La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2002 | FRANCE | N°98BX00967

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3e chambre, 21 mai 2002, 98BX00967


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 28 mai 1998, présentée pour M. et Mme C..., demeurant ..., par Me Philippe B..., avocat à Paris ;
M. et Mme C... demandent à la cour :
- d'annuler le jugement en date du 9 avril 1998, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat, de la commune de Jarnac, du département de la Charente et de la Société nouvelle de génie civil (S.N.G.C.) à leur verser la somme de 2 500 000 F en réparation des dommages causés à leur propriété ;
- de condamner l'Etat, la comm

une de Jarnac, le département de la Charente et la Société nouvelle de gén...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 28 mai 1998, présentée pour M. et Mme C..., demeurant ..., par Me Philippe B..., avocat à Paris ;
M. et Mme C... demandent à la cour :
- d'annuler le jugement en date du 9 avril 1998, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat, de la commune de Jarnac, du département de la Charente et de la Société nouvelle de génie civil (S.N.G.C.) à leur verser la somme de 2 500 000 F en réparation des dommages causés à leur propriété ;
- de condamner l'Etat, la commune de Jarnac, le département de la Charente et la Société nouvelle de génie civil à leur verser ladite somme de 2 500 000 F, assortie des intérêts de droit ;
- de les condamner également à supporter les dépens et à leur verser la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2002 :
- le rapport de Mme Texier, président-assesseur ;
- les observations de Me Z..., substituant Me A..., avocat pour la commune de Jarnac et pour le département de la Charente ;
- les observations de Me Y..., substituant Me X..., avocat pour la Société nouvelle de génie civil ;
- et les conclusions de M. Heinis, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le 20 janvier 1996, une partie du mur pignon et l'angle de la façade aval du moulin appartenant à M. et Mme C... et utilisé à usage d'habitation, sis ... (Charente), se sont effondrés à la suite d'une montée des eaux de la Charente ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, que si la commune de Jarnac a, en 1995, réalisé des travaux de réfection de la voie qui dessert les moulins de Jarnac, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux, qui ont consisté dans le renforcement des maçonneries et des fondations de la chaussée, et qui ont été exécutés sur un chemin ne donnant pas accès à la façade sinistrée, aient pu contribuer, même partiellement, à la réalisation du sinistre ;
Considérant, en second lieu, que le département de la Charente a entrepris, en juillet 1994, des travaux de reconstruction de la retenue de Jarnac ; que ces travaux, réalisés par la Société nouvelle de génie civil (S.N.G.C.), de juillet 1994 à mars 1996, sous la maîtrise d'oeuvre de la Direction départementale de l'équipement (D.D.E.) de la Charente, ont comporté notamment le curage de la zone amont des moulins et la réfection des vannages situés sous les moulins, dont celui situé sous le moulin de M. et Mme C... ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par voie de référé par le président du tribunal administratif de Poitiers, que les vannes du coursier situées sous le moulin des requérants n'étaient plus manoeuvrées depuis les années 1960 et que cette situation avait entraîné l'accumulation d'une sédimentation limono-sableuse devant le pignon du moulin, dont les fondations étaient ainsi protégées, et qu'une importante végétation s'y était développée ; que la réhabilitation du coursier, dont l'axe était différent à l'origine, et sa réactivation, jointes à l'arrachage et au dessouchage des frênes qui avaient poussé à l'angle du moulin, ont provoqué des phénomènes de turbulence qui, associés à la vitesse du courant, ont causé l'élimination de la masse protectrice ; que l'expert conclut que "l'état de l'immeuble et surtout de ses fondations est à 30% à l'origine du sinistre, l'agression du courant de la Charente y étant pour 70%" ; que, dans ces conditions, les travaux réalisés pour le compte du département de la Charente doivent être regardés comme ayant contribué à la réalisation du sinistre ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre les travaux publics en cause et les dommages subis par M. et Mme C... et a, pour ce motif, rejeté leur demande ;

Considérant qu'eu égard aux éléments ci-dessus rapportés, la commune de Jarnac doit être mise hors de cause et qu'il y a lieu d'estimer que les travaux réalisés pour le compte du département ont contribué à la réalisation des dommages à concurrence de 70%, l'état de l'immeuble des requérants, auxquels aucune faute ne peut être reprochée au motif qu'ils n'auraient pas procédé à la manoeuvre des vannes dont ils n'avaient plus la responsabilité depuis plusieurs années, ayant contribué à la réalisation dudit dommage à concurrence de 30% ; que dans ces conditions, M. et Mme C..., qui ont la qualité de tiers par rapport aux travaux en cause, sont seulement fondés à rechercher la responsabilité solidaire du département, maître de l'ouvrage, de l'Etat en sa qualité de maître d'oeuvre, et de la société S.N.G.C. qui a réalisé les travaux qui sont à l'origine des dommages et qu'il y a lieu de déclarer ceux-ci solidairement responsables du sinistre survenu le 20 janvier 1996 à concurrence de 70% et de les condamner solidairement à en réparer les conséquences dommageables ;
Sur le préjudice :
Considérant que l'expert, auquel il était demandé "d'indiquer la nature et le coût des travaux nécessaires en vue de mettre fin aux désordres, compte tenu de l'état d'entretien de l'immeuble, en faisant éventuellement la part de toute plus-value qui bénéficierait aux propriétaires de l'immeuble", s'est borné à indiquer qu'il n'était possible que d'avancer un ordre de grandeur du coût de reconstruction partielle de l'immeuble et de sa remise en état qu'il a estimé à 2 millions de francs hors taxe au vu de l'avis d'un maître d'oeuvre produit par les requérants ; que, dans ces conditions, la cour ne trouve pas au dossier les éléments de nature à permettre d'évaluer le préjudice ; que, par suite, il y a lieu de diligenter sur ce point une expertise contradictoire, aux fins qui seront précisées dans le dispositif du présent arrêt, et qui devra notamment permettre d'établir la valeur vénale de l'immeuble avant le sinistre du 20 janvier 1996 ;
Sur l'appel en garantie de la société S.N.G.C. par le département de la Charente :
Considérant que si le département de la Charente sollicite la condamnation de la société S.N.G.C. à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, il se borne à alléguer de façon générale l'existence d'un devoir de conseil de l'entrepreneur, sans établir qu'en l'espèce, la société S.N.G.C. aurait manqué à ce devoir ; que, par suite, en l'absence de faute commise par ladite société, l'appel en garantie formé par le département doit être rejeté ;
Sur la charge des frais de l'expertise de référé :
Considérant que les frais de l'expertise ordonnée par voie de référé par le président du tribunal administratif de Poitiers, liquidés et taxés à la somme de 19 721, 35 F, doivent être mis à la charge solidaire du département de la Charente, de l'Etat et de la société S.N.G.C., qui devront les rembourser à M. et Mme C... ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 9 avril 1998 est annulé.
Article 2 : Le département de la Charente, l'Etat et la société S.N.G.C. sont déclarés solidairement responsables du sinistre subi par M. et Mme C... le 20 janvier 1996 à concurrence de 70% et sont condamnés, dans cette mesure, à en réparer les conséquences dommageables.
Article 3 : L'appel en garantie formé par le département de la Charente est rejeté.
Article 4 : Il sera, avant de statuer sur la demande d'indemnité de M. et Mme C..., procédé à une expertise contradictoire par un expert désigné par le président de la cour. L'expert aura pour mission d'indiquer quelle était la valeur vénale de l'immeuble avant le sinistre du 20 janvier 1996, d'évaluer le coût des travaux de reconstruction de l'immeuble en indiquant si et dans quelle mesure ces travaux sont susceptibles de procurer une plus-value à l'immeuble et, de façon générale, de donner à la cour tous éléments de nature à lui permettre d'évaluer les préjudices de toute nature subis par les requérants.
Article 5 : Les frais de l'expertise de référé, liquidés et taxés à la somme de 19 721, 35 F, sont mis à la charge solidaire du département de la Charente, de l'Etat et de la société S.N.G.C..


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98BX00967
Date de la décision : 21/05/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - LIEN DE CAUSALITE.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CREES PAR L'EXECUTION DES TRAVAUX PUBLICS.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Texier
Rapporteur public ?: M. Heinis

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2002-05-21;98bx00967 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award