Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 1998, présentée pour la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES (CRAMA) CENTRE ATLANTIQUE, dont le siège est situé ... des Dames à Périgueux (Dordogne) et la MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE (CMSA) DE LA DORDOGNE dont le siège est situé ... (Dordogne), par Maître Bahuet ;
Les requérantes demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 7 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande dirigée contre la décision du 9 septembre 1994 du préfet de la Dordogne rejetant leur demande d'indemnisation et tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser à la CRAMA Groupama Centre Atlantique, assureur subrogé dans les droits de la MSA, la somme de 559 226 F et à la MSA la somme de 447 429,51 F, assorties des intérêts de droit ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser lesdites sommes ;
3°) de condamner également l'Etat à leur verser la somme de 5 000 F sur la base de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2002 :
- le rapport de Mme Merlin-Desmartis ;
- les observations de Maître X..., collaborateur de Maître Bahuet, avocat de la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE ATLANTIQUE et de la MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA DORDOGNE ;
- et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 dont les dispositions ont été incorporées à l'article L.2216-3 du code général des collectivités territoriales : AL'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 21 février 1994, des manifestants qui avaient défilé le matin dans les rues d'Agen à l'appel d'une organisation de défense des intérêts professionnels des commerçants et artisans, se sont rendus à bord d'une quinzaine de cars à Périgueux où ils ont, aux environs de 16 heures, forcé les accès des locaux de la MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA DORDOGNE pour se livrer à un saccage systématique du mobilier, du matériel informatique et des dossiers des adhérents ; que les dommages ainsi causés ont résulté de délits commis à force ouverte contre des biens ; que ces actes délictueux sont en rapport direct avec la manifestation sur la voie publique qui les a précédés ; qu'ainsi, et alors même qu'ils auraient été prémédités, ils sont au nombre des actes qui ouvrent droit à réparation sur le fondement des dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société CRAMA (CENTRE-ATLANTIQUE), assureur subrogé dans les droits de son assurée, a versé à la MSA la somme non contestée de 559 226 F ; que le montant des dépenses restées à la charge de la MSA s'élève à 477 429,51 F ; qu'ainsi l'Etat doit être condamné à payer, respectivement, à la société CRAMA et à la MSA des indemnités desdits montants assorties, comme elles le demandent, des intérêts au taux légal à compter du 10 mai 1995, date de l'introduction de la demande devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation par l'Etat des dommages qu'elles ont subis ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser, ensemble, à la société CRAMA et à la MSA la somme de 762,25 euros (5 000 F) qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 7 mai 1998 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE ATLANTIQUE la somme de 85 253,45 euros (559 226 F) et à la MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA DORDOGNE la somme de 72 783,66 euros (477 429,51 F). Ces sommes porteront intérêts à compter du 10 mai 1995.
Article 3 : L'Etat versera à la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE ATLANTIQUE et la MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA DORDOGNE la somme de 762,25 euros (5 000 F) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.