Vu la requête, enregistrée le 3 février 1998 au greffe de la cour, présentée pour la S.A.R.L. PROCEDE ET MATERIEL DE CONSTRUCTION ayant son siège social 1, voie Félix Eboué Echat 2 à Créteil, par son mandataire liquidateur Me Pellegrini, ayant pour avocat la SCP Granrut, Vatier, Baudelot ;
la S.A.R.L. PROCEDE ET MATERIEL DE CONSTRUCTION demande à la cour :
1E) d'annuler le jugement en date du 2 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Gourbeyre à lui verser la somme de 5.835.400 F (889.601 euros) avec intérêts au taux légal ;
2E) de condamner la commune de Gourbeyre à lui verser la somme de 5.835.400 F (889.601 euros) avec intérêts au taux légal à compter de la première demande ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des marchés publics ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2002 :
- le rapport de M. Desramé, président-assesseur ;
- les observations de Me X... pour la SCP Granrut- Vatier-Baudelot associés, avocat de la S.A.R.L. PROCEDE ET MATERIEL DE CONSTRUCTION ;
- les observations de Me Y... pour la SCP Huglo-Lepage et associés conseils, avocat de la commune de Gourbeyre ;
- et les conclusions de M. Pac, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si la société requérante soutient que le jugement serait insuffisamment motivé pour ne pas répondre à certains de ses moyens, elle ne précise pas les moyens de première instance auxquels il n'aurait pas été répondu par le tribunal ; que, ce faisant, elle ne met pas le juge d'appel à même de se prononcer sur la pertinence de ce moyen tiré de l'irrégularité du jugement ;
Au fond :
Considérant que la S.A.R.L. PROCEDE ET MATERIEL DE CONSTRUCTION (P.M.C.) a, dès le mois de mai 1990, engagé des pourparlers avec la commune de Gourbeyre (Guadeloupe) dans le but d'édifier sur le territoire de cette commune des logements évolutifs sociaux destinés à remplacer les habitations détruites par le cyclone Hugo ; que la réalisation de tels logements était subordonnée à l'obtention d'un certain nombre d'aides publiques, notamment de l'Etat, en application d'un arrêté du 13 mars 1986, à condition que les prix de référence des habitations soient inférieurs à un prix plafond ; que ces financements n'ayant pu être obtenus, la direction départementale de l'équipement de la Guadeloupe n'a pas retenu le projet de la société PROCEDE ET MATERIEL DE CONSTRUCTION et les programmes pressentis ne furent jamais réalisés ; que la S.A.R.L. PROCEDE ET MATERIEL DE CONSTRUCTION qui estime avoir subi un important préjudice et qui a d'ailleurs été mise en liquidation judiciaire en août 1992, a recherché la responsabilité de la commune de Gourbeyre en raison de fautes commises par cette dernière consistant principalement en des engagements pris et non suivis d'effet ;
Considérant que si, au titre des fautes imputables à la commune, la société requérante invoque la résiliation intervenue le 13 mars 1991 d'un bail conclu le 17 août 1990 et portant sur un terrain situé dans une zone artisanale de la commune sur lequel la société devait édifier une usine de construction d'éléments pré-fabriqués, il résulte de l'instruction que ledit bail portait sur un terrain appartenant au domaine privé de la commune et ne comportait aucune clause exorbitante du droit commun ; que les conditions de la résiliation de ce bail ne pourraient de ce fait être examinées que par les tribunaux de l'ordre judiciaire ; que la S.A.R.L. PROCEDE ET MATERIEL DE CONSTRUCTION ne saurait par ailleurs valablement soutenir que la conclusion de ce bail constituerait un engagement de la commune à conclure ensuite les marchés portant sur la construction des logements évolutifs sociaux, ledit bail ne faisant nullement référence à l'objet de l'utilisation du terrain, ni à plus forte raison aux marchés à intervenir, et la société requérante ayant, avant même la signature du bail, démarché d'autres communes de Guadeloupe qui ont d'ailleurs signé avec elle des contrats qui pouvaient justifier à eux seuls la construction de cette usine ;
Considérant que si la société requérante invoque ensuite l'existence de documents dénommés "ordres de service", il résulte de l'instruction que "l'ordre de service" du 23 octobre 1990, portant sur 50 logements, a été signé non au nom de la commune mais au nom d'une association dénommée "Agence pour la protection du patrimoine et de l'environnement de Gourbeyre" ; qu'à supposer même que cette association puisse être considérée comme transparente eu égard au fait qu'elle était présidée par le maire de la commune, lequel a signé Al'ordre de service du 23 octobre 1990, un tel document ne pouvait être regardé comme un marché en l'absence du respect de toute règle relative à la conclusion des marchés publics ; que la société ne pouvait pas davantage, sans manquer à la plus élémentaire prudence, considérer un tel document comme valant engagement de la commune à conclure ultérieurement un marché ; que le document intitulé "programme triennal de reconstruction" qui lui a été remis le 19 juin 1990 par la commune, lequel ne peut être regardé comme constituant un véritable ordre de service, ne saurait davantage être assimilé à un marché ou même à une promesse de marché ;
Considérant que si la société requérante soutient également, sur la base d'une lettre du maire du 14 janvier 1990, que la commune de Gourbeyre se serait engagée à lui fournir dans un délai de 24 heures un "permis de construire provisoire" pour la construction de son usine ; un tel engagement, au demeurant parfaitement illégal, eu égard au fait que le code de l'urbanisme ne connaît pas la notion de "permis de construire provisoire", ne pouvait raisonnablement induire en erreur un professionnel de la construction et n'a pu en l'espèce lui causer aucun préjudice ;
Considérant que la société n'établit pas davantage l'existence d'un engagement de la commune à lui payer des avances pour la construction des logements, aucun document Bmanant de la commune n'étant produit en ce sens ; qu'au contraire il ressort des pièces du dossier que, par de multiples courriers et interventions, la S.A.R.L. PROCEDE ET MATERIEL DE CONSTRUCTION a cherché à obtenir, vainement d'ailleurs, de la part de la commune le versement de telles avances, lesquelles auraient été en toute hypothèse totalement injustifiées, en l'absence de tout contrat et de tout commencement d'exécution des travaux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A.R.L. PROCEDE ET MATERIEL DE CONSTRUCTION n'établit pas à la charge de la commune de Gourbeyre des fautes consistant en des engagements ou des promesses non tenues susceptibles de lui avoir causé un préjudice ; que si sur la base de simples pourparlers elle a, bien imprudemment d'ailleurs engagé d'importantes dépenses, celles-ci ne sauraient être imputées à des agissements fautifs de la commune ; que la non- conclusion des marchés trouve en réalité sa véritable origine dans le fait que son procédé de fabrication, en raison de son coût relativement élevé, ne permettait pas d'obtenir les subventions prévues par la réglementation et laissait à la charge de la commune une part importante du financement, que celle-ci n'a pu obtenir, sans qu'il soit établi qu'elle n'ait pas fait de démarches sérieuses en ce sens ; que pour l'ensemble de ces raisons, la S.A.R.L. PROCEDE ET MATERIEL DE CONSTRUCTION n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Gourbeyre à lui verser la somme de 5.835.400 F (889.601 euros) avec intérêts au taux légal ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de la commune de Gourbeyre ;
Article 1er : la requête de la S.A.R.L. PROCEDE ET MATERIEL DE CONSTRUCTION est rejetée.
Article 2 : les conclusions de la commune de Gourbeyre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.