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17/04/2000 | FRANCE | N°96BX33058

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 17 avril 2000, 96BX33058


Vu, en date du 1er septembre 1997, l'ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Paris transmettant en application de l'article 5 du décret du 9 mai 1997 à la cour administrative d'appel de Bordeaux le dossier de la requête présentée par la SOCIETE PIERRE DE REYNAL ET COMPAGNIE ;
Vu la requête et les mémoires enregistrés les 14 et 15 octobre 1996, 28 novembre 1996 et 1er octobre 1998 au greffe de la cour, présentés pour la SOCIETE PIERRE DE REYNAL ET COMPAGNIE ayant son siège social au ... par Maître X... ;
La SOCIETE PIERRE DE REYNAL ET COMPAGNIE demande

à la cour :
1? de réformer le jugement en date du 11 juin 1996 pa...

Vu, en date du 1er septembre 1997, l'ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Paris transmettant en application de l'article 5 du décret du 9 mai 1997 à la cour administrative d'appel de Bordeaux le dossier de la requête présentée par la SOCIETE PIERRE DE REYNAL ET COMPAGNIE ;
Vu la requête et les mémoires enregistrés les 14 et 15 octobre 1996, 28 novembre 1996 et 1er octobre 1998 au greffe de la cour, présentés pour la SOCIETE PIERRE DE REYNAL ET COMPAGNIE ayant son siège social au ... par Maître X... ;
La SOCIETE PIERRE DE REYNAL ET COMPAGNIE demande à la cour :
1? de réformer le jugement en date du 11 juin 1996 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France ne lui a accordé qu'une décharge partielle du complément de l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984 ;
2? de lui accorder la décharge de l'imposition restant à sa charge ;
3? d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 11 juin 1996 ;
4? de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n? 87-1127 du 31 décembre 1987 modifiée ;
Vu le décret n? 92-245 du 17 mars 1992 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2000 :
- le rapport de M. LARROUMEC, rapporteur ;
- et les conclusions de M. DESRAME, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision en date du 15 décembre 1997 postérieure à l'introduction de la requête le directeur des services fiscaux de la Martinique a prononcé le dégrèvement d'amendes fiscales à concurrence d'une somme de 108 745 F auxquelles la société en commandite simple "PIERRE DE Y... ET COMPAGNIE " a été assujettie au titre des années 1982, 1983 et 1984 ; que les conclusions de la requête de la dite société relatives à cette imposition sont, dans cette mesure , devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le tribunal administratif de Fort-de-France n'a pas suffisamment motivé le jugement attaqué en date du 11 juin 1996 notamment sur la dévolution de la charge de la preuve pourtant largement débattue par les parties ; qu'ainsi la société requérante est fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité ; que par suite ledit jugement doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la SOCIETE PIERRE DE Y... ET COMPAGNIE présentée devant la tribunal administratif de Fort-de-France ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Sur les salaires de Mlle Louise de Y... :
Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1?) les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre ....Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu .Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursement de frais ." ; que l'administration a procédé à la réintégration dans les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société en commandite simple "PIERRE DE Y... ET COMPAGNIE" les sommes de 17 681 F en 1981 et de 19 200 F pour chacune des années 1982, 1983 et 1984 en considérant, non que cette rémunération constituait un acte anormal de gestion mais ne pouvait être comptabilisée comme charge en l'absence de travail effectif de Mlle de Y... ; qu'il appartient à la société de justifier que les rémunérations versées correspondent à un travail effectif ;

Considérant que la société conteste cette réintégration en soutenant que ces sommes ont été versées à Mlle Louise de Y... en rémunération de travaux de secrétariat effectués à domicile ; que si elle soutient que ces travaux ne pouvaient être que confiés à Mlle de Y..., ancienne employé à la retraite, compte tenu de la confidentialité nécessaire dans son secteur d'activité économique et des conditions d'exploitation, elle n'apporte aucun document de travail produit par Mlle de Y..., ni même aucun autre élément permettant d'établir que les sommes versées correspondent à la rétribution d'un travail effectif, même effectué à temps partiel ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le service n'a pas admis les sommes litigieuses comme charges déductibles ;
Sur les avances sans intérêts consenties aux exploitations agricoles :
Considérant que la SOCIETE "PIERRE DE Y... ET COMPAGNIE" a, au cours des années 1981, 1982, 1983 et 1984, consenti à différentes exploitations agricoles des avances sans intérêts justifiées, selon elle, par les règles applicables à la filière de production et de commercialisation de la banane et par les relations commerciales particulières qu'elle entretient avec celles-ci ; que l'administration a considéré que l'avantage ainsi accordé constituait un acte anormal de gestion et a réintégré dans les résultats imposables desdits exercices les sommes correspondant aux intérêts que la société aurait dû percevoir sur ces avances, en retenant, pour ce faire, le taux d'intérêt des avances de la Banque de France majoré de deux points ;
Considérant, d'une part, que le fait de consentir des avances sans intérêt à un tiers constitue un acte étranger à une gestion commerciale normale sauf s'il est établi l'existence d'une contrepartie ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon d'intérêts constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve si l'auteur de l'abandon n'est pas en mesure de justifier de l'existence de contreparties ; que la société "Pierre de Y..." n'établit pas qu'elle ait, compte tenu des montants des avances sans intérêts consenties sans rapport avec le faible volume du chiffre d'affaires qu'elle réalise avec les exploitations concernées, bénéficié en contrepartie d'avantages commerciaux particuliers des dites exploitations ; qu'elle n'apporte aucun élément probant sur l'existence d'excédents de trésorerie laissés sur ses comptes par les exploitations ; qu'ainsi, en l'absence de toute contrepartie, l'administration a pu valablement qualifier ces avances d'acte anormal de gestion ;
Considérant, d'autre part, qu'en se bornant à soutenir que le taux d'intérêt retenu ne serait pas "justifié au niveau de la rémunération des besoins de trésorerie dans l'entreprise", la société ne critique pas utilement le taux d'intérêt de 12,5% retenu par l'administration pour calculer le montant des réintégrations effectuées ;
Sur les autres comptes débiteurs :

Considérant que la SOCIETE "PIERRE DE Y..." a également accordé pour les années 1981 à 1984, des avances sans intérêts à divers autres débiteurs ; que l'administration a également considéré que les avantages ainsi consentis étaient constitutifs d'acte anormal de gestion et a réintégré dans les résultats imposables desdites années les sommes correspondant aux intérêts que la société aurait dû percevoir sur ces avances ;
Considérant que la société se borne à soutenir, sans apporter le moindre élément de preuve, d'une part, que les montants des comptes débiteurs dont il s'agit seraient compensés par les excédents de trésorerie déposés dans les comptes de la société par les bénéficiaires de ces avances et, d'autre part, que ces avances seraient fondées sur l'existence de relations commerciales ; qu'ainsi, l'auteur de l'abandon des intérêts ne justifie pas de l'existence de contreparties ; que, par suite, c'est à bon droit que ces avantages ont été considérés comme un acte anormal de gestion par l'administration, laquelle a pu réintégrer dans les résultats imposables les sommes correspondant aux intérêts non perçus ;
Sur les abandons de créances :
Considérant que la société requérante a procédé à des abandons de créances au profit des sociétés de fait dénommées Habitation Belfort, Terrier, Mont Eole et la Richard pour un montant total de 5 130 045, 98 F par acte authentique, les quatre sociétés bénéficiaires s'engageant à rembourser dans un délai fixé le solde de leur dette ; que ces abandons de créances ont été enregistrés le 31 décembre 1984 dans la comptabilité de l'entreprise ; que le vérificateur a toutefois réintégré dans les résultats imposables pour l'année 1984 le montant de ces abandons de créances, estimant qu'ils constituaient un acte anormal de gestion ;
Considérant que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'un abandon de créance constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve si l'auteur de l'abandon n'est pas en mesure de justifier de contreparties ;
Considérant que la SOCIETE "PIERRE DE Y... ET COMPAGNIE" soutient qu'elle a abandonné ces créances pour pouvoir, d'une part, faire face à ses propres engagements auprès d'un organisme bancaire, grâce au remboursement par les débiteurs concernés du solde des dettes dans les meilleurs délais, d'autre part, assurer la pérennité de ses fournisseurs de bananes avec l'aide de l'importateur qui aurait pris en charge une partie des pertes résultant de l'abandon de créances en lui consentant une ristourne sur les commissions perçues en tant que commissionnaire ; qu'il résulte de l'instruction que le montant total des créances abandonnées est sans commune mesure avec le faible chiffre d'affaires réalisé avec chacun des débiteurs ; qu'il n'est pas démontré que l'abandon de créances ait pu participer au développement ou, tout au moins, au maintien de la production agricole de ces exploitants ; que par suite c'est à bon droit que l'administration a pu réintégrer dans les résultats imposables de cette société le montant de ces abandons de créances ;
Sur les conséquences de l'application de l'amende prévue par l'article 1763A du code général des impôts :

Considérant que selon les dispositions de l'article L.80 CA du livre des procédures fiscales, la juridiction prononce la décharge de l'ensemble de l'imposition si l'erreur commise par l'administration dans la procédure d'imposition "a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense" ;
Considérant que dans le cadre de la procédure d'imposition de la société requérante, l'administration lui a, dans un premier temps, infligé l'amende prévue par l'article 1763 A du code général des impôts, faute pour la société d'avoir révélé selon l'administration l'identité des bénéficiaires des sommes considérées distribuées ; que dans un second temps, le service a prononcé le dégrèvement de cette amende au motif que la contribuable n'avait pas été informée avant sa mise en recouvrement du motif et du montant de celle-ci ; que ces irrégularités ainsi que toute autre irrégularité concernant la seule application des dispositions de l'article 1763A ne sauraient être considérées comme portant atteinte aux droits de la défense au sens de l'article L.80CA et entraîner la décharge de la totalité de l'imposition contestée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE "PIERRE DE Y... ET COMPAGNIE" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la société en commandite simple "PIERRE DE Y... ET COMPAGNIE" la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 108 745 F en ce qui concerne l'amende fiscale à laquelle a été assujettie la SOCIETE "PIERRE DE Y..." au titre des années 1982, 1983 et 1984, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de cette société
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE "PIERRE DE Y... ET COMPAGNIE" est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96BX33058
Date de la décision : 17/04/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE


Références :

CGI 39-1, 1763A, 1763 A
CGI Livre des procédures fiscales L80 CA
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LARROUMEC
Rapporteur public ?: M. DESRAME

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2000-04-17;96bx33058 ?
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