pour M. Michel X..., demeurant 62 résidence les Cyclades, Fort-de-France, (97200) ;
Vu la requête et les mémoires, enregistrés les 22 juillet 1996, 20 septembre 1996, 9 juin 1997 et 25 février 2000 par lesquels M. X... demande :
1? d'annuler le jugement, en date du 15 mai 1996, par lequel le président tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté ses demandes tendant à :
- l'annulation pour excès de pouvoir de la décision, en date du 3 mai 1993, par laquelle le recteur de l'académie des Antilles-Guyane l'a placé en disponibilité pour convenances personnelles ;
- ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie des Antilles-Guyane de lui délivrer une attestation de recevabilité de sa candidature au concours de maître de conférence en sciences et techniques des activités physiques et sportives ;
- ce qu'il soit enjoint à cette même autorité de reconstituer sa carrière jusqu'au 31 août 1995 ;
- la condamnation de l'Etat à lui verser le traitement correspondant à l'indice de maître de conférences à compter du 1er mars 1992 jusqu'au 31 août 1995 ;
- la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 700.000 F à titre de dommages et intérêts ;
2? d'annuler pour excès de pouvoir la décision précitée du 3 mai 1993 du recteur de l'académie des Antilles-Guyane, ainsi que les deux arrêtés pris par ce dernier, en date du 30 mars 1995, le plaçant de nouveau en disponibilité pour convenances personnelles ;
3? d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer une attestation de recevabilité de sa candidature au concours de maître de conférences en sciences et techniques des activités physiques et sportives ;
4? d'enjoindre à l'Etat de reconstituer sa carrière pour la période du 31 août 1992 au 31 août 1995 ;
5? de condamner l'Etat à lui verser une somme de 250.000 F "à titre de dommages et intérêts à valoir sur le montant des traitements qu'il aurait dû percevoir en qualité de professeur du second degré entre le 31 août 1992 et le 31 août 1995 augmentée des majorations dues après reconstitution de carrière", ainsi "en tout état de cause" que la somme de 700.000 F en réparation du préjudice moral et financier qu'il a subi ; ces sommes étant augmentées des intérêts capitalisés ;
6? de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n? 84-16 du 11 janvier 1984;
Vu le décret n? 85-986 du 16 septembre 1985 ;

Vu le décret n?90-857 du 25 septembre 1990 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n? 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 2000 :
- le rapport de M.VALEINS, rapporteur ;
- et les conclusions de M. DESRAME, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X..., professeur d'éducation physique et sportive, a bénéficié d'un congé de mobilité qui expirait le 31 août 1992 ; que, par arrêté, en date du 3 mars 1993, le recteur de l'académie des Antilles-Guyane l'a placé en disponibilité pour convenances personnelles pour la période du 1er septembre 1992 au 31 août 1993, sans traitement ni versement pour la retraite ; que, par un arrêté, en date du 30 mars 1995, il a été placé, de nouveau, par cette même autorité, en disponibilité pour convenances personnelles pour la période du 1er septembre 1993 au 31 août 1994 ; que, par un troisième arrêté rectoral, en date également du 30 mars 1995, le requérant a été placé en disponibilité pour convenances personnelles du 1er septembre 1994 au 31 août 1995 ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article R.204 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience." ; qu'il ressort de la minute du jugement attaqué que celle-ci est signée par le président qui a statué en application de l'article L.4-1 du même code ainsi que par le greffier d'audience ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R.204 précité doit être écarté ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté rectoral en date du 3 mai 1993 :
Considérant qu'aux termes de l'article R.104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ;
Considérant qu'il est constant que l'arrêté du recteur de l'académie des Antilles-Guyane, en date du 3 mai 1993, n'a pas été notifié à M. X... et qu'il ne mentionnait pas les voies et délais de recours ; que la circonstance que le requérant aurait eu connaissance dudit arrêté, le 2 septembre 1993, lors d'une visite au rectorat, est sans incidence sur l'application des dispositions précitées de l'article R.104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, le délai de recours contentieux n'ayant pas ainsi commencé à courir, c'est par une inexacte application de ces dispositions que le président du tribunal administratif de Fort-de-France, par le jugement du 15 mai 1996, a rejeté pour tardiveté la demande de M. X... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 3 mai 1993 ; qu'en statuant ainsi, le président du tribunal administratif de Fort-de-France a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que, dès lors, le jugement doit être annulé sur ce point ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'aux termes de l'article 51 de la loi du 11 janvier 1984 : "La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. La disponibilité est prononcée ... à la demande de l'intéressé ..." ; qu'aux termes de l'article 44 du décret du 16 septembre 1985 : "La mise en disponibilité sur demande de l'intéressé peut-être accordée ... dans les cas suivants : ...b) Pour convenances personnelles ...";
Considérant qu'il est constant que M. X... n'a pas demandé à être placé en position de disponibilité pour convenances personnelles ; qu'ainsi l'arrêté le plaçant en disponibilité pour convenances personnelles du 3 mai 1993 est dépourvu de base légale alors même que M. X... n'aurait pas demandé, à l'issue de son congé de mobilité, une affectation dans l'enseignement secondaire pour l'année scolaire 1992-1993 ; que, par suite, l'arrêté rectoral attaqué doit être annulé ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés rectoraux du 30 mars 1995 :
Considérant que ces conclusions, expressément présentées pour la première fois devant le juge d'appel, sont irrecevables ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que M. X... demande la condamnation de l'Etat à réparer les dommages qui lui ont été causés par la privation de son traitement, du fait de son placement illégal en disponibilité pour convenances personnelles, durant la période du 31 août 1992 au 31 août 1995, par les arrêtés rectoraux, en date des 3 mai 1993 et 30 mars 1995 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le requérant n'a pas demandé à être placé en disponibilité pour convenances personnelles ; que, par suite, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté du 3 mai 1993 est dépourvu de base légale ; qu'il en est de même des deux arrêtés, en date du 30 mars 1995, pris dans les mêmes circonstances ; que ces mises en disponibilité pour convenances personnelles sont donc illégales et constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il est également constant, d'une part, qu'à deux reprises, par lettres, en date des 12 novembre 1992 et 5 octobre 1993, le requérant a demandé sa réintégration, d'autre part, que l'administration n'a proposé aucune affectation à M. X... dans l'enseignement secondaire alors qu' il lui appartenait de le faire ; que, dans ces conditions, le ministre de l'éducation nationale ne saurait se prévaloir d'un prétendu refus de la part du requérant de reprendre son service pour exonérer en tout ou partie l'Etat de sa responsabilité ;
Considérant qu'en l'absence de service fait, M. X... ne peut prétendre au paiement des rémunérations dont il a été privé durant sa mise en disponibilité pour convenances personnelle ; que, toutefois, il est fondé à demander la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'il a réellement subi du fait de ces mesures illégales ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation de la réparation due à M. X... en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 420.000 F ;

Considérant que la somme de 420.000 F portera intérêts à compter du 30 octobre 1995, date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif de Fort-de-France de la demande de M. X... ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 22 juillet 1996, 20 septembre 1996 et 9 juin 1997 ; qu'à cette dernière date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1 154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ... prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure ..." ;
Considérant que M. X... demande qu'il soit enjoint à l'administration de le réintégrer et de reconstituer sa carrière pour la période du 1er septembre 1992 au 31 août 1995 ; que l'annulation de l'arrêté rectoral, en date du 3 mai 1993, implique nécessairement la réintégration de l'intéressé et la reconstitution de sa carrière pour la période durant laquelle il a été placé en disponibilité pour convenances personnelles du 1er septembre 1992 au 31 août 1993 ; qu'en revanche ses conclusions tendant à l'annulation des arrêtés, en date du 30 mars 1995, ayant été rejetées, le présent arrêt, en ce qui concerne lesdites conclusions, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande de réintégration et de reconstitution de sa carrière pour la période du 1er septembre 1992 au 31 août 1993, mais qu'il n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le même jugement, ont été rejetées ses conclusions à fins d'injonction pour la période postérieure ;
Considérant que M. X... demande qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer une attestation de recevabilité de sa candidature au concours de maître de conférences en sciences et techniques des activités physiques et sportives ; qu'aucun des motifs du présent arrêt n'implique qu'il soit enjoint à l'administration, en application des dispositions précitées du 1er alinéa de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de délivrer au requérant cette attestation ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé sur ce point, le président du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté les conclusions susanalysées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de condamner l'Etat à payer à M. X... une somme de 5.000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du président du tribunal administratif de Fort-de-France, en date du 15 mai 1996, est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. Michel X... tendant, en premier lieu, à l'annulation de l'arrêté du recteur de l'académie des Antilles-Guyane, en date du 3 mai 1993, en second lieu, à la condamnation de l'Etat à lui verser des dommages et intérêts, en troisième lieu, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de le réintégrer et de reconstituer sa carrière pour la période du 1er septembre 1992 au 31 août 1993.
Article 2 : L'arrêté du recteur de l'académie des Antilles-Guyane en date du 3 mai 1993 est annulé.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 420.000 F avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 1995 ; les intérêts échus le 9 juin 1997 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de réintégrer M. X... à la date de sa première mise en disponibilité, le 1er septembre 1992, jusqu'au 31 août 1993 et de procéder à la reconstitution de sa carrière pendant cette période.
Article 5: L'Etat versera à M. X... la somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Fort-de-France et des conclusions de sa requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 96BX32100
Date de la décision : 30/03/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - POSITIONS - DISPONIBILITE.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - POSITIONS - CONGES - CONGES DIVERS.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUTS SPECIAUX - ENSEIGNANTS (VOIR ENSEIGNEMENT).

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONTENTIEUX DE L'ANNULATION.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - EFFETS DES ANNULATIONS - RECONSTITUTION DE CARRIERE.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONTENTIEUX DE L'INDEMNITE.


Références :

Code civil 1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R204, L4-1, R104, L8-2, L8-1
Décret 85-986 du 16 septembre 1985 art. 44
Loi 84-16 du 11 janvier 1984 art. 51


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M.VALEINS
Rapporteur public ?: M. DESRAME

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2000-03-30;96bx32100 ?
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