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21/05/2002 | FRANCE | N°98BX01611

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3e chambre, 21 mai 2002, 98BX01611


Vu la requête enregistrée par télécopie au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 4 septembre 1998 sous le n° 98BX01611 et son original enregistré le 9 septembre 1998, présentés pour la REGION GUADELOUPE représentée par le président du conseil régional ; la REGION GUADELOUPE demande que la cour :
- réforme le jugement du 30 juin 1998 du tribunal administratif de Basse-Terre en tant qu'il annule la décision du président du conseil régional de la Guadeloupe en date du 7 décembre 1995 prise à l'encontre de M. X..., qu'il enjoint au président du conseil rég

ional de la Guadeloupe de réintégrer M. X... à compter du 1er janvier ...

Vu la requête enregistrée par télécopie au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 4 septembre 1998 sous le n° 98BX01611 et son original enregistré le 9 septembre 1998, présentés pour la REGION GUADELOUPE représentée par le président du conseil régional ; la REGION GUADELOUPE demande que la cour :
- réforme le jugement du 30 juin 1998 du tribunal administratif de Basse-Terre en tant qu'il annule la décision du président du conseil régional de la Guadeloupe en date du 7 décembre 1995 prise à l'encontre de M. X..., qu'il enjoint au président du conseil régional de la Guadeloupe de réintégrer M. X... à compter du 1er janvier 1996 jusqu'au 31 décembre 1996, qu'il condamne le conseil régional de la Guadeloupe à verser à M. X... la somme de 195 407,42 F au titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
- rejette l'ensemble des demandes présentées par M. X... devant le tribunal administratif ;
- lui alloue la somme de 20 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2002 :
- le rapport de Mme Boulard, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Heinis, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité du recours pour excès de pouvoir présenté en première instance :
Considérant que selon l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable : "Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ;
Considérant que par une lettre datée du 7 décembre 1995 et notifiée le 14 décembre suivant à M. X..., agent contractuel de la REGION GUADELOUPE, le président du conseil régional de la Guadeloupe lui a fait savoir que son "contrat à durée déterminée expirant le 31 décembre 1995" ne serait pas renouvelé en raison d'une "faute lourde caractérisée" ; que M. X... a formé un recours administratif le 12 février 1996 à l'encontre de cette décision ; que, le silence ayant été gardé sur son recours administratif, M. X... a saisi le 9 août 1996 le tribunal administratif de Basse-Terre d'une demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 7 décembre 1995 ;
Considérant que la décision du 7 décembre 1995 ne mentionnait pas les délais et voies de recours ; que le délai de recours n'ayant pas, ainsi que le prévoit l'article R. 104 précité, commencé à courir, la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ne peut être considérée comme tardive ; que la circonstance, invoquée par la région en appel, que les conclusions de M. X... étaient exclusivement dirigées contre la décision initiale, sans mettre en cause le rejet implicite de sa réclamation, ne saurait les entacher de tardiveté ; qu'il suit de là que la REGION GUADELOUPE n'est pas fondée à soutenir la tardiveté du recours de M. X... dirigé contre la décision du 7 décembre 1995 ;
Sur la légalité de la décision du 7 décembre 1995 :
Considérant que la décision du 7 décembre 1995 du président du conseil régional, qui se présentait comme le refus de renouveler le contrat à durée déterminée d'un an suivant lequel M. X... avait été engagé du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1995, avait été précédée le 1er décembre 1995 d'une proposition émanant de cette même autorité de conclure un nouveau contrat de travail d'un an pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1996 ; que cette proposition, qui visait expressément l'article 38 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, rappelait à l'intéressé qu'il disposait d'un délai de 8 jours pour faire connaître son acceptation ; qu'il ressort des pièces du dossier que par une lettre datée du 7 décembre 1995, que sa hiérarchie a reçue le 8 décembre, M. X... a accepté le renouvellement de son engagement ; qu'ainsi, M. X..., qui a notifié son acceptation avant que ne lui soit notifiée la décision du 7 décembre 1995, doit être regardé comme ayant été engagé par la REGION GUADELOUPE pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1996 ;

Considérant qu'en admettant que la décision du 7 décembre 1995, notifiée avant la date d'effet du renouvellement d'engagement, soit regardée, ainsi que le soutient la région, comme un retrait de ce renouvellement, une telle qualification ne suffit pas à fonder légalement cette décision ; que celle-ci, qui est explicitement motivée par les fautes, telles que des achats "intempestifs" et des négligences dans le traitement de dossiers, qu'aurait commises M. X... dans l'exercice de ses fonctions, présente le caractère d'une mesure prise en considération de la personne ; que M. X... n'ayant pas bénéficié de la communication préalable de son dossier, qui est une garantie attachée aux mesures de cette nature, la décision du 7 décembre 1995 a été irrégulièrement prise ; qu'en outre, la matérialité des faits qui la motivent n'est pas établie ; que les critiques portées à cet égard par les premiers juges, lesquels ont relevé que l'intéressé ne disposait d'aucun pouvoir de décision en matière d'achats et que les lacunes ou retards qui lui étaient reprochés n'étaient pas de son fait, ne font pas l'objet d'une contestation précise en appel de la part de la région ; qu'ainsi, la décision du 7 décembre 1995 est entachée d'illégalité ; que la région n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a annulée ;
Sur l'exécution de l'annulation :
Considérant que l'annulation de la décision du 7 décembre 1995, qui est dès lors censée n'avoir jamais existé, implique nécessairement que M. X... soit replacé, de manière rétroactive, dans la situation qui était la sienne avant l'édiction de cette décision ; qu'ayant été engagé par la REGION GUADELOUPE pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1996, il doit être juridiquement réintégré par cette collectivité à compter du 1er janvier 1996 jusqu'à l'échéance normale de son engagement le 31 décembre 1996 ; que la REGION GUADELOUPE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif lui a enjoint de procéder dans les conditions susdécrites à la réintégration de M. X... ;
Considérant, en revanche, que l'annulation de la décision du 7 décembre 1995 n'implique pas nécessairement que M. X... bénéficie de la "réinscription", comme il le sollicite, à une formation professionnelle, même s'il avait été envisagé de le faire participer à une telle formation en 1995 ; qu'en sa qualité d'agent contractuel, M. X... n'a pas davantage droit à la reconstitution d'une "carrière", qui est attachée à la qualité d'agent titulaire ; qu'en l'absence de service fait, il ne peut prétendre au versement de son traitement proprement dit ; qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué dont il demande la réformation par la voie de l'appel incident, les premiers juges ont rejeté ses demandes d'exécution visant à son inscription à une action de formation, à la reconstitution de sa carrière et au paiement de ses traitements ;
Sur la réparation :
Considérant que l'illégalité dont est entachée la décision du 7 décembre 1995 constitue une faute qui engage la responsabilité de la REGION GUADELOUPE ;

Considérant que M. X... doit être indemnisé du préjudice résultant de la perte de ses traitements ; que, comme il le soutient en appel, la période à considérer est celle de son éviction illégale, soit l'année 1996 ; que, toutefois, la rémunération à prendre en compte est celle correspondant à son traitement net ; que la prise en compte du traitement net conduit à une évaluation de la perte de traitement ramenée à la somme de 243 644 F ; qu'en outre, doit être défalqué de l'indemnité réparant la perte des traitements le montant des allocations d'aide publique pour perte d'emploi ; que doivent être retranchées à ce titre les allocations que M. X... a effectivement perçues, et non comme le soutient la région, celles qu'il aurait pu percevoir ; qu'il résulte des éléments produits par la région elle-même que les allocations versées à l'intéressé au titre de l'année en cause se sont élevées à la somme de 120 393 F ; qu'il n'est pas établi que M. X... ait retrouvé un emploi lors de la période indemnisable de son éviction illégale ; que, dans ces conditions l'évaluation du préjudice découlant de la perte des traitements, qui avait été estimée à 92 407,42 F par le tribunal administratif, doit être portée à la somme de 123 251 F, soit 18 789,49 euros ;
Considérant que selon l'article 5 du décret du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux, qui est applicable aux agents non titulaires en vertu de l'article 5 du décret précité du 15 février 1988, "un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice" ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit allouée à M. X... une indemnité à titre de compensation de congés non pris ; qu'ainsi, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses prétentions sur ce point ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en indemnisant à hauteur de 83 000 F les troubles dans les conditions d'existence subis par M. X... du fait de la décision illégale qui l'a privé, dans les conditions susdécrites, d'un emploi en Guadeloupe et qui l'a amené à se réinstaller en métropole, les premiers juges aient fait, comme le soutient la région, une estimation excessive de ce chef de préjudice ; que M. X... n'établit pas la réalité des dommages qui, selon lui, doivent conduire à rehausser l'indemnisation accordée par le tribunal administratif pour réparer les troubles qu'il a subis dans ses conditions d'existence ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'en évaluant à 20 000 F le préjudice moral résultant de la décision qui est fondée sur de prétendues fautes de M. X..., le tribunal administratif ait fait une inexacte appréciation de ce dommage ; qu'ainsi, ni la région, ni M. X... ne sont fondés à contester sur ces points le jugement du tribunal administratif ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total des indemnités à verser par la région à M. X..., que le tribunal administratif avait évalué à la somme 195 407,42 F est porté à la somme de 226 251 F, soit 34 491,74 euros ; que ce n'est que dans cette mesure que le jugement doit être réformé ;
Sur les frais irrépétibles :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X..., qui pour l'essentiel ne succombe pas dans la présente instance, soit condamné à verser à la REGION GUADELOUPE la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la région à payer à M. X... la somme de 1 000 euros au titre de ces mêmes frais ;
Article 1er : La somme de 195 407,42 F que la REGION GUADELOUPE a été condamnée à payer à M. X... par le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 30 juin 1998 est portée à 226 251 F, soit 34 491,74 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 30 juin 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La REGION GUADELOUPE versera à M. X... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La requête de la REGION GUADELOUPE et le surplus du recours incident de M. X... sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98BX01611
Date de la décision : 21/05/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COLLECTIVITES TERRITORIALES - REGION - AGENTS DE LA REGION (VOIR FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS).

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - AGENTS CONTRACTUELS ET TEMPORAIRES - FIN DU CONTRAT.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - EFFETS DES ANNULATIONS.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONTENTIEUX DE L'INDEMNITE.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DELAIS.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R104
Décret 85-1250 du 26 novembre 1985 art. 5
Décret 88-145 du 15 février 1988 art. 38, art. 5


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Boulard
Rapporteur public ?: M. Heinis

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2002-05-21;98bx01611 ?
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