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20/12/2001 | FRANCE | N°98BX01129

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 20 décembre 2001, 98BX01129


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 juin 1998, et le mémoire complémentaire, enregistré le 14 septembre 1998, par lesquels Mme X..., demeurant ... (Pyrénées-Atlantiques), demande que la cour :
- annule le jugement rendu le 7 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint Jean de Luz à lui payer la somme de 2.927.289 F soit 446.262,33 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du refus de permis que lui a opposé le maire de Saint Jean de Luz ;
- condamne la commune de

Saint Jean de Luz à lui payer la somme de 2.927.289 F soit 446.26...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 juin 1998, et le mémoire complémentaire, enregistré le 14 septembre 1998, par lesquels Mme X..., demeurant ... (Pyrénées-Atlantiques), demande que la cour :
- annule le jugement rendu le 7 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint Jean de Luz à lui payer la somme de 2.927.289 F soit 446.262,33 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du refus de permis que lui a opposé le maire de Saint Jean de Luz ;
- condamne la commune de Saint Jean de Luz à lui payer la somme de 2.927.289 F soit 446.262,33 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la demande préalable ;
- condamne la commune de Saint Jean de Luz à lui payer la somme de 10.000 F soit 1524,49 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2001 :
- le rapport de M. Bec, conseiller ;
- les observations de Me Etchegaray, avocat de Mme X... ;
- et les conclusions de M. Pac, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un précédent jugement en date du 22 juin 1994 passé en force de chose jugée, le tribunal administratif de Pau a annulé comme dépourvu de motivation régulière le refus que le maire de la commune de Saint Jean de Luz avait opposé le 24 août 1990 à la demande de permis de construire déposée par Mme X... ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint Jean de Luz ; que si la commune de Saint Jean de Luz soutient que l'insuffisance du nombre de places de stationnement prévu par le projet aurait en tout état de cause fait obstacle à la délivrance du permis demandé, il résulte cependant de l'instruction, et notamment d'un courrier de la commune adressé à Mme X..., que compte tenu de la situation de l'immeuble et de la nature du sous-sol, il était impossible de créer des places supplémentaires ; que cette impossibilité permettait à Mme X... de prétendre au bénéfice du régime de la participation pour non réalisation de places de stationnement ; que le maire n'aurait pu ainsi refuser le permis demandé pour un motif tiré du défaut de place de stationnement ; que le refus opposé à Mme X... doit ainsi être regardé comme ayant illégalement fait obstacle à la réalisation de son projet ; que Mme X... est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, du fait de sa localisation exceptionnelle sur le port de Saint Jean de Luz, et de son importance limitée, le projet immobilier de Mme X... était susceptible d'une commercialisation rapide ; que le bénéfice qu'elle aurait pu en retirer ne peut être regardé comme hypothétique ; que Mme X..., qui n'était pas tenue d'attendre l'issue de l'action en annulation du refus de permis qu'elle avait introduite devant le tribunal administratif de Pau, a vendu son bien le 22 septembre 1992, soit plus de deux ans après le refus opposé par le maire de la commune de Saint Jean de Luz le 24 août 1990 ; que, dans ces conditions, l'abandon du projet qui en résulte doit être regardé non comme étant du fait de Mme X..., mais comme la conséquence du refus de permis qui lui a été illégalement opposé ; que la commune de Saint Jean de Luz n'est par suite pas fondée à soutenir que le préjudice invoqué par Mme X... serait dépourvu de lien direct avec le refus qui lui a été opposé ;
En ce qui concerne la perte de bénéfice :

Considérant que si Mme X... soutient que la réalisation rapide de l'opération lui aurait procuré un bénéfice de 3.375.400 F soit 514.576,41 euros, il résulte de l'instruction que le prix de la construction du programme ne comprenait pas les frais de démolition de la construction existante ; que Mme X... n'établissant pas que l'entreprise de construction à laquelle elle aurait fait appel aurait consenti à réaliser gratuitement cette démolition, les frais correspondants, qui peuvent être évalués à 100.000 F soit 15.244,90 euros, doivent être ajoutés aux frais de construction, de même que le montant non contesté de la participation pour non réalisation de places de stationnement, soit 436.360 F ou 66.522,65 euros ; que la circonstance que le prix de la construction soit établi hors taxes ne fait pas obstacle à ce qu'il soit augmenté des différentes contributions mises à la charge du constructeur à l'occasion de la délivrance du permis, pour un total de 83.923 F soit 12.793,98 euros ;
Considérant en revanche que la commune de Saint Jean de Luz ne justifie pas la nécessité de fondations spéciales qui seraient venues grever le prix de la construction ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le prix au m2 de 6.000 F, soit 914,69 euros, proposé par la commune de Saint Jean de Luz pour l'évaluation du versement pour dépassement du plafond légal de densité, corresponde au prix du terrain libre et nu généralement pratiqué dans le secteur considéré ; qu' ainsi la commune de Saint Jean de Luz n'établit pas que ce prix serait supérieur au chiffre de 1.018 F soit 155,19 euros que propose la requérante ; qu'il sera fait par suite une exacte évaluation du versement pour le dépassement du plafond légal de densité auquel le programme projeté par Mme X... aurait donné lieu en le fixant à 191.911 F soit 29.256,64 euros ;
Considérant que la réalisation du programme projeté par Mme X... n'aurait ainsi procuré à cette dernière qu'un bénéfice net de 2.562.206 F soit 390.605,79 euros, inférieur au prix de 2.900.000 F soit 442.102,15 euros retiré de la vente de sa propriété ; que par suite Mme X... ne peut être regardée comme établissant l'existence d'un préjudice résultant de l'abandon de son projet ;
En ce qui concerne les frais exposée en vain :
Considérant que Mme X... a droit au remboursement de la somme de 71.160 F soit 10.848,27 euros représentant les frais d'architecte exposés en vain pour la réalisation de l'opération immobilière qu'elle a été contrainte d'abandonner ;
En ce qui concerne la perte de chiffre d'affaire :
Considérant que les effets de l'abandon du projet sur le chiffre d'affaire de Mme X... au titre des années ultérieures ne sont pas établis ; que la demande d'indemnisation présentée à ce titre par Mme X... doit être rejetée ;
En ce qui concerne le préjudice personnel subi par Mme X... :

Considérant que Mme X..., qui n'établit pas qu'elle attachait une valeur sentimentale à sa propriété, n'est pas fondée à soutenir que sa vente lui aurait ainsi causé un préjudice moral dont elle aurait été fondée à poursuivre l'indemnisation ; qu'il sera en revanche fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence causés à Mme X... par le refus illégal de la commune en fixant à 30.000 F soit 4.573,47 euros l'indemnité destinée à les réparer ;
Considérant par suite que l'indemnité due par la commune de Saint Jean de Luz à Mme X... en réparation des préjudices de toutes natures subis du fait du refus illégal de permis de construire qu'elle lui a opposé doit être fixée à 101.160 F soit 15.421,74 euros soit ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme X... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme accordée à compter du 17 octobre 1990, date à laquelle elle a saisi la commune de Saint Jean de Luz d'une demande d'indemnisation ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation."
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que Mme X..., qui n'est pas dans la présente instance la partie qui succombe, soit condamnée à payer une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Saint Jean de Luz à payer à Mme X... la somme de 6.000 F soit 914,69 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : la commune de Saint Jean de Luz est condamnée à payer à Mme X... la somme de 101.160 F soit 15.421,74 euros en réparation des préjudices causés par l'abandon de son projet immobilier, assortie des intérêts de droit à compter du 17 octobre 1990.
Article 2 : la commune de Saint Jean de Luz est condamnée à payer à Mme X... la somme de 6.000 F soit 914,69 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejetée.
Article 4 : le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 7 avril 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 98BX01129
Date de la décision : 20/12/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-05-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME - PERMIS DE CONSTRUIRE


Références :

Code de justice administrative L761-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bec
Rapporteur public ?: M. Pac

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2001-12-20;98bx01129 ?
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