La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2000 | FRANCE | N°98BX01984

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 17 juillet 2000, 98BX01984


Vu la requête enregistrée le 16 novembre 1998 au greffe de la cour, présentée pour M. Philippe X..., demeurant ... (Ariège), par la S.C.P. d'avocats Grasset-Moevus ;
M. Philippe X... demande à la cour :
1?) d'annuler le jugement en date du 23 juin 1998 du tribunal administratif de Toulouse en tant, d'une part, qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions tendant à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de l'Ariège à lui payer la totalité de ses traitements au titre des périodes de suspension visées par les arrêtés des 22 octobre et

10 décembre 1996, des 13 février, 20 mai et 4 août 1997 et du 5 févr...

Vu la requête enregistrée le 16 novembre 1998 au greffe de la cour, présentée pour M. Philippe X..., demeurant ... (Ariège), par la S.C.P. d'avocats Grasset-Moevus ;
M. Philippe X... demande à la cour :
1?) d'annuler le jugement en date du 23 juin 1998 du tribunal administratif de Toulouse en tant, d'une part, qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions tendant à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de l'Ariège à lui payer la totalité de ses traitements au titre des périodes de suspension visées par les arrêtés des 22 octobre et 10 décembre 1996, des 13 février, 20 mai et 4 août 1997 et du 5 février 1998, et en tant, d'autre part, qu'il a rejeté ses conclusions tendant au paiement de son entier traitement pour la période visée par l'arrêté du 4 septembre 1996 et au versement de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'illégalité des arrêtés le suspendant de ses fonctions ;
2?) de condamner le service départemental d'incendie et de secours de l'Ariège à lui payer la totalité de ses traitements pour l'ensemble des périodes concernées par les arrêtés précités avec les intérêts au taux légal, ainsi qu'une somme de 90 000 F de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait des illégalités fautives et une somme de 4 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
3?) de prescrire le versement des traitements avec intérêts et le paiement des dommages-intérêts sous astreinte de 700 F par jour de retard en application des articles L.8-2 et L. 8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n? 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
Vu la loi n? 96-369 du 3 mai 1996 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n? 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2000 :
- le rapport de M. CHEMIN, rapporteur ;
- et les conclusions de M. REY, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par le jugement attaqué en date du 23 juin 1998, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés en date des 4 septembre, 22 octobre et 10 décembre 1996, 13 février, 20 mai et 4 août 1997, et 5 février 1998 par lesquels le président de la commission administrative, puis du conseil d'administration du service départemental du service d'incendie et de secours de l'Ariège a suspendu sans traitement M. X... de son emploi de commandant de sapeurs-pompiers professionnels, et condamné ledit service à verser à l'intéressé la moitié de la rémunération qu'il aurait dû percevoir pendant la période de suspension visée par les arrêtés précités ; que M. X... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire relative à la période du 10 septembre au 31 octobre 1996 visée par l'arrêté du 4 septembre 1996 et le surplus de ses demandes tendant au paiement de la totalité de ses traitements et au versement d'une indemnité globale de 90 000 F à titre de dommages-intérêts pour les périodes du 1er novembre 1996 au 30 novembre 1996 et du 1er mars au 31 mai 1998 visées par les autres arrêtés ;
Sur la recevabilité des demandes :
Considérant que M. X... n'a pas justifié, devant les premiers juges, avoir présenté une réclamation préalable auprès de son administration en ce qui concerne sa demande indemnitaire relative à la période du 10 septembre au 31 octobre 1996 visée par l'arrêté du 4 septembre 1996 ; que la production en appel d'une copie de cette réclamation, alors même qu'elle aurait été formulée dès le 26 septembre 1996, n'est pas de nature à régulariser sa demande de première instance ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande ;
Considérant, en revanche, que les autres réclamations présentées par M. X... à l'encontre de chacun des autres arrêtés visés ci-dessus portaient non seulement sur le rétablissement de sa rémunération mais aussi sur l'indemnisation de l'ensemble des préjudices subis du fait de l'illégalité desdits arrêtés ; que, dès lors, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont déclaré irrecevables ses conclusions tendant au paiement de dommages-intérêts relatifs à la période visée par lesdits arrêtés ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé sur ce point ; qu'il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de statuer sur les autres conclusions de la requête par l'effet dévolutif de l'appel ;
Au fond :
Considérant que le tribunal administratif a annulé les arrêtés attaqués pour incompétence et erreur de droit aux motifs qu'ils ont été pris par la seule autorité territoriale et non conjointement avec le ministre de l'intérieur, et que l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ne permettait pas à l'autorité administrative de prononcer une mesure de suspension sans traitement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : "En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les mesures de suspension litigieuses ont été prises à l'encontre de M. X... en raison des poursuites pénales dont il faisait l'objet et qui n'avaient pas pris fin dès lors que le jugement du tribunal correctionnel de Béziers condamnant l'intéressé à un an d'emprisonnement avec sursis avait été frappé d'appel, et que l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 10 février 1998 confirmant le jugement précédent a lui-même été frappé d'un pourvoi en cassation ; que si le requérant soutient que la suspension n'est qu'une mesure conservatoire facultative à laquelle le ministre de l'intérieur aurait été opposé et qu'elle ne présentait en l'espèce aucun caractère d'urgence, les faits qui lui étaient reprochés, dans le cadre des poursuites pénales exercées contre lui, présentaient un caractère suffisant de gravité, eu égard à ses fonctions d'officier supérieur de sapeurs-pompiers, pour justifier une telle mesure dans l'intérêt du service ; que les dispositions ci-dessus rappelées, qui donnent à l'administration un délai de quatre mois pour statuer sur le cas d'un fonctionnaire, ont seulement pour objet de limiter les conséquences de la suspension sans qu'aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire, ni même fasse obligation à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'engager la procédure disciplinaire ; qu'ainsi les mêmes décisions auraient pu être légalement prises par l'autorité administrative compétente, sous réserve que la retenue sur le traitement de M. X... ne dépasse la moitié de la rémunération à laquelle il aurait eu droit en application de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 précitée ; qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes tendant à ce que lui soit versée une indemnité égale à l'intégralité de ses traitements ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la nature et du nombre des illégalités commises par l'administration, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X... à raison des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence que lui a causé la privation de tout traitement pendant les périodes visées par les arrêtés des 22 octobre et 10 décembre 1996, 13 février, 20 mai et 4 août 1997, et 5 février 1998, en lui allouant une indemnité de 20 000 F ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, d'assortir les condamnations prononcées d'une astreinte en application des dispositions des articles L. 8-2 et L. 8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer au service départemental d'incendie et de secours de l'Ariège la somme de 10 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de condamner le service départemental du service d'incendie et de secours de l'Ariège à verser à M. X... la somme de 4 000 F qu'il demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. Philippe X... tendant au versement de dommages-intérêts relative à la période visée par les arrêtés des 22 octobre et 10 décembre 1996, 13 février, 20 mai et 4 août 1997, et 5 février 1998.
Article 2 : Le service départemental du service d'incendie et de secours de l'Ariège est condamné à verser à M. Philippe X... la somme de 20 000 F ainsi que 4 000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. Philippe X... et de ses demandes présentées devant le tribunal administratif de Toulouse, ainsi que les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de l'Ariège tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés. 98BX01984--


Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - SUSPENSION.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - LIAISON DE L'INSTANCE - RECOURS ADMINISTRATIF PREALABLE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE.


Références :

Arrêté du 04 septembre 1996
Arrêté du 22 octobre 1996
Arrêté du 10 décembre 1996
Arrêté 19XX-09-04
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-2, L8-3, L8-1
Loi 83-634 du 13 juillet 1983 art. 30


Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. CHEMIN
Rapporteur public ?: M. REY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Date de la décision : 17/07/2000
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 98BX01984
Numéro NOR : CETATEXT000007497829 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2000-07-17;98bx01984 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award