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18/04/2000 | FRANCE | N°96BX01715

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3e chambre, 18 avril 2000, 96BX01715


Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement les 8 août et 5 novembre 1996 au greffe de la Cour, présentés pour la COMMUNE DE BAGNERES-DE-LUCHON, représentée par son maire en exercice, par Me X..., de la société d'avocats Molas et associés ;
La COMMUNE DE BAGNERES-DE-LUCHON demande à la Cour :
1?) d'annuler le jugement en date du 4 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 22848035,42 F majorée des intérêts au taux légal en réparation du pr

éjudice subi du fait de l'abattement illégal de 10% pratiqué par les arrêté...

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement les 8 août et 5 novembre 1996 au greffe de la Cour, présentés pour la COMMUNE DE BAGNERES-DE-LUCHON, représentée par son maire en exercice, par Me X..., de la société d'avocats Molas et associés ;
La COMMUNE DE BAGNERES-DE-LUCHON demande à la Cour :
1?) d'annuler le jugement en date du 4 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 22848035,42 F majorée des intérêts au taux légal en réparation du préjudice subi du fait de l'abattement illégal de 10% pratiqué par les arrêtés préfectoraux fixant, en application de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale, les tarifs des soins thermaux pouvant être pratiqués pour les années 1988 à 1992 sur les forfaits et suppléments incluant une pratique dispensée plus de neuf fois au cours d'une cure ;
2?) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme de 22848035,42 F, majorée des intérêts au taux légal ;
3?) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 20000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n? 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2000 :
- le rapport de A. DE MALAFOSSE, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. HEINIS, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 30 juillet 1987 : "Sans préjudice des dispositions du présent code relatives aux conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie et les professions de santé, les ministres chargés de l'économie, de la santé et de la sécurité sociale peuvent fixer, par arrêtés, les prix et les marges des produits et les prix des services pris en charge par la sécurité sociale. Cette fixation tient compte de l'évolution des charges, des revenus et du volume d'activité des praticiens ou entreprises concernés" ; qu'en application de ces dispositions, les ministres compétents ont fixé pour chacune des années 1988, 1989, 1990, 1991 et 1992 le taux de hausse applicable aux tarifs de soins dispensés aux assurés sociaux par les établissements thermaux et ont prévu que les tarifs des forfaits et suppléments incluant une pratique dispensée plus de neuf fois au cours d'une cure devraient être minorés d'un abattement de 10% ; que, saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre ces décisions, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par une décision en date du 1er juillet 1992, jugé ces dernières dispositions illégales en tant qu'elles prévoyaient ledit abattement sans l'assortir d'aucune justification ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, pour autant qu'elle entraîne un préjudice direct et certain ;
Considérant que la COMMUNE DE BAGNERES-DE-LUCHON, qui exploite un établissement thermal, demande la réparation du préjudice résultant pour elle de la prescription, par les ministres compétents, de l'application dudit abattement de 10% aux tarifs des forfaits et suppléments incluant des pratiques dispensées plus de neuf fois au cours d'une cure pour les années 1988 à 1992 ; qu'elle fait valoir, à titre principal, que les tarifs fixés en application des dispositions précitées de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale, s'agisssant de ces catégories de soins, auraient dû être majorés de 10% ;
Considérant toutefois que le préjudice dont la COMMUNE DE BAGNERES-DE-LUCHON est fondée à demander réparation correspond à la différence existant, le cas échéant, entre les recettes que l'établissement thermal qu'elle exploite a perçues sur la base des tarifs de soins incluant l'abattement illégal et les recettes que cet établissement aurait perçues sur la base de tarifs tels qu'ils pouvaient être légalement fixés par les ministres compétents en application des dispositions précitées de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les ministres compétents auraient pu, sans entacher leurs décisions d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu d'une part de l'évolution des charges, des revenus et du volume d'activité de l'ensemble des entreprises du secteur thermal, lequel a bénéficié jusqu'en 1990 d'une hausse régulière et importante du nombre de curistes, ainsi que de l'impératif de limitation des dépenses de l'assurance maladie, qui n'est pas étranger à l'objectif que s'est fixé le législateur en édictant les dispositions de l'article L. 162-38, et, d'autre part, de l'importance des dérogations en matière de prix autorisées par les décisions portant sur les années 1988 à 1992, retenir pour cette période une grille de tarifs au niveau national qui aurait assuré aux établissements thermaux dans leur ensemble des recettes de même montant que celles qu'ils ont effectivement perçues ; que, par ailleurs, il n'est pas allégué par la COMMUNE DE BAGNERES-DE-LUCHON que les tarifs applicables à son établissement auraient été fixés à un niveau trop bas au regard de l'évolution de ses charges et de ses revenus ; que, par suite, l'existence d'un manque à gagner résultant pour la requérante de l'inclusion par les ministres compétents d'un abattement illégal dans les tarifs des soins thermaux pour les années 1988 à 1992 n'est pas établie ;
Considérant par ailleurs que la COMMUNE DE BAGNERES-DE-LUCHON fait valoir à titre subsidiaire qu'elle a perdu, du fait de la prescription par les ministres compétents, pour les années 1988 à 1992, dudit abattement de 10%, une chance sérieuse de voir les tarifs de responsabilité appliqués par la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés majorés dans les mêmes proportions ; qu'il résulte en effet de l'instruction que les tarifs pratiqués par les établissements thermaux durant la période litigieuse, s'agissant des soins dispensés aux assurés sociaux, correspondaient, non aux tarifs fixés en application des dispositions précitées de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale, mais à des tarifs distincts fixés chaque année par voie d'avenants à la convention conclue en 1972 entre la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et les établissements thermaux ;

Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux de la sécurité sociale ; qu'au nombre de ces principes figure celui selon lequel le tarif des soins délivrés aux assurés sociaux peut être fixé par voie de convention passée avec les professionnels de santé concernés ; que si un arrêté interministériel du 8 juin 1960, modifié par un arrêté interministériel du 15 décembre 1969 a prévu que les frais de traitement dans les établissements thermaux sont réglés sur la base des forfaits fixés par des conventions entre la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et les établissements thermaux intéressés, ces dispositions, qui sont dépourvues de toute base législative, sont entachées d'incompétence ; que, par suite, et en tout état de cause, ladite caisse, qui ne disposait pas, par aillleurs, de compétences tarifaires propres, et les établissements thermaux ne pouvaient légalement fixer pour la période considérée, par voie d'accords conclus chaque année, des tarifs supérieurs à ceux déterminés par les ministres compétents en vertu des dispositions précitées de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale ; qu'ainsi, l'application durant la période litigieuse d'un abattement illégal de 10% sur les tarifs de certains soins thermaux fixés par les ministres compétents sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale n'a pu entraîner pour les sociétés requérantes la perte d'une chance sérieuse de voir réévaluer dans les mêmes proportions les tarifs de responsabilité pratiqués par la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE BAGNERES-DE-LUCHON n'est pas fondée à se plaindre du rejet, par le jugement attaqué, de sa demande ;
Sur les conclusions de la COMMUNE DE BAGNERES-DE-LUCHON présentées sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que la COMMUNE DE BAGNERES-DE-LUCHON, qui succombe dans la présente instance n'est pas fondée à demander le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE BAGNERES-DE-LUCHON est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 96BX01715
Date de la décision : 18/04/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-04-01-02-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE CERTAIN DU PREJUDICE - ABSENCE


Références :

Code de la sécurité sociale L162-38
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi du 30 juillet 1987


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: A. DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: M. HEINIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2000-04-18;96bx01715 ?
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