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13/11/2001 | FRANCE | N°98BX00512

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 13 novembre 2001, 98BX00512


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 30 mars 1998, présentée pour Mme Catherine Y... domiciliée Les Lorins, Taize Aizie (Charente) ;
Mme Y... demande à la cour :
* à titre principal, - d'annuler le jugement du 5 février 1998 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande à fin d'indemnité dirigée contre le centre hospitalier de Ruffec ;
- de condamner le centre hospitalier de Ruffec à lui verser la somme de 124 000 F, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à la date du 30 mars 1998, en réparation des consé

quences dommageables des soins qu'elle a reçus dans cet établissement au mois...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 30 mars 1998, présentée pour Mme Catherine Y... domiciliée Les Lorins, Taize Aizie (Charente) ;
Mme Y... demande à la cour :
* à titre principal, - d'annuler le jugement du 5 février 1998 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande à fin d'indemnité dirigée contre le centre hospitalier de Ruffec ;
- de condamner le centre hospitalier de Ruffec à lui verser la somme de 124 000 F, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à la date du 30 mars 1998, en réparation des conséquences dommageables des soins qu'elle a reçus dans cet établissement au mois de janvier 1996 à la suite d'une blessure à la main droite ;
* à titre subsidiaire, - de désigner un expert pour évaluer son préjudice corporel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative, ensemble le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2001 :
- le rapport de Mlle Roca ;
- et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme Y..., victime d'une blessure aux deuxième et troisième doigt de la main droite, avec atteinte des tendons, consécutive à une chute, s'est rendue le 25 janvier 1996 au service des urgences du centre hospitalier de Ruffec où elle a reçu les premiers soins ; que le lendemain elle a subi dans ce même établissement une intervention sous anesthésie locale au cours de laquelle les tendons et les plaies ont été suturés ; que dans les jours qui ont suivi Mme Y... a été atteinte d'une infection de la main qui a nécessité ultérieurement deux interventions supplémentaires pour le curage des tissus et des articulations interphalangiennes ainsi qu'une immobilisation des deux doigts pendant une quinzaine de jours ; que l'intéressée, qui demeure atteinte d'une raideur articulaire de ces doigts et d'un syndrome algodystrophique, recherche la responsabilité du centre hospitalier de Ruffec pour défaut de diagnostic de l'infection et absence de traitement adapté à son état ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est pas contesté, que l'infection dont a été victime Mme Y... n'a été diagnostiquée que le 31 janvier par un médecin d'Angoulême, alors que la patiente s'était rendue après la première intervention du 26 janvier 1996 au centre hospitalier de Ruffec pour le contrôle et le suivi des suites opératoires et qu'elle avait, le 28 janvier, attiré l'attention du médecin de garde de cet hôpital sur le caractère douloureux de ses doigts anormalement rouges et gonflés ; que, eu égard à ces symptômes, l'absence de diagnostic de l'infection par le personnel médical dudit hôpital, et, par suite, l'absence de soins appropriés, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement public ; qu'il ressort du rapport du docteur X... produit en appel par la requérante, rapport qui, bien qu'établi non contradictoirement a valeur d'élément d'information, que le retard de diagnostic a induit vraisemblablement un geste chirurgical plus étendu qu'il ne l'aurait été si le diagnostic avait été porté plus tôt, et a contribué à accroître le raidissement des doigts entraîné par l'accident ; que la requérante est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande d'indemnité dirigée contre le centre hospitalier de Ruffec pour défaut de lien direct de cause à effet entre la faute commise par les médecins de cet établissement et les séquelles alléguées ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en considérant que la faute commise par le centre hospitalier de Ruffec a contribué à l'aggravation des séquelles dont demeure atteinte Mme Y... du fait de son accident, dans une proportion d'un quart ;
Sur le préjudice :

Considérant qu'il ressort du rapport précité que Mme Y... dispose d'une force de préhension diminuée en ce qui concerne sa main droite et souffre de troubles de la sensibilité à l'origine d'une incapacité permanente partielle évaluée à 4 % ; que si elle prétend qu'elle a dû abandonner son activité professionnelle en raison de cet handicap, elle n'apporte aucune justification à l'appui de cette allégation ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toutes natures subis par l'intéressée dans ses conditions d'existence en les estimant à la somme de 12 000 F ; que les souffrances physiques endurées et le préjudice esthétique subi, qualifiés de peu importants, seront évalués à la somme de 8 000 F ; que compte tenu de la part de responsabilité retenue à l'encontre du centre hospitalier de Ruffec, le préjudice indemnisable subi par Mme Y... s'élève à la somme de 5 000 F ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente, qui a été mise en cause en première instance et a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Ruffec à lui rembourser le montant de ses débours consécutifs à l'accident de Mme Y..., disposait d'un délai de deux mois à compter de la notification qui lui a été faite du jugement attaqué écartant toute responsabilité du centre hospitalier de Ruffec, pour présenter des conclusions tendant à ce que cet établissement public soit condamné à lui rembourser le montant des sommes exposées en faveur de Mme Y... ; que ses conclusions d'appel présentées le 5 octobre 2001, soit après l'expiration de ce délai, sont tardives et par suite irrecevables ;
Sur les droits de Mme Y... :
Considérant qu'en dépit de l'irrecevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente tendant au remboursement des sommes exposées par elle, il y a lieu, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de prendre en compte lesdites sommes pour calculer le montant de l'indemnité à laquelle peut prétendre Mme Y... ; que, toutefois, en l'espèce, lesdites sommes n'ont aucune incidence sur les droits de Mme Y... ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que Mme Y... a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 5 000 F à compter du 6 février 1997, date de réception par le centre hospitalier de Ruffec de sa demande préalable d'indemnisation ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 30 mars 1998 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 février 1998 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Ruffec est condamné à verser à Mme Y... la somme de 5 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 1997. Les intérêts échus le 30 mars 1998 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus de la requête de Mme Y... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98BX00512
Date de la décision : 13/11/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE MEDICALE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE MEDICALE DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DU SERVICE PUBLIC - ERREUR DE DIAGNOSTIC.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - EXISTENCE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE SUBIS DU FAIT DU DECES OU DE L'INVALIDITE D'UNE PERSONNE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - DROITS DES CAISSES DE SECURITE SOCIALE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - DROITS DES CAISSES DE SECURITE SOCIALE - IMPUTATION DES DROITS A REMBOURSEMENT DE LA CAISSE.


Références :

Code civil 1154
Code de la sécurité sociale L376-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Roca
Rapporteur public ?: M. Rey

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2001-11-13;98bx00512 ?
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